Manfred Lejoly, dins on responda pol tévé waloncåzante, si sbara des reyaccions, covite fachisses, des djins, so les djåspinreyes éndjolikes [fora] et les rantoeles di soçnaedjes [réseaux sociaux].
Portant, l’ ome a todi bodjî foû payis, dispu ki l’ monde est monde.
Li frileusté des Uropeyins si voet docô al manire k’ il ont lomé les mouvmints d’ bagance [migrations humaines] aviè l’ Urope e 2015 : li crijhe des abagants.
Les chifes
Li chife ki s’ a spårdou pattavå les medias al difén d’ l’ anêye passêye : on miyon d’ abagants avnît e l’ Urope, tot trevåtchant l’ Mîtrinne Mer. A rmete ås 250 miyons di dmorants des payis ascoyeus. On trove ki c’ est Mouze et les vås.
Dispu 2011, li Tourkeye nourit et lodjî 2 miyons et dmey di Siryins, po ene peuplåcion di 70 miyons d’ Trouks.
Asteure, loucans ene miete ene mape des mouvmints d’ djins aviè 1850. On voet ki l’ Urope evoye des banslêyes di djins eviè l’ Amerike bijhrece, ene…
Auteur de Li bagance dispu ki l’ monde est monde
Li Rantoele - 91 - 2019 - Waeyén-tins 2019
Sommaire • Djåzant Atlasse des lingaedjes di Beldjike par Philippe Boula de Mareüil • Rediveusès etimolodjeyes do roumin par Djôr Staelens •…
Tchansons d’one miète pus lon. Chansons d’un peu plus loin
Les membres de la Société de langue et de littérature wallonnes, qui reçoivent ses publications ordinaires avant même qu’elles n’arrivent en librairie, auront certainement remarqué l’évolution de sa plus vaste collection, « Littérature dialectale d’aujourd’hui ». Au-delà du travail innovant réalisé sur les maquettes, il convient d’observer une inflexion dans le choix des textes : alors que, depuis une bonne décennie, elle proposait des œuvres d’écrivains confirmés — et parfois même des rééditions — voilà qu’ont paru coup sur coup deux premiers recueils. Si Al cwène dès djoûs de Jean Collette , qui réunit plusieurs suites de poèmes, semblait déjà une œuvre de maturité, ces Tchansons d’one miète pus lon marquent l’entrée en littérature d’un nouveau talent, par ailleurs l’un des cadets de la Société. (Qui se souvient que la « petite collection », comme elle est souvent appelée, fut composée à l’origine de plaquettes se réjouira certainement qu’elle joue à nouveau ce rôle de vivier.) Dire que Xavier Bernier est talentueux semble un euphémisme. Il appartient à une nouvelle génération de wallonophones qui, faute de l’avoir appris de jeunesse, ont dû prendre leur idiome à bras-le-corps, en interrogeant sans relâche des parents et en disséquant les meilleurs auteurs (ces chansons sont dédiées à la mémoire de deux maitres, Émile Gilliard et Auguste Laloux). L’on a peine à le croire tant il déploie une langue riche et précise, qui puise directement aux images et aux sonorités du parler de Crupet. Leur lecture rassurera certainement les amateurs quant aux capacités de régénération des lettres wallonnes, qui vivent une période charnière.Mais en miroir — il faut le reconnaitre — la rencontre d’un texte si exigeant peut faire craindre la pénurie de lecteurs. En effet, en dépit des efforts de l’éditeur, qui propose un rappel des principes de transcription Feller, une traduction française en vis-à-vis et cinq pages ramassées de notes et de glossaire, ce type d’œuvre reste difficile d’accès pour un public qui ne possède pas entièrement son wallon. Car si la version française restitue le sens, elle perd certaines allitérations, certains enjambements : Quèwéye d’aveûles au bwârd do trau Onk qui sît l’ôte, tot fiant come s’i Crwêreut qu’i veut pus clér qui li Waîte bin l’ bèle binde di laîds bâbaus ! [File d’aveugles au bord du gouffre / L’un