La nouvelle formule du Carnet et les Instants fête son premier anniversaire.
L’occasion de dresser un bilan et d’inviter nos abonnés à (re)découvrir leur revue réaménagée.
Phénomène rare : aujourd’hui, Le Carnet parle du Carnet.
Revue publiée par le Service de la Promotion des Lettres , Le Carnet a pour objectif de faire connaitre les littératures belges francophones à un large public belge et étranger.
Pour ce faire, la revue a parié depuis ses débuts sur deux principes : la qualité des articles et la gratuité de l’accès à ses contenus.
Dans un contexte marqué à la fois par l’omniprésence de l’internet et des réseaux sociaux, et par les mesures d’économie imposées à tout le secteur public, la fidélité aux missions premières du Carnet imposait une réinvention partielle de sa formule : comme l’annonçait Martine Garsou dans l’Édito du n° 185, la revue des Lettres belges allait connaître une importante mue en 2015, jusqu’à devenir…
Daniel Fano : chroniqueur de réel / poète exponentiel (in Varia)
Daniel Fano est un poète – « chroniqueur » , dit-il – belge et inclassable. Né en 1947, longtemps journaliste (de 1971 à 2007), il a été découvert par Marc Dachy, adoubé par Henri Michaux et Dominique de Roux. Fano désamorce nos idéologies, nos mythes, décape nos idoles à l'humour noir. Fulgurants à l'origine, ses poèmes aux accents yéyé (dans Souvenirs of you, édité au Daily-Bul en 1981, Gainsbourg résonne aux oreilles du personnage de Typhus) s'amplifient avec le temps, deviennent de longues proses, où Fano se fait chroniqueur du cauchemar de l'Histoire, désorchestre la censure manichéiste du moment. Rencontre avec un auteur culte en équilibre instable, pour la plus grande joie des quêteurs de lucidité. - À la lecture de vos poèmes courts, de vos longues proses, il semble que vous décloisonniez les genres, leur hiérarchie. Ce qui n'est pas une démarche volontaire. Ça m'est naturel. Tout ça s'est accumulé au fil du temps. Comme tout le monde, j'ai eu ma phase d'imitation, dans l'adolescence. La plus profonde a été celle des surréalistes. Curieusement, pas des surréalistes belges que je ne connaissais pas. Je vivais en province, et j'étais plutôt tourné vers Paris. Mon poète préféré, c'était Benjamin Péret, par exemple, qui était plus proche du nonsense, que j'avais déjà un peu intégré, accidentellement. Et j'ai écrit dans un esprit qui a fait dire à certains que j'étais proche des frères Piqueray, poètes que j'ai connus par après. Mais ils ne m'ont pas du tout influencé. Donc, c'est par des chemins détournés... en allant vers le nonsense anglais, et en le retrouvant chez certains surréalistes français, chez Péret, ou Desnos (à cause de La Complainte de Fantômas, Les quatre sans cou), dont les poèmes allaient vers le populaire, faisaient référence aux paralittératures, qui m'intéressaient déjà, et m'intéresseraient de plus en plus, sans parler de Soupault... Ces gens n'étaient jamais fixés dans une formule définitive. Ensuite j'étais en France, en 1966. J'étais garçon de course à Paris, pour une maison d'édition. J'ai eu accès à des tas de choses. On parle des années 60, d'années assez extraordinaires. J'ai découvert des auteurs américains comme Burroughs, évidemment, mais aussi Claude Pélieu, Dylan Thomas. Trois découvertes par jour. C'était un bombardement permanent. Et là, déjà, il y a eu les objectivistes américains, que très peu de gens connaissaient à l'époque – pour le moment, on publie des choses sur eux. Les objectivistes m'ont tout de suite paru intéressants. Car ce qui ne m'intéressait pas, c'était l'emphase, le lyrisme. Chez les objectivistes, je trouvais la distance qu'il fallait. Puis il y a eu des coïncidences assez étonnantes. En 66/67, à la même période, Serge Gainsbourg sort un album de chansons où l'on trouve notamment le titre Torrey Canyon, qui évoque l'un des tout premiers pétroliers qui se sont fracassés en déclenchant des marées noires. Il n'y a pas un gramme de sentiment, on ne sait pas ce qu'il pense, lui. Il raconte. C'est l'histoire du bâtiment : qui l'a construit, sous quel pavillon il