Edito


« Le ventre est encore fécond, d’où a surgi la bête immonde », écrivait Brecht en 1941.
On ne se doute jamais qu’on puisse s’attabler un soir en terrasse ou assister à un concert et ne plus revoir le jour.
L’effroi, le danseur et chorégraphe Damien Jalet, témoin d’une des scènes d’horreur parisiennes, a ressenti l’urgence de le coucher sur le papier et nous, en recueillant ses paroles, un irrépressible besoin de compatir (au sens littéral, « souffrir avec »), de vivre cette libération par procuration.

Dans cette affaire des attentats, tout le monde s’accorde sur ce combat contre l’obscurantisme que Culture et Education doivent mener de concert. Mais comment va s’y prendre le ministère qui regroupe, en Fédération Wallonie-Bruxelles, ces deux entités? Avec quels moyens? Les questions ne manquent pas. Et l’ensemble du monde artistique, en se détournant un peu de son ombilic, a également un rôle de protagoniste à jouer.

Rachid Ouramdane,…

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Les Cultures de la Belgique, vues par le réseau français au Maroc

Au Maroc, le réseau culturel français, animé d’une curiosité, voire d’une sympathie active pour la production belge (culturelle, éducative et linguistique) – surtout si elle garde le label belge –, a généré une reconnaissance diffuse de la « mode belge ». Le désir est bien là, de la valoriser dans les Instituts français, sans se l’approprier, en respectant son autonomie par rapport à la production française. Si la production se présente sous un label communautaire, c’est la production flamande qui recueille le plus de suffrage, conformément au principe d’empathie exotique qui veut que l’on accorde plus d’égard à ce qui vous ressemble le moins. La Francophonie, en tant qu’entité politique, ne bénéficie pas du même crédit. Certains responsables français n’hésitent pas, en réunion multilatérale, à se demander « ce que ce concept veut dire ». Ils prennent alors un ton incrédule, voire moqueur, et se lancent dans de longs questionnements sur la « littérature-monde ». D’autres toutefois, moins nombreux, adhèrent pleinement à l’entité multilatérale francophone et comprennent l’intérêt de se présenter – fût-ce une semaine par an – sous cette bannière, qui rassemble tout de même 200 millions de locuteurs. Et qui offre un bassin d’emplois attractif à ceux qui décident de se perfectionner dans cette langue. Dans les réunions multilatérales où se prépare la Journée internationale de la Francophonie, seuls les Belges et les Québécois valorisent une optique plus ludique, valorisant la créativité au risque de quelques entorses à la régularité de la langue. Sont alors proposés, parmi les poètes à faire découvrir aux étudiants maghrébins, les noms de Jean-Pierre Verheggen ou Robert Charlebois. La créativité que l’on s’autorise au Sénégal ou en Belgique par rapport à la langue convenue, apparaît souvent comme la première découverte de la liberté aux yeux des responsables locaux, formatés à la « langue unique ». C’est donc possible, puisque Sénégalais et Belges le font ! En matière littéraire, les plus novateurs des animateurs français s’autorisent à évoquer le rôle souvent castrateur d’une philosophie normative de la littérature, qui soumet la créativité à une référence centralisée du beau. Dans la foulée, les responsables éducatifs marocains envisageront alors de remplacer la dictée par une incitation à créer un journal d’école où les élèves peuvent exprimer, en français, une approche subjective du monde. Et tous ensemble s’ouvriront à l’idée de voir offrir aux lauréats du concours, à côté du Larousse et du Bescherelle, des chansons de Brel ou des bandes dessinées de Franquin. © Daniel Soil,…

