Le festin sous la table

La fièvre de cette partie de cache-cache enflammait, énervait derechef les sensations extraordinaires de la matinée que la bamboche n’avait pas dissoutes. Je courais, tête première, la joue en feu, sans réaliser le sublime de ce moment élu ; distrait malgré moi de l’exceptionnel privilège où la chance s’offrait là, épanoui d’avoir si proche l’amie adorable, je brûlais mes propres bornes. Était-ce me condamner inconsciemment à un impérissable regret ? Pourquoi était-il hors d’atteinte ce sentiment du bonheur à goûter tout de suite ? Alice rieuse tombait, se relevait, trébuchait encore en s’accrochant à mon col moussaillon comme, pensais-je, à une branche de salut. J’ignorais ou feignais d’ignorer que cette fée qui habitait la campagne ne pouvait être impressionnée par mes pauvres buissons ou mes talus périlleux ! Là-bas dans son pays, les aubépines amères, les robiniers en noires broussailles l’avaient aguerrie au point de lui donner le goût des éraflures qui mordent fort et vous pincent le sang jusqu’au cœur.