Littérature et photographie | Objectif plumes

Littérature et photographie

RÉSUMÉ

Cet ouvrage rassemble les actes du colloque « Littérature et Photographie », organisé par l’Académie royale de langue et de littérature françaises le samedi 23 novembre 2024.
Ce colloque a réuni Philippe Lekeuche (La photographie et l’écriture de la trace), Danielle Bajomée (Déjouer/rejouer la Perte : l’obsession photographique dans quelques récits auto- et biographiques des années 1970), Luc Dellisse (L’Intervalle et le Mouvement : Marie-Françoise Plissart), Muriel Claude (Kekkai : écriture et photographie), Martine Renouprez (Claire Lejeune, à la recherche de la lumière entre écriture et photographie), Hélène Giannecchini (« Toutes les photographies sont moi ») et Jan Baetens (Photolittérature : entre texte et livre).

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Le Carnet et les Instants

Immanquable dès le premier abord : la diversité même de cet ouvrage où dix auteurs/autrices s’intéressent aux relations entretenues avec la photographie par une série d’autres l’ayant, depuis le début des années 1980, pratiquée, ou observée, ou commentée, ou mise en retrait. Ce petit livre réunit les interventions prononcées en novembre 2024, lors d’un colloque organisé à Bruxelles par l’Académie royale de langue et de littérature française. Dix interventions : celles de Jan Baetens, Danielle Bajomée, Muriel Claude, Luc Dellisse, Hélène Giannecchini, Philippe Lekeuche, Yves Namur et Martine Renouprez. Autant dire qu’il en ressort des approches significativement différentes sur la thématique…


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Privé : Phénomène : Portraits d’Amélie Nothomb

Paru aux éditions Gründ sous le titre Phénomène , un beau-livre présente le travail de Marianne Rosenstiehl sur Amélie Nothomb. Quatre-vingts portraits photographiques sont ainsi rassemblés, assortis d’interviews accordées par l’écrivaine à l’émission À voix nue de France Culture. Actes de colloques, livres d’entretiens, monographies, abécédaire, parodies… les livres sur Amélie Nothomb sont désormais presque aussi nombreux que ceux écrits par la pourtant prolifique romancière. Phénomène explore un pan important de la présence publique et médiatique, voire de l’œuvre, de l’écrivaine : les photos. Depuis 2003 et Antéchrista , la couverture de chacun de ses romans est en effet invariablement ornée d’un portrait en pleine page, tandis que ses interviews dans la presse sont toujours agrémentées d’images artistiquement mises en scène. Au fil des années, Amélie Nothomb a collaboré avec de grands noms de la photographie. On pense par exemple à Jean-Baptiste Mondino, Sarah Moon ou encore Pierre et Gilles. Et, donc, Marianne Rosenstiehl . La portraitiste française, qui affectionne le noir et blanc, a travaillé avec plusieurs icônes – Mylène Farmer, Isabelle Huppert et Juliette Binoche notamment. Avec Amélie Nothomb, la collaboration, qui a donné lieu à une exposition à Paris à l’automne 2021, a été de longue durée. Les photos reproduites dans Phénomène s’étalent sur dix-huit années, de 1995 à 2013. Certaines sont très connues (Marianne Rosenstiehl a notamment signé la photo, lèvres rouges façon geisha , choisie pour la couverture de l’édition de poche de Stupeur et tremblements ), d’autres plus confidentielles, ou même inédites.Malgré la longévité du compagnonnage entre l’écrivaine et l’artiste, et bien que toute photographie fasse inévitablement resurgir un instant passé et révolu, le volume édité chez Gründ donne finalement assez peu l’impression du passage du temps. Les photos n’y sont d’ailleurs pas classées par ordre chronologique. Ce qui frappe surtout, c’est le goût de la photographe et de son modèle pour des mises en scène éloignées de l’iconographie traditionnelle de l’écrivain. Qu’elle installe la romancière dans un décor parisien ou japonisant, qu’elle la coiffe d’un chapeau, d’une voilette ou la laisse nu-tête, qu’elle pose son objectif dans un cimetière ou saisisse son modèle juché sur une échelle, Marianne Rosenstiehl donne à voir non l’écrivaine Amélie Nothomb, mais des scènes, des embryons de fiction tantôt poétiques, tantôt incongrus, tantôt drôles, dont la protagoniste a pris les traits d’Amélie Nothomb. Les thématiques desdites scènes font écho, de manière plus ou moins directe, plus ou moins détournée, aux questions qui innervent l’œuvre littéraire de l’écrivaine. La seule série de photos qui fasse référence à l’écriture – un exemplaire des Catilinaires ouvert, Amélie Nothomb un crayon dans la main – est aussi celle où la romancière apparait comme morte, allongée sur un grand bureau à côté de sa création.Cette belle sélection de clichés, luxueusement reproduits, est précédée de la transcription d’un entretien en cinq épisodes accordé à l’émission À voix nue de France Culture en 2019. Séduisant par la qualité des interviews menées par Marie-Laure Delorme, ce choix éditorial étonne par son arbitraire apparent : à aucun moment Amélie Nothomb n’évoque les réalisations de Marianne Rosenstiehl ni même, plus généralement, son rapport à la photographie ou à ses portraits. Entre le texte et l’image, entre Nothomb telle qu’elle se dit et Nothomb telle qu’elle se montre, les échos sont discrets. On les devine ainsi dans l’évocation du rapport de l’écrivaine à son propre corps et à son apparence. Mais aussi, peut-être, dans son refus de distinguer la fiction de l’autobiographie (« mes livres de fiction sont mon autobiographie intérieure »). Dans les quelques mots qu’elle écrit à la fin de l’ouvrage, Marianne Rosenstiehl évoque le travail de la romancière sous sa direction comme une recherche « non pas pour interpréter des personnages mais pour leur donner corps et les faire coïncider avec les multiples facettes de son imaginaire  ».Si le « phénomène » choisi comme titre évoque bien sûr l’excentricité généralement attribuée à Amélie Nothomb, il situe aussi les photographies reproduites dans le livre dans un espace entre apparence et réalité. Et l’on se souvient alors de ces mots que Nothomb prêtait à l’un des personnages de Péplum (1996) : Entre ce qui a eu lieu et ce qui n’a pas eu lieu, il n’y a pas plus de différence qu’entre plus zéro et moins zéro. Nausicaa Dewez En savoir plus Les cinq épisodes de l’émission À voix nue diffusés en août 2019 sont toujours disponibles en ligne sur le site de…