naviguait, et ainsi de suite. En même temps, sur le même album, il y a Comic Strip, avec les onomatopées. Et tout cela est dans l'air du temps. J'aimais bien les Kinks, aussi, qui décrivaient la vie sociale en Angleterre. Au lieu de raconter des histoires de stars, ils racontaient l'histoire de filles qui sortent de l'usine. Donc, tout ça s'est mêlé, avec d'autres curiosités que j'avais à l'époque, notamment la bande dessinée, qui était en train de se légitimer. Tout ce qui passait, les magazines, tout ça m'a influencé, l'époque, l'air du temps. Le problème est que l'air du temps vieillit très vite. Il ne fallait pas suivre toutes les modes. Avoir une distance ironique, éventuellement. C'est une différence qui fait que je ne peux pas être un véritable objectiviste. Je mets de l'humour et de l'ironie dans ce que je fais. C'est mon apport personnel – question de tempérament. Mais aussi le mélange de toutes ces influences, qui fait que, si l'on me met une étiquette, elle ne colle pas . En partie peut-être, mais je serai toujours ailleurs. Je serai toujours en mouvement. - Est-ce que vous considérez qu'il y a eu différents Daniel Fano, différentes périodes que vous pourriez délimiter, a posteriori ? Des périodes à la Picasso ? [rires]. C'est un peu difficile. Je crois qu'on se rendrait compte, si l'on voulait faire le travail sérieusement, que ce serait toujours lié à des rencontres. C'est clair qu'il y a la période Marc Dachy XX , qui va de 1971 à 1978, au moment où il part pour Paris. C'est la création de Transédition, sa passion pour Dada. Je suis relativement peu publié dans la revue Luna-Park, mais en réalité j'écris beaucoup. Ce qui est important, sans doute, pour cette première période, c'est l'entrée dans le journalisme, ce qui n'était pas du tout prévu à l'origine. Mais c'est encore une question de rencontre, puisque Marc Dachy me faisait rencontrer des gens que je n'aurais peut-être pas rencontrés, dont Françoise Collin XX , qui a créé par la suite les Cahiers du Grif. Elle s'occupait de pages culturelles dans un hebdomadaire et m'a invité à collaborer. Au début, c'était très pointu, sur des avant-gardes américaines. Puis après, ça a été tout ce qui m'intéressait en paralittérature. Cela m'a donc permis d'approfondir des curiosités. Mais l'évolution des techniques a aussi son importance. Évidemment, au départ, c'est la machine à écrire mécanique. Écrire, ça fait mal. Et donc, il y a surtout des textes courts qu'on retrouve dans des anthologies de l'époque. De plus en plus, on voit revenir des personnages récurrents, comme Monsieur Typhus. Je crée toute une série de personnages, parce que ça permet de les confronter aux éléments du réel que je capte. Notamment dans toute la série qui est parue aux Carnets du Dessert de Lune. Là, c'est vraiment le cauchemar de l'Histoire. Et donc, il y a des tas de crapuleries qui sont reprises dans tous les camps. Il n'y a pas de manichéisme. Et ces personnages, Monsieur Typhus, Rita Remington, Patricia Bartok, Jimmy Ravel, Rosetta Stone... ce sont des personnages qu'on pourrait dénommer « marionnettes plates », des personnages qui pourraient rentrer dans tous les rôles possibles. Il y a une référence au dessin animé, puisqu'ils meurent, mais trois lignes après, ils sont de nouveau tout à fait intacts, ils repartent. C'est le principe du personnage qui tombe d'une falaise, et qui remonte. Ou sa tête explose, et il réapparaît. Assez curieusement, alors que j'essaye parfois de leur faire des choses assez abominables, ils ne parviennent jamais à rivaliser avec les atrocités du monde. À la limite, la fiction galope derrière le réel, et ne parvient jamais à le rattraper. - Mais cette tétralogie que vous évoquez, parue aux Carnets du Dessert de Lune, prend une forme un peu différente du reste... Oui, il est clair que les longues proses, qui sont une accumulation de choses, comme du bruit, une espèce de cataracte, sont facilitées par l'ordinateur, qui permet de travailler sur la longueur. Si l'on ne voyait que deux grandes époques dans mon parcours, ce serait certainement