Certains disent que la divinité n’est pas une race mais un moment. Que les dieux ne descendent pas du ciel pour se mêler aux humains. Que les dieux sont des humains saisis par un souffle magique, à un moment soudain d’une vie jusque-là banale. Que la divinité est en somme un accident. Un miracle imprévu, terrible.
Luc DELLISSE, Parler avec les dieux, Éléments de langage, 2022, 70 p., 14 €, ISBN : 978-2-930710-22-8Il est des mots que le pluriel trivialise. La multiplication ne leur sied pas, ils y perdent leur jalouse exclusivité, leur pouvoir absolu. Mais s’appliquant à « Dieu », le pluriel permet de renouer avec une dimension singulière de la divinité : « C’est un sentiment diffus, un rêve, le souvenir d’un rêve ».Les lecteurs de la poésie et des nouvelles de Luc Dellisse savent le rapport privilégié, amoureux même, qu’il entretient avec l’idée de risque. Ils en feront à nouveau l’expérience, avec un cran d’audace supplémentaire, en suivant le dialogue qu’il ose entamer avec « les dieux ». En païen ? L’étiquette…
Elles sont quatre, les Légendes flamandes publiées en 1858 par Charles De Coster, qui en attendait mieux qu’un succès d’estime ; rééditées dans une version remaniée en 1861.C’est sur ce dernier texte que se fonde l’édition critique établie par Joseph Hanse en 1990, qui reparaît pour l’essentiel aujourd’hui, sous l’égide de Jean-Marie Klinkenberg, dans la collection Espace Nord. Quatre légendes, au langage original, coloré, archaïsant, mais qu’on a tôt fait d’apprivoiser. Aux personnages bien sculptés, dont le plus célèbre n’est autre que Sire Halewyn , le Méchant, qui se proclamait l’Invincible, séducteur impitoyable de tendres vierges, qu’osa défier – et sut vaincre – l’intrépide Magtelt.La vaillance des femmes est aussi mise à l’honneur dans Les Frères de la Bonne Trogne , qui raconte comment les commères d’Uccle prirent une nuit la place – et les arcs – de leurs maris, dormant d’un sommeil de plomb pour avoir trop « chopiné », le diable s’en mêlant de surcroît, et mirent en déroute une troupe de bandits venus piller leur commune. Un exploit dont le Duc voulut garder mémoire. « Ainsi fut instituée la confrérie des femmes-archers d’Uccle, lesquelles tirent de l’arc comme hommes à chaque dimanche sous la protection de Madame la Vierge.» On rencontre plus loin Blanche, Claire et Candide , trois nobles pucelles aux noms transparents, qui ont « voué à Dieu leur fleur de virginité », au désespoir de leurs amoureux, et, « par ordre céleste », partent à l’aventure. Leur voyage s’arrêtera au village de Haeckendover, dans le duché de Brabant, où elles réaliseront leur rêve de faire bâtir une église.Le conte le plus captivant, plein de rebondissements, est peut-être Smetse Smee , forgeron en sa bonne ville de Gand, qui nous est ainsi présenté : « Il…