Quand
Le soleil aura usé son silex contre
Le bois d’ébène de la nuit
Nous ne serons plus là mon amour !
Mais nous aurons chanté
Dansé bu ri et loué de n’être plus là
Auteur de Mémento du chant des Archers de Shu
En écrivant quelque part que « tout ce qui entre dans le livret est chant », le poète-philosophe belge Max Loreau (1928-1990) définit le rôle qu’il assigne au poème. Un chant poétique donc qui impliquerait le désir d’appliquer au langage poétique une sorte de danse, de relief corporel par le truchement d’une mise en scène opératique. Une réflexion sur la mise en mouvement du rythme musical du poème qu’il convient de garder à l’esprit quand il s’agit d’aborder le continent que forme l’œuvre de Werner Lambersy.On connaît l’impressionnante bibliographie de ce dernier et les multiples sources auxquelles elle puise dans les « chants » des littératures mondiales. Son nouvel opus, Mémento…
Marc Dugardin , avec la complicité de son fils à la photographie – Antoine Dugardin – ouvre une fenêtre…
La Dame au balancier de neige : bréviaire d’amour ; suivi de Heaume de l’Être
Il est des titres qui font l’envie tant on aurait aimé qu’ils soient encore disponibles pour, à partir d’eux, inventer des contes, des fables, des poèmes. Il en est ainsi de La dame au balancier de neige , déposé sur la couverture du dernier recueil de Sébastien Lise (pseudonyme de Joël Goffin), illustrée du tableau de Vermeer van Delft, La dame à la balance. Un « Avertissement » décrit au lecteur la genèse de ce volume composé de deux ensembles : « un long poème linéaire et cohérent jailli d’un trait », La dame au balancier de neige, prolongé du Heaume de l’Être, « un titre sous forme de jeu de mots révélateur d’une période expérimentale ». Chroniqueur littéraire, poète et spécialiste de littérature symboliste, Sébastien Lise s’est fait connaître sous son vrai nom, Joël Goffin, par de nombreux livres et publications sur la vie littéraire, se spécialisant notamment sur la vie et l’œuvre de Fernand Khnoppf et Georges Rodenbach. À ce dernier il consacre un site de référence . Le sous-titre du recueil nous invite lui aussi à éclairer notre lecture d’une lumière spécifique : Bréviaire d’amour semble indiquer qu’une liturgie rythmera notre cheminement dans le livre dont le premier poème, « La justice », évoque cette lumière diaphane, ce décor d’antan, ce regard voilé de La dame à la balance .L’« Avertissement » nous invitait à lire l’ « Œuvre » dans l’ordre proposé , comme si de l’enchaînement des textes naîtrait un sens qui échappe à chacune des pages, lues séparément. Pourtant, chaque poème se déploie comme autant d’explorations d’une souffrance, d’une déchirure, d’une inconsolation. Les titres en disent long : « Geôle » , « L’âme hors » , « La démantelée » , « Déluge » … Et le poète nous serre à la gorge en évoquant ce mobile ossuaire qu’est l’échiquier du monde. À chaque poème, on imagine des séquences qu’aurait filmées un Ingmar Bergman, des pièces de théâtre qu’aurait mises en scène un Ghelderode. Sébastien Lise partage avec ceux-là l’exploration et l’exaltation des imaginaires que débrident la liberté du style et l’inspiration trépidante. Il n’est pas une image, pas un phrasé, pas un jeu sur les mots qui ne nous transporte dans une imagerie onirique tempétueuse.On retrouve cette ferveur ténébreuse dans Heaume de l’Être. Ces textes, sélectionnés parmi les « poèmes anciens 1981 – 1988 » s’inscrivent dans ce sillage tellurique auquel nous entraînait la première partie du livre. La Flandre y est présente à travers les tableaux évoqués ( La chute d’Icare ), mais aussi dans les lieux que la plume acerbe du poète explore et semble vouloir déchirer comme ce « Mer du mort-Moortzee » dont l’ironie du titre tente – en vain – de voiler le chagrin qu’inspire la mort d’un père. Promenade dans Bruxelles aussi (dont on reconnaîtra les lieux qui inspirent l’écrivain), Heaume de l’Être s’achève par ces « Derniers vers » qui sonnent comme un glas poignant : J’entre dans le désert de mon dernier hiver Dans l’eau je veux dormir la mer suffira-t-elle Je me sens dériver je n’ai plus besoin d’ailes Les morts seraient heureux s’ils savaient qu’ils sont morts… Le livre se referme sur un des Holy Sonnets de John Donne (1573-1631) qui débute par cette injonction Mort, cache ton orgueil… Traduction libre par Sébastien Lise du sonnet : Death, be not proud. Jean Jauniaux La voici qui s’avance Par la nuit sans étoile Son regard dans le vide Et ma voix qui chancelle Et mon chant…