Le silence de Belle-Ile

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Le Carnet et les Instants

Cédric, un assureur qui a choisi son métier sans conviction, revient dans sa Bretagne natale pour accompagner les derniers moments de vie de son grand-père. On comprend vite que le jeune homme mène une vie terne, engagé « sur les rails de l’ennui » et qu’un lien fort et régénérant l’unit à Jacques Le Garrec.

[I]l se sentait riche de tout ce qu’il avait reçu de cet homme exemplaire. Chaque fois qu’il quittait Kenavo, il repartait grandi, prêt à affronter la vie et son reflet dans le miroir. Certaines personnes vous portent, décèlent le meilleur en vous, là où d’autres guettent les failles. Cédric n’attirait pas les sympathies. Il traversait son existence sans créer de remous. Et s’en…


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Le souffle du temps, Histoire peu ordinaire d’une famille belge aux origines allemandes, 1830-2000

Le récit s’ouvre sur un paysage d’été en Angleterre. Albert Brauner marche d’un bon pas vers Manchester. Il va y retrouver Germaine, sa femme, dont il a été séparé pendant les quatre années de la Grande Guerre. Au terme de ce court prologue, Albert s’effondre, frappé en plein front d’une balle. «  À une centaine de mètres, un homme agenouillé dans les hautes herbes se lève, range son fusil dans son étui et s’en va sans jeter un regard vers l’homme abattu  ».Le récit s’achèvera sans qu’ait été résolue l’énigme de cette exécution d’un homme qui sera enterré avec les honneurs réservés aux combattants de l’armée anglaise. Stéphanie ter Meeren, issue par sa lignée paternelle des Brauner, a voulu explorer cette généalogie hors du commun issue du « patriarche », Thomas Brauner. Né Français, en 1814 – la Belgique n’existait pas -, il deviendra en 1844 l’un des organisateurs de l’enseignement primaire dans le pays qui est créé en 1830. La Belgique, en 1843 venait de voter la loi organique organisant l’enseignement primaire et devait se doter d’un  réseau d’écoles normales en Flandre et en Wallonie.Pour mener à bien son exploration familiale, Stéphanie ter Meeren imagine le personnage d’une étudiante qui organise à sa demande les archives d’un vieil homme, Étienne Brauner,  le fils du soldat assassiné sur le chemin de Manchester, le petit-fils du patriarche Thomas Brauner.À travers lettres, archives manuscrites, carnets et documents officiels, la narratrice reconstitue les destins singuliers de personnages inscrits dans l’Histoire, la grande. Ainsi le lecteur participe-t-il à l’exode qui jeta sur les routes belges et françaises des milliers de civils effrayés. Les Brauner se réfugient dans leur domaine de Vossebeek , un château acquis par Auguste, la grand-père d’Etienne, où les rois Léopold II et Albert Ier aimaient à participer à des parties de chasse. Des amis y séjournent souvent, comme les époux Derbeid dont Gustave s’est rendu célèbre par ses travaux sur la tuberculose et qui, comme de nombreux médecins, a rejoint le front. On lit l’émotion qui étreint au quotidien les mères et les femmes des jeunes gens qui se sont portés volontaires. On vit ce que représente l’occupation par l’armée allemande de la plus grande partie du territoire belge. Les détails sont éloquents à cet égard : comment se déplacer vers Bruxelles, quelles informations reçoit-on et comment, que racontent les soldats en permission lorsqu’ils reviennent au château transformé en hôpital : l’incendie de Louvain, les apprentissages sommaires de pilotage d’avions, les blessés, les mutilés…Petit à petit, le dialogue se noue entre l’étudiante et le vieillard tandis que le lecteur se nourrit d’anecdotes tombées dans l’oubli, dont les plus intéressantes sont celles liées au patriarche. Ainsi ces expositions scolaires que le public londonien couvrait de louanges au Crystal Palace ou la création de la revue L’Abeille , la première revue de pédagogie en Belgique…Le récit de Stéphanie ter Meeren, couvrant un siècle et demi d’Histoire, ne peut être ici synthétisé. Il se disperse parfois mais ne cesse jamais de piquer la curiosité et l’étonnement du lecteur. Ce dernier ne saura pas les vraies raisons de l’exécution d’Albert Brauner, assassiné d’une balle dans la tête alors que la guerre à laquelle il avait participé en héros, s’achevait enfin. Peut-être y a-t-il dans ce personnage-là la matière à un vrai roman ? Un roman d’espionnage qui déploierait…