celles-là. Je crois que je n'aurais pas pu faire, avec la machine à écrire mécanique, des choses comme Sur les ruines de l'Europe ou Le privilège du fou. - À propos de votre rapport à l'Histoire, quel sens politique se cache derrière cette poésie qui s'affranchit, se libère des hiérarchies? Il est clair que les situationnistes m'ont marqué. C'est indéniable. Et, aussi, ce qu'il y avait autour. Les livres de Baudrillard, La Société de consommation, ou de Vance Packard, La Persuasion clandestine... Des livres sur la société. Je n'ai pas été quelqu'un de politique, même dans ces années-là. Mais j'ai observé, j'ai absorbé comme une éponge. J'ai toujours été un voyeur, un écouteur. Et en critiquant, justement, comme je le disais tout à l'heure, le…
Georges Simenon et Jean Cocteau, une amitié jouant à cache-cache
Personne n’ignore que Georges Simenon , presque toute son existence durant, est resté en marge des milieux littéraires et même, d’une manière plus générale, des milieux qualifiés d’intellectuels, bien que quelques-uns de ses amis s’appellent Marcel Achard, Marcel Pagnol, Jean Renoir, Francis Carco, Maurice Garçon, Henry Miller ou encore, après le XIIIe festival de Cannes dont il a été le président du jury en 1960, Federico Fellini. Personne n’ignore non plus qu’en raison de cette attitude, sans doute prise à contrecœur mais de plein gré, l’institution littéraire a mis de longues années avant de se pencher sérieusement sur l’œuvre immense de l’écrivain liégeois. Avec les multiples manifestations commémorant en 2003 le centenaire de sa naissance, la parution de nombreux ouvrages critiques et biographiques ainsi que l’édition de vingt et un de ses romans dans deux copieux volumes de la « Bibliothèque de la Pléiade », ce temps n’est plus – et tout se passe désormais comme si Simenon était un classique primordial de la littérature du XXe siècle. À cet égard, le consensus dont il fait aujourd’hui l’objet dans les médias est des plus révélateurs. Il y a quelques années encore, il aurait été inimaginable. Je viens de mentionner Marcel Achard, Marcel Pagnol, Jean Renoir, Francis Carco, Maurice Garçon, Henry Miller et Federico Fellini parmi les relations les plus célèbres de Simenon, je devrais ajouter Jean Cocteau. Les deux hommes se sont connus au début des années 1920, après que Simenon s’est installé en France avec sa jeune femme, Régine Renchon. Dans sa dictée Vent du nord, vent du sud (1976), Simenon consacre quelques pages à la vie parisienne de l’époque et, en particulier, à Montparnasse en train de devenir « le centre du monde » avec, précise-t-il, « ses artistes venus des quatre coins d’Europe et même des États-Unis ». Il y est question, pêle-mêle, de la mode à la garçonne 1 , sur le modèle du best-seller de Victor Margueritte, du charleston, du black-bottom, du fox-trot, de gigolos professionnels, du Café du Dôme, de La Boule blanche, de La Coupole « qui était alors aussi peu bourgeois que possible 2 », du Jockey « où l’on pouvait à peine remuer les jambes tant on était pressés les uns contre les autres »... « Le cabaret le plus moderne, rapporte Simenon, s’appelait Le Bœuf sur le toit et on y rencontrait Cocteau avec son inséparable Radiguet 3 ... » Que le futur auteur des Maigret ait fait la connaissance du futur cinéaste du Sang d’un poète dans le Paris insoucieux des années 1920 et, selon toute probabilité, dans ce fameux cabaret immortalisé par l’entraînante musique de Darius Milhaud, rue Boissy-d’Anglas, cela semble une certitude. Il paraît assez improbable en revanche que Simenon y ait rencontré Cocteau en compagnie de Radiguet, vu que ce dernier est mort en décembre 1923 et qu’en 1923, justement, Simenon se trouvait le plus souvent à Paray-le-Frésil dans l’Allier, exerçant les fonctions de secrétaire auprès du marquis Raymond d’Estutt de Tracy, riche propriétaire, entre autres, de maisons et de châteaux, de vignobles et du journal nivernais Paris-Centre. En réalité, ce n’est qu’à partir de mars 1924 que les Simenon vont bel et bien se mêler de près à la vie parisienne – lui, le petit Sim, se