suit l’autre en faisant mine / De croire qu’il voit mieux que lui / Belle bande d’idiots !] Et il en va de même pour les idiotismes, généralement intraduisibles. Dire que le piche-è-l’aye est désinvolte semble trop faible : il est en fait « pisse à la haie ». De même pour le tape-à-gaye (le gauleur de noix, qui frappe au petit bonheur la chance) et le tchîye-à-pouf (le « chie au hasard »), qui perdent aussi de leur saveur. C’èst mi qu’èst piche-è-l’aye Tape-à-gaye Tchîye-à-pouf C’èst vos, m’ fi, qu’èrite do bouzouf ! [Je suis désinvolte / Imprévoyant / Foireux / C’est toi, mon gars, qui hérites du bordel !] Ces deux extraits font entrevoir un thème important du recueil, à savoir les limites planétaires et la critique de l’individualisme. Xavier Bernier est en effet un auteur engagé, qui dénonce aussi la « Forteresse Europe » et la fast-fashion . Il est intéressant d’observer que, ce faisant, il renoue avec une tradition centenaire de la littérature en langue wallonne, qui a souvent — et notamment dans ses débuts moralistes — prêché le principe de l’égalité de tous devant les drames. Comme Nicolas Defrecheux a pu dire, dans des vers réédités à l’occasion de la dernière Fureur de lire , « Qui t’ plèce so l’ monde seûye basse ou hôte, lès måleûrs todi t’ac’sûront » [« Que ta place sur le monde soit basse ou haute, les malheurs t’atteindront toujours »]. Xavier Bernier tance le consommateur irresponsable : Ti t’ pous bin mète à djok su t’ twèt Ou d’djà ataquè à couru Gn’a pus qu’ deûs maniéres di moru Si ti n’ néyes nin, ti crèverès d’ swè [Tu peux te percher sur ton toit / Ou déjà commencer à courir / Il n’y a plus que deux manières de mourir / Si tu ne te noies pas, tu crèveras de soif] Est-ce à dire qu’il se place dans l’exacte continuité d’écrivains qui, avant lui, ont exalté en wallon la vie simple et la sagesse populaire ? Du tout. Il cherche plutôt sa propre voix, entre émerveillement du quotidien et solidarité par-delà les frontières, y compris les frontières taxonomiques. Mi, dji n’è vou nin, d’ vos racènes Èt dji n’ vou nin d’meurè stitchi Tot tchantant, mès pîds dins l’ansène Ou dins l’ crausse aurzîye do pachi [Je n’en veux pas, de tes racines / Et je ne veux pas rester fixé / Chantant, les pieds dans le fumier / Ou dans l’argile grasse du verger] Le meilleur exemple est sa Tchanson po lès mouchons , qui reprend un air traditionnel quelque peu carnassier. Mais, sous sa plume, « Dj’ê stî al tchèsse aus p’tits mouchons / Dj’ènn’ ê tuwè pus d’on million » [ « J’ai été à la chasse aux petits oiseaux / J’en ai tué plus d’un million » ] devient… Avoz choûtè lès p’tits mouchons Qui tchantenut chaque si p’tite tchanson ? [ As-tu écouté les petits oiseaux / Qui chantent chacun sa petite chanson ? ]Gageons que c’est grâce à de nouveaux bardes comme lui « Qui l’ môde va d’abôrd riv’nu do tchantè è walon / Èt r’chuflè dès-aîrs do timps d’ nos ratayons » [ « Que chanter wallon reviendra à la mode / Tout comme siffler des airs anciens » ]. Julien Noël Les traductions offertes ici sont les adaptations littéraires de l’auteur. Plus d’information Aves ces Tchansons d’one miète pus lon , Xavier Bernier se sert des mots percutants et des images fortes du wallon namurois pour explorer les questions du présent. Europe-forteresse, dérèglement climatique, mais aussi émerveillement devant la beauté, attachement à l’enfance, vie amoureuse… L’auteur envisage ces thèmes universels en puisant aux sources les plus locales (La Marie Doudouye) comme les plus exotiques (Cesária Évora ou Antonio Carlos Jobim). Ce recueil captivant, qui célèbre la diversité et l’héritage, et où chaque terme est choisi pour sa sonorité ou son rythme, est un appel à résister à l’uniformisation…