Le scarabée et les étoiles

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L’histoire commence le 3 octobre 2017 à Paris. Gabriel Brown, présentateur-vedette du journal de 20h sur la chaine de télé TV08 perd le contrôle de son véhicule. Immédiatement après ce choc, nous voilà propulsés le 17 juillet 1999 à Biarritz avec l’évocation d’une souffrance extrême : «  je ne survivrais pas à cette nuit : j’avais trop mal (…) J’allais devenir fou. (…) Ma vie n’avait plus aucun sens  » . Mais alors, quand commence cette histoire ? Si on ne peut vous le révéler sans déflorer l’intrigue, on peut vous dire que ce récit repose tout entier sur des allées et venues entre ces deux temporalités. Et Gabriel Brown en guise de trait d’union.  Dans le présent , on suit le jeune homme de trente-sept ans au sommet de sa carrière et tout proche de réaliser son rêve de devenir journaliste d’investigation. Gabriel Brown qui se retrouve propulsé aux devants de la scène médiatique avec un article-people publié dans Starmag . On s’attache à lui d’autant qu’on cherche à comprendre ce qui l’a poussé, ce 3 octobre, à foncer à toute berzingue sur le pont de l’Alma. La soif de relever de nouveaux défis ? La peur d’assumer le désir d’enfant de son épouse Sam ? À moins qu’il ne s’agisse d’autre chose ?Dans le passé . On suit Gabriel à 19 ans par le biais de flash-backs qui nous permettent de comprendre en quoi cette année 1999 est charnière pour l’homme en devenir.1999, année du décès de son grand-père, ce monstre sacré du journalisme à qui il a tant envie de ressembler.1999, l’année des débuts de Gabriel en tant que journaliste. L’année de sa rencontre avec Sami, devenue son épouse entre temps. L’année de sa rencontre avec Jo.Jo qui l’obsède tant.En construisant La deuxième à droite, et droit devant jusqu’au matin ! sur un compte à rebours, Christophe Pirotte esquisse par touches la personnalité de Gabriel, cette identité qui se façonne au fil des rencontres et donne à voir l’entourage de Brown : Agathe, Julia, Sami, Jo. Mais aussi ses parents. Et sa grand-mère. Et de voir comment tout ce beau monde s’est mêlé et se mêle de qui est Gabriel Brown.Le premier roman de Christophe Pirotte fonctionne comme une enquête où les infos, distillées au goutte à goutte, ménagent une belle tension narrative narrative (on déplore uniquement le fait que les révélations – nombreuses – nous soient plus souvent « expliquées » que « données à vivre »). La chronologie perturbée force la concentration (si tous les flash-backs se situent en 1999, cela ne veut pas pour autant dire qu’ils apparaissent de manière chronologique). Il revient donc au lecteur d’agencer les pièces entre elles pour que surgisse le motif tissé par Pirotte. Ou plutôt les motifs. Car comme souvent dans un premier roman, nombreux sont les thèmes abordés.La place et le rôle des grands-parents dans la construction identitaire, mais aussi le poids de la famille et de la reproduction , comme inévitable, quand on en ignore les secrets. Ou encore la question de la (sur)exposition d’un personnage public et de la chaleur, suffocante, des projecteurs quand ils sont placés un peu trop près.Au final, derrière cette histoire d’ascension et de chute, se posent surtout les questions « c’est quoi réussir sa vie ? » et « comment poursuivre ses rêves ? ». Surtout quand on se rend compte de l’écart qui peut exister entre la matérialisation du rêve et le rêve lui-même. La réalité fait-elle toujours le poids face au fantasme ? Et si l’ombre valait mieux que la lumière ? Parce que réaliser ses rêves, c’est aussi grandir (on le comprend dès le titre en référence à Peter Pan). Quitter l’enfance pour rejoindre la rive vacillante du monde adulte. Et toute la souffrance qu’implique cet arrachement.Gabriel Brown aurait-il uniquement peur de grandir ou cherche-t-il à faire la part des choses entre ce qui lui convient vraiment de l’ombre ou de la lumière ?Et y arrivera-t-il ? Car il est aussi question de santé mentale, dans ce livre. Et de la difficulté à accepter la maladie. À moins que ce ne soient les soins qui s’avèrent pénibles à accueillir ? Et si c’était le fait d’aller bien qui faisait le plus peur ?Pirotte, en travaillant la matière riche de tous ces thèmes, resserre le filet autour de cet accident du 3 octobre, le moment où bascule la vie de son héros. A moins qu’elle n’ait basculé depuis longtemps, déjà ? Parce que c’est bien de cela dont il est question dans ce récit : de savoir quand commence l’histoire . Ou plutôt quand commence notre histoire, celle avec son lot d’événements, de traumas, de ceux qui nous déterminent, et nos actions, sans que l’on n’en sache plus…