Le parcours littéraire d’Henry Bauchau est un cheminement de cinquante années dans l’espace intérieur d’un imaginaire qui se découvre et se construit au fur et à mesure du travail d’écriture. Partant d’un sentiment de perte ou d’échec, cette œuvre née d’une démarche psychanalytique traduit un décalage graduel avec les pseudo-certitudes et la réhabilitation de valeurs initialement dénigrées, dans lesquelles l’écrivain reconnaît peu à peu ses points d’appui. Cette étude s’attache aux axes majeurs de l’imaginaire mis en œuvre dans le processus de cette métamorphose : la traversée spatiale, le rapport à l’Altérité, la reprise (retour et suture) du mythe antique ; elle montre l’impact de ce projet sur l’écriture et souligne en quoi il rejoint un horizon d’attente contemporain.
Autrice de Parcours d'Henry Bauchau
Un art en expansion : Dix chefs-d’œuvre de la bande dessinée moderne
Le 9e art explore sans cesse de nouveaux territoires. Il apparaît en constante évolution, ou plutôt en expansion, selon le terme choisi par Thierry Groensteen, l’un des spécialistes les plus renommés de la bande dessinée. Ses potentialités graphiques et narratives semblent s’étendre à l’infini et il génère des ouvrages de plus en plus amples. Si l’album standard de 44 pages cartonné reste dominant sur le marché, on trouve en effet aujourd’hui des nombreuses œuvres qui tant au niveau de la forme que du sujet se démarquent des conventions. Publié aux Impressions Nouvelles, de même que quelques-uns des nombreux ouvrages de Groensteen, comme La Bande dessinée mode d’emploi (2008), Un art en expansion analyse dix albums phares, dix points de rupture, dix œuvres dont les auteurs ont pris des libertés avec les contraintes habituellement en vigueur dans la bande dessinée, avant de permettre à d’autres d’emprunter les nouvelles voies ainsi créées.Si le premier album traité, La ballade de la mer salée , ne paraît plus si audacieux aujourd’hui, il l’était incontestablement lors de sa parution dans les années soixante. Avec cet album en noir et blanc de 160 pages, premier véritable roman graphique, Hugo Pratt s’affranchit de bien des conventions. A contrario, Building Stories de Chris Ware ou Alpha… Directions et Beta… civilisations de Jens Harder, les albums les plus récents étudiés par Groensteen, semblent les plus novateurs et déroutent encore le lecteur.Les albums choisis appartiennent à la bande dessinée dite d’auteur, car Groensteen étudie le 9e art en tant que littérature graphique. Au fil de ses lectures captivantes, il passe d’une macro-lecture, inscrivant les albums dans l’histoire de la bande dessinée et tissant des liens entre les différents ouvrages, à une micro-lecture, analysant une planche, une case, un détail qu’il met en perspective avec un brio certain.Thierry Groensteen livre un ouvrage dense, foisonnant, dont le propos clair et précis convainc et ne donne qu’une envie : (re)lire les dix albums traités. Outre ceux cités plus haut, on y trouve Le Garage hermétique de Jerry Cornelius de Moebius, Watchmen d’Alan Moore et Dave Gibbons, L’Ascension du Haut Mal de David B., Fun Home d’Alison Bechdel, Faire semblant c’est mentir de Dominique Goblet, Là où vont nos pères de Shaun Tan et Habibi de Craig Thompson. Il n’est pas nécessaire de les connaitre pour en comprendre les analyses. Toutefois il serait dommage de passer à côté de ces livres, essentiels selon Groensteen, et qui font désormais figure de classiques. Fanny DESCHAMPS ♦ Lire un extrait de Un art en expansion , proposé par les Impressions nouvelles Un Art en expansion propose un retour sur un demi-siècle de création en bandes dessinées, une période qui a vu le « neuvième art » se diversifier considérablement, aborder de nouveaux domaines, inventer de nouvelles formes, se métisser avec d’autres arts et s’émanciper du format de l’album traditionnel. Dix œuvres-phares de la modernité sont passées au crible d’une relecture attentive qui en détaille les enjeux et en fait ressortir le