mettant à écrire sans relâche des contes légers et des romans populaires sous une quinzaine de pseudonymes ; elle Régine, affectueusement surnommée Tigy, n’arrêtant pas de dessiner, de peindre et de fréquenter le milieu des artistes, à Montmartre et à Montparnasse : Kisling, Foujita, Soutine, Vlaminck, Colin, Derain, Vertès, Van Dongen, les dadaïstes puis les premiers surréalistes... Le Georges Simenon d’alors n’a pas grand-chose à voir avec l’homme comblé et fortuné dont l’image s’est répandue dans le grand public après la Seconde Guerre mondiale (et que Simenon lui-même, sans conteste, a contribué à répandre), rien à voir avec le gentleman farmer comme retranché dans les campagnes du Connecticut, le châtelain d’Échandens sur les hauteurs de Lausanne, le maître de la forteresse d’Épalinges, le romancier de langue française le plus traduit sur les cinq continents et le plus choyé par les cinéastes 4 . C’est une sorte de bellâtre de vingt et un ans à peine, un tantinet hâbleur, bravache et frivole – et comme au Café du Dôme, à La Boule blanche ou, sur la rive droite, au Bœuf sur le toit, on ne sait trop à quoi il occupe ses journées ni comment il parvient à subvenir à ses besoins, on ne voit en lui que le beau chevalier servant de Madame Tigy, artiste peintre 5 ... Il suffit du reste d’examiner les différentes photos réalisées à l’époque pour s’en convaincre : sur la plupart d’entre elles, Simenon est tout sourire, l’air de n’avoir aucun état d’âme ou l’air de fomenter un innocent canular. Autant dire que ce Simenon-là est le type même du mondain. Si ce n’est, pour utiliser une expression plus prosaïque, le type même du joyeux fêtard. Tigy en est parfaitement consciente et quand, en octobre ou en novembre 1925, son bonhomme de mari et l’ardente, l’impétueuse, Joséphine Baker s’éprennent l’un de l’autre, elle ne peut hélas que se résigner. Et voilà donc qu’entre lui et Cocteau se nouent des relations amicales – et elles sont d’autant plus franches que Cocteau adore, lui aussi, les mondanités et se comporte très volontiers, au cours de ces années 1920, comme un prince frivole. Et de là à ce que ses écrits soient de la même manière taxés de frivoles... « La frivolité caractérise toute son œuvre, remarque ainsi le toujours pertinent Pascal Pia, dans un article sur les débuts du poète. Même quand il se donne des airs de gravité, même quand il se prétend abîmé de douleur, ses accents restent ceux d’un enfant gâté, qui agace plus qu’il n’apitoie. On ne saurait l’imaginer en proie à un chagrin dont il eût négligé la mise en scène 6 . » Dans ses livres autobiographiques – un gigantesque corpus de vingt-cinq volumes –, Simenon cite une quinzaine de fois le nom de Cocteau. Ce n’est pas rien, quoique l’écrivain français récoltant le plus de références directes soit André Gide avec lequel, on le sait, Simenon a longtemps correspondu mais qui n’a jamais été un de ses amis, au sens où on entend d’ordinaire ce terme 7 . À quelques exceptions près, les évocations de Cocteau sont toutes fort anecdotiques et, en général, assez convenues et des plus aimables, notamment pour dire qu’ils se voyaient fréquemment à Cannes, au bar du Carlton ou ailleurs, à l’époque des festivals, quand ils séjournaient tous les deux à la Côte d’Azur, Simenon après son retour des États-Unis, en 1955, et Cocteau chez Francine et Alec Weisweiller (villa Santo-Sospir à Saint-Jean-Cap-Ferrat 8 ). C’est du genre « mon vieil ami » – une formule qui revient souvent dans sa bouche et à laquelle il a pareillement recours presque toutes les fois qu’il parle par exemple de Fellini, de Pagnol ou encore de Chaplin. Voire de n’importe quel illustre personnage. Mais, entre deux observations anodines ou entre deux menus propos à bâtons rompus, on relève de loin en loin des phrases qui ne manquent pas d’intérêt. Dans La Main dans la main (1978), Simenon constate ainsi à quel point certains hommes célèbres racontent toujours les mêmes histoires avec, dit-il, « la même intonation de voix » et « les mêmes gestes ». Et après avoir fait allusion à Sacha Guitry répétant « à l’infini » plus ou moins les mêmes blagues à ses interlocuteurs, il enchaîne sur cette confidence, un peu dans le registre de la remarque piquante de Pascal Pia : « Un autre, dont je crois que je peux parler aussi et que j’ai connu pendant de longues années, qui passait pour un enfant espiègle lançant des feux d’artifice, Jean Cocteau, m’avouait qu’avant d’aller dans le monde, comme on disait…