Ah qu’il doit être bon de n’avoir jamais lu Muno, pour pouvoir enfin le découvrir. Avec Histoires singulières , «Espace Nord» ouvre cette porte au jeune lecteur, ou rend le sourire à l’étourdi qui avait prêté son édition de Jacques Antoine et qui, comme de juste, ne l’avait jamais récupérée. Enfoncez-la, cette porte, pour vous perdre dans les brumes délicieuses ; entrez dans cette gare qui semble abandonnée, qui ne figure sur aucune carte ; tombez amoureux de femmes évanescentes. Les dix nouvelles de ce recueil racontent des histoires d’hommes pris au piège de leur solitude, de leur ennui, des hommes qui, au creux de leur existence insignifiante, de la banalité et de la monotonie, découvrent un jour une brèche, et s’y engouffrent tout entier. Celui-ci travaille dans une agence de voyage mais ne voyage pas. Il se laisse hypnotiser par l’immobilité d’iguanes exposés dans la vitrine d’un libraire. Et l’on assiste peu à peu au « brusque surgissement du rêve dans le réel ». Celui-là, dans un bar du bout de la digue où il fait traîner ses heures de chômage, rencontre un gant de femme, oublié dans la fente de la banquette, et entame avec lui une irrésistible histoire d’amour : « On s’envoyait les doigts en l’air, on s’empaumait jusqu’à l’extase ». Cet autre, dans son appartement de bord de mer, aperçoit chaque matin une chaise vide sur la plage déserte. Le temps qu’il se retourne, elle a disparu. Il va alors se mettre en chasse pour la voir disparaître . Muno nous entraîne dans des villes qui se déplient et s’ouvrent en d’oniriques labyrinthes, il jette des ponts infinis sur des mers grisâtres ; bien souvent chez lui c’est le « réel » qui copie la fiction. Et si son univers nous déroute, c’est parce que ses histoires nous laissent tant de place à nous, les lecteurs. Nous nous égarons avec ses personnages qui nous ressemblent dans ces parenthèses où le temps n’existe plus, où l’on est à la fois le petit enfant naïf et le vieil homme si près de mourir, dans ce monde d’horloges déréglées, d’espace sans borne. Car chez Muno, tout est lié à ces frontières, qui sont poreuses, entre le quotidien et l’impensable. Ses héros passent ce qui reste une muraille pour les autres. Il y a du Cortazar chez Muno, du Poe, mais avec de l’humour – car on ne peut imaginer Jean Muno sans le rire, ou le sourire en coin. Entre deux chaises, toujours : au mitan du tragique et du comique, dans cette zone baroque où l’on retrouve tant d’artistes et d’auteurs belges. N’oublions pas que le fils du poète Constant Burniaux, au moment de se choisir un nom de plume – de définir son identité – a opté pour le nom du village gaumais minuscule, non loin de la frontière française, où il allait passer ses vacances étant enfant. Plus qu’un nom, c’est un univers. Quant à la langue, elle mérite qu’on s’y attarde. En effet, si ces nouvelles, qui nous tirent hors du monde, semblent façonnées pour être lues dans le calme et l’isolement, il n’est rien de dire qu’elles connaissent aussi la musique, et appellent souvent la haute voix : « pulpe à pulpe, on se palpait semi-pâmés » ; « nu dans une bulle bleue » ; « le monde est peuplé de crimes inaccomplis ». Et l’on songe à Verlaine, et à son rêve étrange et pénétrant…Dans son excellente postface, Thomas Vandormael nous permet de remettre l’œuvre de Muno dans son contexte, et d’en saisir l’originalité dans ce territoire parfois trop balisé qu’est le fantastique. En 1979, Histoires singulières recevait le prix Rossel.…