Auteur de Nuages et vestiges
Si écrire, c’est entre autres faire parler les pierres, alors, le dernier recueil de Liliane Schraûwen est une gemme délicate polie par la gouge des mots. Mais les pierres ne sont pas toujours précieuses. Elles le deviennent après que l’on a redonné vie aux vestiges, après avoir fait renaître leur mémoire, après avoir allégé cette « masse lourde de dure pierre » comme pour en extraire la vie.Alors il est venu / creuser la roche dure / Il t’a trouvée où tu rêvais / de ton rêve de pierre / Tu as pris vie entre ses doigts / et déployé ta chevelure / comme une flamme dans le ventLes ruines, témoins du temps qui file, pierres ancestrales que le vent érode et fait revivre sous les coups de burin de ses caprices. Des rafales…
Trente ans ! C’est le temps qu’il a fallu à Isabelle Bielecki pour comprendre que ses poèmes adressés à la mer, alors écrits « d’un jet brûlant », parlent en vérité de sa mère. L’amniotique homophonie est restée inconsciente tout ce temps. Ce sont les photos à grand format de son compagnon Pierre Moreau qui ont réveillé ses textes longtemps enfouis. Ils forment aujourd’hui la première partie du recueil Miroirs à marée basse . La mer / Est tellement fière — La mer / File en arrière — La mer / Jusqu’en enferLa mer / Se désespère — La mer / Des jours amers — La mer / Au cœur de pierre Au centre, un cahier soigné de six images très vives laissent le ciel prendre tout l’espace au-dessus de la plage. La solitude y répond à la foultitude, l’immense y accueille le minuscule des êtres et leurs traces, et la météo impose ses humeurs changeantes ; lumineuses ou méchantes. Les images séparent les textes d’avant, remontés à la surface, et ceux de maintenant, sur mesure. La mère est morte et la mer l’emporte. La mer / Cette volière — La mer / Enserre — La mer / PaupièreLa mer / Dentellière — La mer / Écuyère — La mer / Lisière En contrepoint, « les textes en caractères droits (pages paires) appartiennent à Martine Rouhart. » Et si Isabelle Bielecki « voit le verre à moitié vide », son amie boit le verre à marée haute. Ainsi, la verve des deux poétesses fait un flux et un reflux ; la seconde partant du point d’encre de la première, que la page a bu comme la plage absorbe une vague mourante. Joëlle Aubevert, éditrice pour Le Coudrier, a ces mots : « La poésie est l’eau de la littérature ». Mes pas vont et viennent / dans la pénombre — Sur la plage nue / érafléeLa lumière cassée / les ombres élargies — Rumeur sourde de la marée montante Le travail d’écriture à trois miroirs a été poli lors du voyage littéraire du Non-dit en septembre 2018 à Berck-sur-mer, sur le thème des « Écrits du Nord ». Ainsi, la lecture de cet ouvrage au format paysage prend un chemin familier vers des rivages reconnus et aimés. Les poèmes et photos ont le don de faire entendre et goûter les vapeurs d’embrun. Et de rappeler par l’incessant mouvement de la lune et du soleil, du jour et de la nuit, de la chaleur et de l’écume, que la mer est l’origine de la vie. Elle reste le lieu notre naissance et exige de nous un éternel retour annonçant un perpétuel voyage. Il faudrait inventer / d’autres saisons — Je regarde la mer / marcher vers moiQuand le jour / s’enfoncera dans la mer — Partir pieds nus / dans le noir Tito…
Le jardin était d’orangers, l’ombre bleue, des oiseaux pépiaient dans les branches. Le grand…