caractère novateur. Dix jalons essentiels dans l’expansion d’un art qui a progressivement pris conscience de lui-même et de ses potentialités. Dans l’ordre chronologique de parution, ce sont La Ballade de la mer salée de Hugo Pratt, Le Garage hermétique de Jerry Cornelius de Moebius, Watchmen d’Alan Moore et Dave Gibbons, L’Ascension du Haut Mal de David B., Fun Home d’Alison Bechdel, Faire semblant c’est mentir de Dominique Goblet, Là où vont nos pères de Shaun Tan, Habibi de Craig Thompson, Building Stories de Chris Ware, Alpha… directions et Beta… civilisations de Jens Harder. S’appuyant sur sa connaissance intime de la bande dessinée, Thierry Groensteen les décortique avec gourmandise, cueillant les détails significatifs et les mettant en réseau pour déployer tout l’éventail…
L'acte de lire (auquel se ramène toute vraie pensée critique) implique la coïncidence…
Camille Lemonnier, le « Zola belge », déconstruction d’un poncif littéraire
Les clichés, les lieux communs et les poncifs ont la vie dure et parfois nous polluent. Ils s’imposent à l’esprit, à la bouche et à la plume plus vite que la précision, la complexité et la nuance. Il en est en littérature comme ailleurs. Ainsi Camille Lemonnier ne cesse-t-il pas d’être considéré comme le Zola belge. Comme si, par ces mots, on avait tout dit, de son œuvre. Et cela ne date pas d’aujourd’hui. Dans Camille Lemonnier, le « Zola belge », déconstruction d’un poncif littéraire , le critique Frédéric Saenen, fidèle collaborateur du Carnet et les Instants , explique la genèse de ce lieu commun, met en évidence les mécanismes de sa viralité afin de mieux le défaire et avancer des propositions nouvelles. Faut-il le rappeler, Camille Lemonnier (1844-1913) est un écrivain à l’œuvre riche et variée (critique d’art, romans, contes, récits, etc.) et à l’écriture puissante ; il est l’auteur d’une cinquantaine de livres (plusieurs titres sont réédités dans la collection « Espace Nord »). Frédéric Saenen le tient pour le « germe et le socle de Nos Lettres ». Pourtant, au 19e siècle, on le comparait souvent, quand on ne le soupçonnait pas d’en être le plagiaire, à Victor Hugo, Léon Cladel, Jules Barbey d’Aurevilly, Gustave Flaubert. Et bien entendu à Émile Zola, chef de file du mouvement naturaliste, dans lequel Camille Lemonnier s’inscrit en partie, même si, comme le montre Frédéric Saenen, on ne peut l’assigner à un courant littéraire. De là découlera l’appellation de Zola belge. Elle circulera déjà de son vivant, peut-être même dès la parution d’ Un mâle , son roman le plus fameux. Le mot « belge » est d’ailleurs tout aussi important que celui de « Zola » dans ce syntagme car on fera de Lemonnier le premier écrivain belge, et aussi le dernier, si on le considère comme le parangon de l’identité belge. D’ailleurs Frédéric Saenen confirme cette affirmation, tout en précisant, au passage, ce que serait le sillon profond de la littérature belge. Selon lui, il ne s’agirait pas du surréalisme mais de « l’expression directe des pulsions premières et de l’instinct, qui pousse l’individu au passage de la ligne et au seuil de la tragédie intime. »Pour déconstruire le poncif de « Zola belge », Frédéric Saenen ne se contente pas de s’interroger sur la manière dont ce dernier s’est forgé et répandu, mais il analyse, à travers la littérature critique, les liens qui unissaient Lemonnier et son collègue français ainsi que leurs œuvres respectives. Aussi, de page en page, remet-il en lumière ce qui est occulté par le cliché : Lemonnier, réaliste décadent, virtuose du style, écrivain de la péri-urbanité, relecteur de la Bible, explorateur halluciné de l’intime, peintre du peuple belge. En refermant Camille Lemonnier, le « Zola belge », déconstruction d’un poncif littéraire , on ne peut que féliciter Frédéric Saenen d’avoir su démontrer, de façon condensée, la grandeur et l’originalité de l’œuvre de Lemonnier. Nous ne pouvons d’ailleurs qu’adhérer à sa proposition de faire de Camille Lemonnier le…