Georges Simenon et Jean Cocteau, une amitié jouant à cache-cache

Personne n’ignore que Georges Simenon , presque toute son existence durant, est resté en marge des milieux littéraires et même, d’une manière plus générale, des milieux qualifiés d’intellectuels, bien que quelques-uns de ses amis s’appellent Marcel Achard, Marcel Pagnol, Jean Renoir, Francis Carco, Maurice Garçon, Henry Miller ou encore, après le XIIIe festival de Cannes dont il a été le président du jury en 1960, Federico Fellini. Personne n’ignore non plus qu’en raison de cette attitude, sans doute prise à contrecœur mais de plein gré, l’institution littéraire a mis de longues années avant de se pencher sérieusement sur l’œuvre immense de l’écrivain liégeois. Avec les multiples manifestations commémorant en 2003 le centenaire de sa naissance, la parution de nombreux ouvrages critiques et biographiques ainsi que l’édition de vingt et un de ses romans dans deux copieux volumes de la « Bibliothèque de la Pléiade », ce temps n’est plus – et tout se passe désormais comme si Simenon était un classique primordial de la littérature du XXe siècle. À cet égard, le consensus dont il fait aujourd’hui l’objet dans les médias est des plus révélateurs. Il y a quelques années encore, il aurait été inimaginable. Je viens de mentionner Marcel Achard, Marcel Pagnol, Jean Renoir, Francis Carco, Maurice Garçon, Henry Miller et Federico Fellini parmi les relations les plus célèbres de Simenon, je devrais ajouter Jean Cocteau. Les deux hommes se sont connus au début des années 1920, après que Simenon s’est installé en France avec sa jeune femme, Régine Renchon. Dans sa dictée Vent du nord, vent du sud (1976), Simenon consacre quelques pages à la vie parisienne de l’époque et, en particulier, à Montparnasse en train de devenir « le centre du monde » avec, précise-t-il, « ses artistes venus des quatre coins d’Europe et même des États-Unis ». Il y est question, pêle-mêle, de la mode à la garçonne 1 , sur le modèle du best-seller de Victor Margueritte, du charleston, du black-bottom, du fox-trot, de gigolos professionnels, du Café du Dôme, de La Boule blanche, de La Coupole « qui était alors aussi peu bourgeois que possible 2 », du Jockey « où l’on pouvait à peine remuer les jambes tant on était pressés les uns contre les autres »... « Le cabaret le plus moderne, rapporte Simenon, s’appelait Le Bœuf sur le toit et on y rencontrait Cocteau avec son inséparable Radiguet 3 ... » Que le futur auteur des Maigret ait fait la connaissance du futur cinéaste du Sang d’un poète dans le Paris insoucieux des années 1920 et, selon toute probabilité, dans ce fameux cabaret immortalisé par l’entraînante musique de Darius Milhaud, rue Boissy-d’Anglas, cela semble une certitude. Il paraît assez improbable en revanche que Simenon y ait rencontré Cocteau en compagnie de Radiguet, vu que ce dernier est mort en décembre 1923 et qu’en 1923, justement, Simenon se trouvait le plus souvent à Paray-le-Frésil dans l’Allier, exerçant les fonctions de secrétaire auprès du marquis Raymond d’Estutt de Tracy, riche propriétaire, entre autres, de maisons et de châteaux, de vignobles et du journal nivernais Paris-Centre. En réalité, ce n’est qu’à partir de mars 1924 que les Simenon vont bel et bien se mêler de près à la vie parisienne – lui, le petit Sim, se mettant à écrire sans relâche des contes légers et des romans populaires sous une quinzaine de pseudonymes ; elle Régine, affectueusement surnommée Tigy, n’arrêtant pas de dessiner, de peindre et de fréquenter le milieu des artistes, à Montmartre et à Montparnasse : Kisling, Foujita, Soutine, Vlaminck, Colin, Derain, Vertès, Van Dongen, les dadaïstes puis les premiers surréalistes... Le Georges Simenon d’alors n’a pas grand-chose à voir avec l’homme comblé et fortuné dont l’image s’est répandue dans le grand public après la Seconde Guerre mondiale (et que Simenon lui-même, sans conteste, a contribué