Le rayonnement de Mudra - Afrique. Entretien avec Germaine Acogny, «la fille noire de Béjart»

À l’inauguration de Mudra-Afrique à Dakar , Béjart déclarait à un journaliste : « Ce n’est pas moi le directeur, c’est Germaine Acogny. Elle va réaliser mes rêves, mais elle va le faire différemment. » XX

Comment avez-vous réalisé ses rêves ? Germaine Acogny : Mudra-Afrique a duré cinq ans (l’école a dû fermer en 1982 faute de soutiens financiers, ndlr). Puis, j’ai rencontré Helmut Vogt et pendant dix ans nous avons essayé de réaliser nos rêves en France, mais cela a échoué. Je lui ai donc dit : « Quand tu ne sais pas où tu vas, regarde d’où tu viens. »  Puis je suis revenue dans mon pays, au Sénégal, en compagnie de Helmut et nous nous sommes installés dans un village de pêcheurs près de Dakar. Nous avons choisi ce lieu merveilleux pour y fonder une école. Comme disait Béjart, « un bon maçon se voit, comme un bon danseur » ; la formation est essentielle pour exercer un…

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RENCONTRE: La Bellone, un outil de réflexion pour la dramaturgie. Entretien avec Mylène Lauzon

Quand elle débarque en janvier 2004 à Bruxelles, il y a plus de dix ans, Mylène Lauzon ne sait pas qu’elle postulerait un jour à la direction de La Bellone. Formée aux Études littéraires, adjointe à la direction de compagnies de danse à Montréal, elle s’intéresse à la nouvelle narrativité et au rapport texte/image. Lors d’un passage à Copenhague en 2002, où elle conçoit des soirées « Noises in the dark » en lien avec l’architecture, le son et le mouvement, elle fait un saut à Bruxelles et y noue des liens avec le dessinateur Thierry van Hasselt. Celui-ci la met en contact avec Karine Ponties. Les saisons passent, les deux femmes se retrouvent à Montréal. Là, Karine lui propose de travailler un an à Bruxelles sur la dramaturgie et le développement de sa compagnie Dame de Pic. Le sommet de leur collaboration sera Holeulone, en 2006, spectacle pour lequel Mylène écrit aussi des textes. On retrouve ensuite la Québécoise à Mons, au Centre des Écritures contemporaines et numériques 1 . Elle y est adjointe à la direction, « en somme, responsable de tout », c’est-à-dire des formations, des résidences, des festivals et de la gestion d’équipe. « Ma répétition générale avant la Bellone », reconnait-elle dans un rire. Mylène a aussi été danseuse en France en 2007 et 2009 et performeuse pour Sarah Vanhée à Bruxelles. De son aveu « une expérience indispensable pour comprendre de l’intérieur » les métiers de la scène. Au final, elle aura pratiqué presque tous les métiers qui tournent autour de la création : « la moitié de mon corps est dans la création, l’autre, comme opérateur culturel ». Écrire, dit-elle Sa dernière commande littéraire remonte à une collaboration avec Anne Thuot en 2014. « Je n’ai pas écrit depuis », dit-elle, mais cela ne semble pas lui manquer. « Il y a des gens qui se définissent par leur pratique. J’ai toujours fait plein de choses, je ne me fixe pas dans une identité. J’ai d’ailleurs tout autant l’impression d’écrire en faisant de la programmation. En agençant du sens au service de la poésie. Toutes ces pratiques sont interchangeables, même si je ne m’y engage pas de la même façon. Je ne suis pas attachée aux formes. L’important est avec qui je travaille et pour qui. » Sa candidature à la direction de La Bellone marque un tournant dans son parcours, motivée par « l’envie d’avoir des responsabilités, de diriger un lieu, d’avoir un regard transversal. J’étais prête », affirme-t-elle. Elle conçoit sa mission comme un travail autour et avec « de l’humain, de l’intelligence du vivre ensemble », comme la mise à disposition « d’un bel endroit pour accueillir des gens ». Une maison d’artistes ? Quand on la questionne sur le regard qu’elle porte sur sa ville d’adoption, elle pointe avant tout le bilinguisme, moteur de tension créative et artistique. « Bruxelles est une ville où se vivent des fondements identitaires. On se définit par rapport aux autres. Ce qui engendre une vitalité. Comme Montréal, Bruxelles est traversée au quotidien par ces questions. Mais Montréal est isolé tandis que Bruxelles est au cœur de l’Europe. Il y a ici une circulation de population artistique incroyablement riche. » Cette richesse s’inscrit toutefois dans un cadre institutionnel. La Bellone a cette particularité d’avoir des représentants de la Cocof, de la Ville de Bruxelles