Que serait une ville sans son passé, sans la mémoire des lieux et des personnes qui l’ont habitée ? La réputation de Liège n’est plus à faire, mais quelles traces a-t-elle laissées dans les romans et nouvelles publiés depuis 1823 ? En 14 chapitres thématiques, Guy Delhasse fait revivre, par l’entremise de citations, d’extraits – qu’ils soient belges, français, suédois ou même… chiliens ! –, la vie quotidienne de Liège : ses écoles, ses cinémas, ses restaurants, ses commerces, ses clubs de foot…
Autant de facettes de la vie de la Cité ardente qui méritaient, au même titre que ses écrivains, de rentrer dans l’histoire littéraire ! Avec Liège en toutes lettres, c’est désormais chose faite. Un ouvrage-patrimoine indispensable pour tous ceux et celles qui s’intéressent à Liège, qu’ils soient habitants ou visiteurs…
Guy Delhasse nous a déjà entraîné sur les pas des écrivains à Bruxelles, Namur, Gembloux, Mons, Dinant, Spa et tant d’autres cités. Nous avions d’ailleurs consacré un article à cette activité touristico-littéraire originale dans Le Carnet et les instants 192 d’octobre 2016. Mais sa ville d’élection et de prédilection reste Liège. Il y revient toujours, il l’a arpentée seul ou en excellente compagnie littéraire des milliers de fois, il lui a consacré déjà de nombreux guides mais aussi des passages dans ses propres ouvrages de fiction. Une passion qui trouve une consécration dans ce Liège en toutes lettres, où l’on apprend que l’ami Bernard Gheur a un jour baptisé Guy Delhasse « gardien de but de la littérature liégeoise ».
Dans Liège en toutes lettres, Guy Delhasse raconte comment les écrivain(e)s ont écrit la ville de Liège depuis 1823. De ses vies ouvrière, politique, religieuse, sociale, scolaire à celles de ses commerces, de ses transports, de ses arts, et de sa gastronomie, Liège y rayonne à tous les coins de rues et dans pléthores de lignes d’auteurs et autrices (in)connu(e)s pour se graver dans nos mémoires.
Karoo
Surnommé « le gardien de but de la littérature liégeoise » par Bernard Gheur1, puis « l’arbitre de ses élégances » par Armel Job2dans sa préface, Guy Delhasse est un auteur à multiples facettes. Des guides et promenades littéraires aux romans noirs, chroniques, récits biographiques et chansonsgraphies, son œuvre est toujours restée proche…
Giorgio de Chirico. Aux origines du surréalisme belge : Magritte-Delvaux-Graverol
Giorgio de Chirico (1898-1978) fut l’un – peut-être même le premier – des initiateurs du surréalisme en peinture. En Belgique, la révélation de son œuvre constitua un choc majeur pour René Magritte, qui se plaisait à dire que, grâce à lui, « [s]es yeux ont vu la pensée pour la première fois ». Jusqu’au 2 juin 2019, une exposition exceptionnelle se tient au BAM de Mons, qui met en scène le dialogue entretenu par Magritte mais aussi Paul Delvaux et Jean Graverol avec la production du mage italien . Le catalogue issu de cet événement se lit autant qu’il se contemple. De substantielles contributions nous permettent de pénétrer dans cet univers onirique et troublant. Face à une toile de Giorgio de Chirico, toute en apparente immobilité, le spectateur assiste bien à ce que Xavier Roland nomme avec justesse une « dramaturgie silencieuse ». Roland revient notamment sur l’importance du cadre citadin chez Chirico qui, dans ses tableaux mais aussi dans un roman méconnu intitulé Monsieur Dudron , ajoute, à la dimension esthétique de son art, un regard engagé sur l’urbanisme. Chirico avait ainsi développé une vision de la ville harmonieuse et sereine, rejetant le spectacle « agité et mécanisé » qu’elle offrait aux contemporains. « Longtemps perçu comme rétrograde, ce discours trouve une forme de résonnance dans les enjeux de nos villes actuelles » explique encore le directeur du BAM.Laura Neve s’attache quant à elle à dégager l’influence spécifique de l’artiste sur les trois figures majeures du surréalisme belge convoquées ici. Chez Magritte, la présence de Chirico se fera sentir jusque dans la période Renoir des années 1940. André Delvaux « nordicisera », en les grisant et les bleutant, les tonalités couleurs chaudes et ocreuses, méditerranéennes, de ses paysages et de ses atmosphères tandis que, chez Graverol, l’influence se marque davantage dans le traitement des objets, incongrument associés, qui font culminer le processus de « rencontre fort uite » à la base, comme on le sait depuis Lautréamont, du surgissement de toute « beauté convulsive ». Lorenzo Canova envisage la période 1925-1929, où l’artiste vit à Paris la phase la plus lyrique de sa création. Jacqueline Munck revisite tout son parcours sous l’angle du rapport à la métaphysique. Enfin, Victoria Noël-Johnson se penche sur les liens privilégiés de Chirico avec l’exceptionnel collectionneur et bibliophile belge que fut René Gaffé.Bien que considéré comme un artiste de grand talent et d’importance, Chirico n’est sans doute pas encore mesuré à sa juste envergure aujourd’hui. L’exposition montoise lui rend sa place de contemporain capital dans le domaine pictural. Qu’importe au fond le temps qu’il aura fallu avant qu’advienne cette reconnaissance. Monsieur Dudron s’en était fait une raison, lui qui avait appris de son maître Arthur Schopenhauer qu’« un long sommeil est indispensable pour les hommes…