Éloge du génie – Vilhelm Hammershøi, Glenn Gould, Thomas Bernhard

Dès les premières pages de son Éloge du génie , Patrick Roegiers nous livre une définition très personnelle des génies (en tout cas dans le domaine artistique car ne sont pas abordé.e.s ceux ou celles issu.e.s du monde scientifique par exemple). À ses yeux, ils «  ne sont pas de doux dingues, des individus anormaux, bizarres ou délirants (…) », mais «  des êtres singuliers dans leur façon d’exister, de voir ou de raconter le monde, et de créer (ou de crier ?) . » S’intéresser à des artistes n’est pas une première pour Patrick Roegiers qui, rappelons-le, fut homme de théâtre à ses débuts. Son imposante bibliographie qui compte plus de cinquante titres, essais compris, mentionne de nombreux talents comme Fragonard, Simenon, Lewis Carroll, Diane Arbus, Topor, Lartigue, Magritte, Doisneau pour n’en citer que quelques-uns, sans oublier les recueils de textes L’œil vivant , L’œil multiple , L’œil complice et L’œil ouvert , consacrés à la photographie.Cette fois, il nous donne une vision singulière sur le parcours de trois artistes sur lesquels il porte un regard singulier, pour avoir côtoyé intérieurement leur œuvre. Un peintre, un musicien, un écrivain avec lesquels il entretient une relation intime : « Les trois créateurs qui font l’objet de ce livre n’ont pas été choisis par hasard. Je les admire et j’aime leur œuvre depuis longtemps. Vilhelm Hammershøi en peinture, Glenn Gould en musique et Thomas Bernhard en littérature ont consacré leur vie à leur art avec une exigence, une modernité et une audace incomparables. Leur personnalité n’est pas celle de chacun. Les manies, les obsessions, les phobies, qui vont parfois jusqu’à la folie, m’ont toujours fasciné. Les génies ne sont pas des excentriques, mais des excentrés. » Du peintre Hammershøi, né à Copenhague en 1864, Roegiers admire la peinture quasi domestique, reflet de la vie conjugale, en retrait du monde, dans un temps suspendu qui serait précisément celui du génie. Tout semble abordé en retenue : la présence humaine, celle de «  l’épouse modèle  », est réduite à l’essentiel, les teintes et les couleurs sont estompées.De Glenn Gould, Roegiers met en exergue le dernier concert, à Los Angeles, le 10 avril 1965, devant deux mille spectateurs alors que le génial pianiste préférait jouer pour lui-même, car «  l’art implique de se retrancher du monde  ». Il a 32 ans. Il ne fera plus que du studio pour les dix-huit ans qui lui reste à venir. «  Sa vie est une énigme  », écrit Roegiers en auscultant les manies assez extravagantes de l’artiste, des manies qui lui permettaient d’affronter son public dans une forme de combat au sommet. Des combats de légende.Avec Thomas Bernhard, Patrick Roegiers approfondit ce sentiment que les génies auraient de vivre en périphérie de l’existence commune. Pour y arriver, l’écrivain autrichien va construire, jusqu’à la perfection, un sentiment d’échec, enraciné dans des catastrophes de l’enfance. Son diagnostic sera sans appel : «  Tout a été détruit en moi  ». Misanthrope et provocateur, il cultive la haine des autres comme un révélateur de la haine de soi, qu’il va entretenir en haute solitude.Roegiers partage son admiration pour ces artistes hors du commun auscultant des chapitres de leur existence tourmentée avec érudition et attachement. On le sent proche d’eux. On ressent la tendresse lucide et fraternelle qu’il éprouve à leur égard. Et on sort de ce livre court mais dense avec une envie singulière de se confronter à ces œuvres nées d’un tumulte intérieur. Ou d’y retourner avec Roegiers…