à répandre), rien à voir avec le gentleman farmer comme retranché dans les campagnes du Connecticut, le châtelain d’Échandens sur les hauteurs de Lausanne, le maître de la forteresse d’Épalinges, le romancier de langue française le plus traduit sur les cinq continents et le plus choyé par les cinéastes 4 . C’est une sorte de bellâtre de vingt et un ans à peine, un tantinet hâbleur, bravache et frivole – et comme au Café du Dôme, à La Boule blanche ou, sur la rive droite, au Bœuf sur le toit, on ne sait trop à quoi il occupe ses journées ni comment il parvient à subvenir à ses besoins, on ne voit en lui que le beau chevalier servant de Madame Tigy, artiste peintre 5 ... Il suffit du reste d’examiner les différentes photos réalisées à l’époque pour s’en convaincre : sur la plupart d’entre elles, Simenon est tout sourire, l’air de n’avoir aucun état d’âme ou l’air de fomenter un innocent canular. Autant dire que ce Simenon-là est le type même du mondain. Si ce n’est, pour utiliser une expression plus prosaïque, le type même du joyeux fêtard. Tigy en est parfaitement consciente et quand, en octobre ou en novembre 1925, son bonhomme de mari et l’ardente, l’impétueuse, Joséphine Baker s’éprennent l’un de l’autre, elle ne peut hélas que se résigner. Et voilà donc qu’entre lui et Cocteau se nouent des relations amicales – et elles sont d’autant plus franches que Cocteau adore, lui aussi, les mondanités et se comporte très volontiers, au cours de ces années 1920, comme un prince frivole. Et de là à ce que ses écrits soient de la même manière taxés de frivoles... « La frivolité caractérise toute son œuvre, remarque ainsi le toujours pertinent Pascal Pia, dans un article sur les débuts du poète. Même quand il se donne des airs de gravité, même quand il se prétend abîmé de douleur, ses accents restent ceux d’un enfant gâté, qui agace plus qu’il n’apitoie. On ne saurait l’imaginer en proie à un chagrin dont il eût négligé la mise en scène 6 . » Dans ses livres autobiographiques – un gigantesque corpus de vingt-cinq volumes –, Simenon cite une quinzaine de fois le nom de Cocteau. Ce n’est pas rien, quoique l’écrivain français récoltant le plus de références directes soit André Gide avec lequel, on le sait, Simenon a longtemps correspondu mais qui n’a jamais été un de ses amis, au sens où on entend d’ordinaire ce terme 7 . À quelques exceptions près, les évocations de Cocteau sont toutes fort anecdotiques et, en général, assez convenues et des plus aimables, notamment pour dire qu’ils se voyaient fréquemment à Cannes, au bar du Carlton ou ailleurs, à l’époque des festivals, quand ils séjournaient tous les deux à la Côte d’Azur, Simenon après son retour des États-Unis, en 1955, et Cocteau chez Francine et Alec Weisweiller (villa Santo-Sospir à Saint-Jean-Cap-Ferrat 8 ). C’est du genre « mon vieil ami » – une formule qui revient souvent dans sa bouche et à laquelle il a pareillement recours presque toutes les fois qu’il parle par exemple de Fellini, de Pagnol ou encore de Chaplin. Voire de n’importe quel illustre personnage. Mais, entre deux observations anodines ou entre deux menus propos à bâtons rompus, on relève de loin en loin des phrases qui ne manquent pas d’intérêt. Dans La Main dans la main (1978), Simenon constate ainsi à quel point certains hommes célèbres racontent toujours les mêmes histoires avec, dit-il, « la même intonation de voix » et « les mêmes gestes ». Et après avoir fait allusion à Sacha Guitry répétant « à l’infini » plus ou moins les mêmes blagues à ses interlocuteurs, il enchaîne sur cette confidence, un peu dans le registre de la remarque piquante de Pascal Pia : « Un autre, dont je crois que je peux parler aussi et que j’ai connu pendant de longues années, qui passait pour un enfant espiègle lançant des feux d’artifice, Jean Cocteau, m’avouait qu’avant d’aller dans le monde, comme on disait…

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