et de la FWB au sein de son Conseil d’administration 2 . Cela entraine des missions centrées « sur l’ancrage local, sur l’ouverture et l’enregistrement de traces », via le Centre de documentation. « Toutefois, La Bellone se donne ses propres misions, insiste Mylène. Je suis actuellement sur les deux dernières années d’une convention de quatre ans. En 2017, je proposerai un nouveau projet. » En effet, après quatre années de mise en veille et de redressement financier, l’outil devait être réanimé. Sous la tutelle de Laurent Delvaux, chef de cabinet de l’échevine de la Culture de la Ville de Bruxelles, et de la directrice faisant fonction, Barbara Coeckelbergh, la Maison a dû faire un certain nombre de sacrifices afin d’assainir ses comptes. L’équipe, elle, sans projet et au futur incertain, était dans l’attente d’un élan. Et cette attente fut longue. « Même par rapport au secteur, il y reste beaucoup d’attente, voire un peu de pression. » Le projet de Direction, en effet, demande à être réfléchi. Car La Bellone reste « un outil lourd avec un petit budget artistique ». Soutenue presqu’à part égales par les trois instances à hauteur de 380.000 euros, la Maison ne réserve qu’une part minime aux accueils et aux activités artistiques. « Or, tous les artistes qui viennent travailler à La Bellone y déploient leurs efforts, leur temps et leur intelligence. Mais je n’ai ni les moyens de valoriser ce travail ni de le rendre visible. » La Bellone met actuellement à disposition des espaces dans le studio, la cour ou la galerie - le seul endroit où l’on peut diffuser des œuvres finies. L’idéal serait de pouvoir rémunérer tous ceux qui viennent travailler et partager leur savoir. « Pour l’instant je finance de la recherche fondamentale : trois semaines avec une question, sans rencontre avec le public. L’idée à terme est de communiquer sur la recherche comme service à la société. Il ne s’agit pas que d’enjeux esthétiques mais aussi politiques et sociaux. On est citoyen avant d’être artiste. » Remettre le signifiant au centre Le point névralgique de cette politique est le Centre de documentation. Ce dernier recense dans les quotidiens et les revues spécialisées tout ce qui se passe sur les plateaux, ce qui permet des recherches variées en dramaturgie. Actuellement, sa principale clientèle se compose de chercheurs universitaires en politique culturelle. « Le Centre n’est pas un service lié à un besoin de mémoire en tant que telle mais un outil de recherche en théâtre, un outil qui peut nourrir le questionnement actuel », précise Mylène. S’il stocke un volume important de papier, il faut se rappeler qu’il a été créé au moment où Internet n’existait pas. Maintenant que des plateformes multiples existent (telles que les sites des théâtres ou des méta-sites sur la production contemporaine), se pose la question du service offert à la population par le centre de documentation. « Il doit se recentrer sur des services que d’autres ne font pas, interroger son public et produire de l’analyse, des critiques sur les politiques culturelles via le web ». La Bellone deviendrait-elle un centre de discours sur le spectacle ? « Oui, mais qui permet de produire son propre discours. Ma priorité actuelle n’est pas, par exemple, de produire un spectacle d’art numérique mais plutôt d’organiser une conférence sur la culture numérique, pratique qui n’a pas encore interrogé toutes ses ramifications, que ce soit du côté de l’art ou de la neurologie. Il faut créer des états des lieux, poser la question Où en est-on dans sa pratique? afin de prendre le temps de mesurer le geste qu’on pose dans le monde. » Mylène veut remettre l’étude du signifiant au centre des préoccupations : « C’est cela qui manque à la communauté : un outil qui réfléchit à la dramaturgie. Comment fait-on pour avoir un corpus artistique signifiant ? » Des collaborations choisies En marge de ce travail, la Bellone doit-elle remplir des fonctions de défense des professions de la scène? « La Maison n’a pas vocation de représenter un corps de métier. Je suis une généraliste : elle doit rester un outil de ressources transdisciplinaires. On doit s’attacher à créer du lien et à mutualiser. Mais je ne suis pas convaincue par les fusions. Le CIFAS, le Guichet des arts, le Centre de Doc, Contredanse font chacun du bon travail. Ce qui est important, c’est que ces associations résidentes vibrent à La Bellone. Je ne crois pas aux coupoles mais…

