Les écrivains fantastiques féminins et la métamorphose

À PROPOS DE L'AUTEUR
Anne Richter

Auteur de Les écrivains fantastiques féminins et la métamorphose

Fille du poète et essayiste Roger Bodart et de la romancière Marie-Thérèse Bodart, elle est née à Bruxelles le 25 juin 1939.Elle avait quinze ans à peine lorsqu'elle publia La fourmi a fait le coup, recueil de contes brefs.Licenciée en philosophie et lettres de l'ULB, elle se consacre pendant quelques années à l'enseignement dans une École Normale de la périphérie bruxelloise.Elle publie en 1964 Georges Simenon et l'homme désintégré, qui est à la fois une approche du phénomène de la création romanesque et une étude de la conception de l'homme chez notre mystérieux et célèbre compatriote et, un an plus tard, elle consacre une étude fervente au monde ésotérique et mystique de l'écrivain lithuanien de langue française Milosz. De 1970 à 1977, elle est lectrice et collaboratrice littéraire aux Éditions Marabout. A cette époque, elle traduit plusieurs contes de l'allemand et publie une importante anthologie L'Allemagne fantastique, en collaboration avec son mari, Hugo Richter, germaniste, professeur de langue et de littérature, prématurément disparu en 1980. Suivent trois anthologies : Les contes fantastiques de Guy de Maupassant; Le fantastique féminin d'Ann Radcliffe à nos jours et Histoire de doubles et de miroirs.En 1967, une fille est née, Florence, et, la même année, renouant avec son activité créatrice, Anne Richter publie son deuxième recueil de contes : Les locataires.Fidèle à sa conception d'un fantastique ancré dans une vision matérielle des choses mais s'ouvrant vers le mythe et la métaphysique, elle publie, en 1986, quinze nouvelles écrites au fil des jours sous le titre La grande pitié de la famille Zintram. Ce recueil s'inscrit dans la ligne de son important essai : Le fantastique féminin, un art sauvage, publié deux ans auparavant.Pendant plusieurs années, Anne Richter a collaboré aux activités du Centre international du fantastique de Forest par des conférences et des articles.Critique dans plusieurs revues bruxelloises (Lectures, La Revue générale, collaboratrice occasionnelle au journal Le Soir), elle est également conférencière : Midis de la Poésie, ULB, Cercle du Libre examen, Musée Charlier, etc.).Membre du Comité du Pen Club.Membre de l'Association des Écrivains Belges, de l'Association Internationale des Critiques littéraires et de l'Association des Amis de Georges Simenon.Elle a obtenu le Prix Franz De Wever et le Prix Félix Denayer de l'Académie Royale de Langue et de Littérature françaises de Belgique, le premier pour son recueil de nouvelles en 1967 Les locataires et le second pour l'ensemble de son oeuvre en 1988. Elle est nommée Chevalier dans l'Ordre des Arts et des Lettres en 2003.
NOS EXPERTS EN PARLENT...
Le Carnet et les Instants

Il suffit de cent pages exactement à la Femme de Lettres Anne Richter pour nous convaincre que le fantastique n’est pas l’apanage d’auteurs mâles, et ce même s’il se rencontre moins d’occurrences d’œuvres y appartenant qui soient signées par des écrivaines. L’essai tient cependant moins de la démonstration que de la déambulation : les rayons de la bibliothèque dans laquelle nous convie Anne Richter – cicérone des plus autorisés, la quatrième de couverture en atteste – sont en effet jalonnés de noms et de titres à redécouvrir par qui prétend embrasser le genre dans un spectre large.Dès l’introduction, la polémique surgit : selon certain-e-s, souligner les spécificités d’une veine de la création littéraire en…


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Pour trouver la clé, il fallut perdre la mémoire des serrures

La prose poétique, les essais de Claire Lejeune (1926-2008) sont placés sous le signe de la fulgurance, d’une poétique radicalement novatrice qui entend décloisonner les savoirs, les expériences afin de traverser les chapes du pouvoir, de la domination et de recontacter les promesses à venir des origines. Dans les années 1960, La gangue et le feu, Le pourpre, La geste, Le dernier testament, Elle signent l’avènement d’une parole qui noue indissolublement naissance à soi hors des rets du patriarcat, expérience mystique d’un verbe politique et poétique, subversion des piliers d’une civilisation qui a muselé les femmes. De se dire, les sans-voix montent à l’existence, gagnent un processus de subjectivation que Claire Lejeune place sous le signe de l’ouverture à l’autre de la raison et aux terres du symbole. «  Nous ne faisons pas la poésie. Elle nous fait de nous défaire  » écrivait-elle. Pour trouver la clé, il fallut perdre la mémoire des serrures nous livre de souverains textes inédits choisis par Anne André, Danielle Bajomée et Martine Renouprez, des poèmes à fleur de lave, d’inquiétude, d’un questionnement viscéral, des lettres de sa correspondance avec Maurice Blanchot, avec René Char, avec René Thom, des textes sur les puissances du symbole, accompagnés de photographismes de Claire Lejeune. Le régime de la création est celui de la nudité, de l’extraction hors de la non-vie. Afin de phraser ce qui échappe au monothéisme d’une pensée vertébrée par la Loi — Loi de Dieu, de son substitut, le Père —, il faut inventer une langue-corps, une langue sororale, conquise sur les cendres du divin. «  La mémoire de la clé — de l’origyne — s’est perdue, car au nom du Père, sa langue fut coupée, interdite de transmission  ».L’entrée en écriture, la conquête d’un soi altéré, diffracté riment avec violence, dépossession, extase mystique sans Dieu, un Dieu confondu pour son imposture. Lire aussi : De la patrie à la fratrie , par Claire Lejeune ( C.I.  n° 79) Au travers des extraits de la correspondance avec Maurice Blanchot (une correspondance qui se noua dès 1968 et se prolongea jusqu’en 1994), on mesure toute l’audace d’une entreprise sans équivalent dans les lettres, une démarche radicale qui fut, tout à la fois, poétique, existentielle, intellectuelle, politique. Celle qui porta la blessure immémoriale de la Femme pour la retourner en chant libérateur, celle qui dressa un auto-portrait sous la guise d’une «  clandestine, d’une contrebandière de la pensée  » fait de la pensée l’instrument de métamorphoses intérieures, d’un recommencement de l’Histoire. Pour gagner une vie supra-individuelle, il s’agit de traverser des seuils, d’être «  lourde du Verbe  » afin d’«  enfanter Le langage  ». Réinvention d’une origine barrée et d’une langue mutante, arrachement aux ruines, à la logique des dualismes et délivrance vont de pair. Dans Mémoire de rien, Le Livre de la sœur, Le Livre de la mère, Claire Lejeune défait les héritages mortifères, au fil d’une généalogie où Nietzsche côtoie Lilith, Rimbaud, Héraclite.Au travers de sa poétique sauvage, de l’indompté, du corps soustrait à la tyrannie de l’esprit rationnel, Claire Lejeune nous lègue un vertige de sensible en acte, de concept en mouvement. Comme René Char le lui écrivait dans une lettre de 1966, «  Il manquait à la poésie de ce temps une voix pourpre. Nous l’avons désormais  ». Véronique…

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