Mais je ne me souviendrai de rien,
ni des toits laqués ni de ta peau écrue, et vivre n’était alors qu’un défaut de l’œil gauche j’ai dit.
Le jardin gonflait dehors l’étendue des phrases vaines, sous les lauriers les murs de bauge
des voix simplement.
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Allumés parfois pareils à d’anciennes villes nous allions, la nuit, entre le mobilier de bois verni la faune des objets en passant
et parfois l’herbe des plaines ou la bruine nous touchaient
nos corps habillés de peu cherchant la touffeur brune d’une ultime frondaison, d’une île.
Auteur de Nu l'été sous les fleurs ; précédé de, Traquée comme jardin
Après un éblouissant premier recueil poétique Cinq lèvres couchées noires, paru aux Éditions Cheyne en 2020, Louis Adran nous plonge dans l’incandescence fauve d’un deuxième recueil, Nu l’été sous les fleurs précédé de Traquée comme jardin.
Qu’est-ce que la syntaxe ? Comment épouse-t-elle une autre langue après avoir consommé le divorce avec la langue officielle ? L’économie poétique de Louis Adran est celle d’un écrire qui rompt avec le dire. L’écrire surgit dans l’après-désastre, dans l’après-temps perdu et revient sur ce passé. Poussant plus avant le mouvement d’effacement, le poète inscrit dans le verbe même le frôlement d’aile du non-écrire, l’interruption de la lettre. Sa langue porte trace des guerres qu’on a menées contre…
Il était une fois la Bryone, une plante toxique et magique aussi appelée navet du diable. Est-ce celle-ci qui donne son nom à cette jeune princesse et à la légende qui lui est attachée ? Une légende que revisite pour nous Ludovic Flamant sous la forme sombre du conte. Et comme dans tous les contes, il y a la princesse, le roi autoritaire et surtout la forêt obscure et tentatrice. Il y a aussi l’ombre de la folie qui plane sur les protagonistes. Une démence, une obsession attisées par le secret sylvestre que Bryone cherche à percer. C’est que Bryone se sent à l’étroit dans ce château, dans ce village où les cloches de l’église, lancinantes, résonnent en elle comme un chœur : Ô qu’as-tu vu Bryone ? Nous voulons voir aussi… Nous tournons avec avidité les quelques pages du volume, lecteurs impatients de savoir ce que les yeux de Bryone ont vu. On le sait, la forêt est le lieu fantastique et terrifiant où l’inanimé prend vie, où les perceptions se troublent pour faire surgir les dimensions cachées du féerique. Ô qu’as-tu vu Bryone ? Nous voulons voir aussi… Oui, Bryone, dis-nous ce que masquent les fourrés au fond du jardin. La lisière est proche. Allez vas-y ! Brave les interdits ! Défie les codes ! Nous serons à l’écoute, attendrons les dévoilements de ton inconscient révélé au contact de la nature mystérieuse. Bryone, as-tu, comme Blanche-Neige, souffert les arêtes tranchantes des arbres griffus ? Ou bien n’est-ce qu’une hallucination ? Allez, dis-nous ! Ô qu’as-tu vu Bryone ? Nous voulons voir aussi… Vous voulez savoir ? Une seule chose à faire, emprunter le même chemin que la princesse, la suivre à la trace, s’aider des images-collages de Sara Gréselle pour la pister et dévorer ces lignes …comme un ogre ! Rony Demaeseneer La Princesse Bryone est une enfant comblée : choyée et protégée, ses moindres désirs sont exaucés. Il n'empêche qu'elle est enfermée entre les hauts murs du château de son père, alors qu'à l'horizon la forêt se dresse, tentaculaire. L'histoire finira mal. Il nous est confié que ce « Cahier » a été réalisé d'après une légende transmise par l'artiste Goldrajch. On connaît Stephan Goldrajch pour ses performances textiles. Ses masques sont exposés dans le monde entier. La légende de la Princesse Bryone lui aurait été racontée dans un bus à Jérusalem. Elle serait originaire d'Europe de l'Est. Goldrajch s'en est emparé, exprimant l'espoir que « chaque année un nouvel artiste se l'appropriera et évoquera le monde extraordinaire disparu, dont la légende de Bryone transmet le souvenir ». Pour 2019 en tous cas, ce souhait se trouve brillamment rencontré! Même grâce dans les mots et dans les dessins, Princesse Bryone est une pépite que l'on devine portée avec la même ferveur par l'auteur, l'illustratrice et l'éditrice.…