Remettre en question nos privilèges. Entretien avec Sidi Larbi Cherkaoui

Quand on est fils d’immigrés en Belgique (avec des parents musulmans et catholiques), comment s’en tire-t-on?, demande d'abord Christian Jade. Sidi Larbi Cherkaoui : Quand on est enfant d’immigrés, on ne peut pas se retourner sur les richesses de nos parents. Parce que ces richesses-là sont dans le pays d’origine. Même s’il est difficile pour un jeune Flamand de trouver du travail, il a un contexte familial beaucoup plus stable pour être rassuré et se faire aider. Pour ceux qui n’ont pas ces ressources-là dans leurs familles, c’est tout ou rien. Soit on a de la chance, soit on travaille dur, et ça paie. Et à un moment donné, on arrive quelque part. Soit on n’a pas de chance et on n’a nulle part où se réfugier. C. J. : Votre cas ne devait pas être facile puisque vous aviez un père musulman et une mère chrétienne flamande. En outre, vous n’aviez pas fait de grandes études. Votre chance vous a été offerte par un concours télévisé qui a attiré l’attention d’Alain Platel. S. L. C. : J’ai essayé d’être à l’écoute de ce qui me plaisait vraiment. Depuis que j’étais tout petit, je sentais que j’avais envie d’être un artiste. J’ai eu la chance d’être un bon élève (j’étais très attentif à l’école), j’avais des professeurs exceptionnels dans toutes les branches. Ils voyaient en moi un certain potentiel. J’ai eu deux chances. D’une part, j’avais une très bonne mémoire (par exemple, pour la danse, je me rappelais des mouvements, du contenu de certaines choses, des intentions de ceux qui me commandaient, etc.). D’autre part, j’avais un énorme intérêt précoce pour l’art et une capacité de me battre pour aller au-delà des attentes des autres. Beaucoup de gens ont essayé de m’influencer mais je n’en faisais qu’à ma tête. C’est une question d’instinct qui permet de suivre la bonne voie et le meilleur choix. C. J. : Je retiens que l’important dans votre adolescence c’est d’avoir eu de bons professeurs qui ont repéré vos talents, ainsi que l’importance de l’enseignement dans votre formation. Mais dans votre milieu avec un père musulman et une mère catholique, imposer la danse et votre homosexualité a dû être une lutte très difficile. S. L. C. : La société en général, aussi bien flamande que musulmane, est complexe. J’ai beaucoup d’amis arabes danseurs ; aussi bien en hip-hop qu’en danse contemporaine. Ils ont du succès et des parents immigrés. Il y en a plus qu’on ne le pense. Ce n’est pas facile quand on a des bâtons dans les roues au départ, mais ça nous oblige à être créatifs. C’est difficile d’avoir des gens contre vous ; par exemple des racistes. Je me suis vite rendu compte que tous mes défauts vis-à-vis d’une société conservatrice (mes problèmes liés à mon homosexualité et mon origine arabe, ou le fait que je sois blanc et belge) pouvaient venir des deux communautés. Mais tout cela peut devenir une force. Je ne me suis jamais senti défini par un seul aspect de ma personnalité. Je me sens flexible et transformable. Et tous ces éléments mis ensemble sont des atouts. Je fais un peu de judo avec toutes mes contradictions. Ainsi, elles deviennent des forces, pas des faiblesses. C. J. : Le racisme est-il fondamental pour vous ? S. L. C. : J’ai 41 ans et je le subis toujours. C. J. : Pouvez-vous préciser ce que vous voulez dire par là ? S. L. C. : J’ai de la peine à en parler parce que je n’aime pas me mettre dans le rôle de la victime. Ce genre de discrimination touche aussi les femmes musulmanes et européennes. Ont-elles le droit ou non de montrer leurs seins ? Ont-elles le droit d’avoir un voile islamique ? Ont-elles le droit d’avoir un contrôle sur leurs corps ? En tant qu’homme, on doit considérer le sort des femmes avec empathie puisque musulman ou pas, nous ne serons jamais des femmes. En tant qu’homme, jamais un policier ne vient vous embêter si vous êtes torse nu à la plage ou si vous portez un voile. On a beaucoup plus de droits que les femmes, et de contrôle de notre corps. Et pourtant, on se dit qu’on a tous les mêmes droits. Mais même en Europe, nous n’avons pas les mêmes droits. En tant qu’homme, je me sens donc privilégié. D’autant plus qu’en tant qu’artiste je peux jouer sur la nudité sans qu’on me le reproche. Alors qu’un homme ordinaire serait étiqueté de « pervers ». Je crois qu’il est important de remettre souvent en question nos privilèges. © Sidi Larbi…