Le Pari (s) littéraire du Centre Wallonie-Bruxelles (in Vues d'ailleurs)
Au cœur de Paris, à deux pas de Beaubourg et du Marais, la culture belge de langue française a son îlot de visibilité, d’exposition, d’animation et de convivialité : le Centre et la Librairie Wallonie-Bruxelles. Ils offrent une vitrine exceptionnelle aux écrivains et aux éditeurs de notre pays. Une vitrine comme à Saint-Nicolas et à Noël, mais toute l’année. L’histoire commence en 1976, quand le Ministère de la culture acquiert un immeuble de mille mètres carrés pour y promouvoir l’art et la culture francophones de Belgique. Une belle intuition. Un geste heureux. Trois ans plus tard, le 26 septembre 1979, le Centre culturel de la Communauté française de Belgique, devenu par la suite le Centre Wallonie-Bruxelles, ouvre grand ses portes. Il y présentera les créateurs belges francophones de tous horizons et de toutes disciplines : danse, théâtre, chanson, jazz, cinéma, littérature, on en oublie sûrement. Y recevra le public venu les découvrir. Les applaudir. Et répandre la bonne nouvelle, à Paris et ailleurs : la culture belge francophone est vivante, bien vivante. Il faut compter avec elle. Comme toutes les institutions culturelles, le Centre a pris ses inclinations, ses couleurs, en fonction de ses directeurs et de ses directrices, de leur personnalité, de leur style. Il a évolué avec le monde institutionnel et politique, s’est transformé sous l’impulsion des artistes et des écrivains qu’il a accueillis. Aujourd’hui, il est un endroit incontournable pour la diffusion, la découverte et le rayonnement du patrimoine et de la création contemporaine de Wallonie-Bruxelles en France. Parmi les artistes qui s’y sont produits, ont vu leurs films projetés, leurs pièces jouées ou dansées, leurs livres lus et discutés, leurs œuvres exposées, citons, en toute subjectivité : Luc et Jean-Pierre Dardenne, Stéphane Lambert, Annie Cordy, Henry Bauchau, Steve Houben, Vera Feyder, Hergé, Dominique Rolin, Claudio Bernardo, William Cliff, Chantal Akerman, Jean-Marie Piemme, Pietro Pizzuti, Guy Goffette, Marion Hänsel, Patrick Roegiers, les Irréguliers du langage et les plus réguliers, les primés du prix Rossel et les recalés, les poètes oraux et ceux qui écrivent dans le silence... * Le Carnet et les Instants oblige, nous n’évoquerons que les activités littéraires du Centre et celles de la Librairie. Plus précisément : les activités organisées par la présente équipe. Nous avons rencontré Anne Lenoir et Pierre Vanderstappen , respectivement directrice et conseiller littéraire du Centre Wallonie-Bruxelles, et Muriel Collart , responsable de la Librairie. Ils nous ont expliqué les enjeux et les missions du Centre, de la Librairie. Ce qu’ils n’ont pas dit, et que l’on peut entendre dans leurs mots, c’est l’enthousiasme qu’ils mettent à préparer et proposer les rencontres avec les écrivains, à promouvoir et vendre leurs livres. À créer un climat de convivialité lors des brunchs ou des bistrots littéraires, des lectures spectacles ; d’un conseil à la librairie. Avec eux, la littérature, (devenue) art de la solitude, tant pour l’auteur que le lecteur, (re-)devient un moment de vivre ensemble, d’amitié et de partage. Une expérience commune. - Anne Lenoir, femme d’ouverture Directrice passionnée et chaleureuse, Anne Lenoir a presque toujours travaillé à diffuser la culture belge francophone, notamment à Wallonie-Bruxelles international. Présente à toutes les manifestations du Centre, elle dévore les livres de chaque écrivain invité. Elle aime tant lire qu’elle voudrait être interdite de Librairie Wallonie-Bruxelles, comme on est interdit de casino, parce qu’elle ne peut résister à la tentation... Qu’avez-vous fait avant de diriger le Centre Wallonie-Bruxelles ? Après mes études en philosophie à l’Université de Liège, amoureuse des philosophes présocratiques, je suis partie enseigner le français, le latin, la morale et la philosophie au Congo, le Zaïre à l’époque. J’ai dirigé ensuite le centre culturel de l’ambassade de Belgique. J’ai eu l’occasion d’y organiser des concerts et des expositions notamment de Mulongoy Pili Pili, un artiste de l’école de Lubumbashi, décédé maintenant. C’est là que m’est venue la passion de la culture. J’ai ensuite travaillé au Centre Wallonie-Bruxelles à Kinshasa. Quand je suis rentrée dix ans plus tard, Roger Dehaybe m’a demandé de m’occuper de la partie audiovisuelle du service culturel de Wallonie-Bruxelles international. Puis s’est ajoutée la Foire du livre, enfin la direction du service culturel. Vous n’êtes pas la seule à avoir fait vos études à Liège, Pierre Vanderstappen et Muriel Collart aussi. Est-ce que cela s’explique ? C’est un hasard de circonstance. En même temps, on peut remarquer que dans la programmation figurent aussi beaucoup de Liégeois. Je pense qu’il y a un vrai dynamisme culturel dans cette ville. La programmation le reflète, à juste titre. Je ne connaissais pas bien Pierre en prenant mes fonctions, Muriel pas du tout. Je ne dirai jamais assez le bonheur que j’ai de travailler avec eux. D’avoir cette empathie. Pour eux comme pour moi, travailler c’est rechercher, se dire que rien n’est jamais acquis, essayer d’aller plus loin, ailleurs. Je vois maintenant comment, pour nos événements littéraires, la fréquentation du public a augmenté. Pour le bistrot littéraire, il y a jusqu’à septante personnes. D’ailleurs on ne sait plus comment faire, ou mettre le public... D’où vient ce succès ? Le bouche à oreille fonctionne bien. Il y a, évidemment, la qualité intellectuelle de Pierre, de ses échanges, il est particulièrement doué. Il travaille énormément. Combien d’heures de lecture, de préparation pour présenter le Dictionnaire amoureux de la Belgique de Jean-Baptiste Baronian, pour arriver à cette qualité d’entretien ? Pierre valorise les écrivains que nous recevons et cela mérite de l’audience. Nous travaillons à trouver le public. À chaque fois, nous nous demandons quel doit être l’angle d’attaque pour promouvoir tel écrivain, où dénicher un public qui n’est pas encore familier du Centre. Après avoir travaillé à l’international, ne travailler qu’à Paris, n’est-ce pas un rétrécissement de votre champ d’action ? Pour la première fois de ma vie, je ne suis pas nomade. Je vis dans la ville, travaille dans un petit îlot dans la ville, mais grâce au réseau mis en place, cet îlot est un lieu d’ouverture. Mon pari est le partenariat et la collaboration avec les opérateurs français. Créer un réseau est important pour la mise en vente, la diffusion des créateurs. Quel pari formidable ! Quel est le public du Centre ? Il est majoritairement français. Nous ne nous regardons pas le nombril entre Belges, même s’il est important d’avoir, à certaines occasions, la présence de nos autorités. Quelle est votre touche personnelle dans l’organisation du Centre ? Avant tout, la notion d’ouverture vers les partenaires français. Lorsque je suis arrivée, on ne parlait pas de partenariat, de collaboration. Monter des projets avec d’autres institutions, d’autres maisons, rend plus fort, plus visible. Mobiliser l’attention de professionnels français plus performant. J’ai cette envie d’ouvrir les portes, de respirer, d’aller voir ailleurs. Mais aussi d’accueillir le public. Communiquer, parler, échanger avec lui est important. J’aime la chaleur et la convivialité, ce qui est très liégeois. J’aime cultiver cela dans mes rapports. D’ailleurs les Français apprécient beaucoup. - Pierre Vanderstappen, le goût du partage Que ce soit sur la scène du théâtre ou l’espace de son bureau, Pierre Vanderstappen, conseiller littéraire du Centre, ne semble avoir qu’une ambition : mettre en lumière les œuvres littéraires belges, ainsi que leurs auteurs. En partager…