La vie de Charles Joseph de Ligne

PRIX
  •   Prix quinquennal de l'essai, 1930-1935
À PROPOS DE L'AUTEUR
Louis Dumont-Wilden

Auteur de La vie de Charles Joseph de Ligne

Né à Gand le 15 septembre 1875, Louis Dumont a quatre ans lorsque sa famille part pour Bruxelles, où le père du futur écrivain est nommé conseiller à la Cour de cassation, dont il sera bientôt président. Il effectue ses humanités classiques à l'Athénée royal de Bruxelles, mais a la douleur de perdre son père en 1892. Il a dix-sept ans, suit toujours des cours et souhaite faire le droit. Contraint de mettre un terme à ses études pour aider sa mère et ses jeunes sour et frère, il est engagé comme rédacteur à L'Indépendance belge. Louis Dumont est à l'orée d'une longue carrière de journaliste. En 1895, il est rédacteur du Petit Bleu où il écrit des chroniques touchant tous les sujets sous divers pseudonymes : Ergaste, Silas, Pamphile... Il y rencontre Albert Mockel. Il fait aussi la connaissance d'une jeune fille française, à La Panne, Lina Wilden, qu'il épouse à Paris en 1898. Désormais, il joindra le nom de sa compagne au sien et signera Dumont-Wilden. Il donne une nouvelle à la Revue de Belgique en 1900. L'année suivante, il publie son premier livre : Visages de décadence. Le récit, déjà paru, figure au milieu de huit autres, relatant avec esprit les aventures de poètes désabusés et de jeunes femmes évaporées, dans une atmosphère digne de Barrès dont Le Culte du moi fait partie des livres de chevet de Dumont-Wilden. Même si, en 1906, les dialogues des Soucis des derniers soirs, et en 1913, Le Coffre aux souvenirs, préfacé par Giraud, relèvent encore de la veine romanesque, leur auteur s'engage dans des discussions sur la moralité du monde et l'avenir de la société. Sa voie est ailleurs : dans le domaine de l'essai, de la critique artistique, de la biographie, de l'histoire et de la politique. Dès 1905, il consacre aux artistes des publications qui jalonneront toute sa production. Après s'être intéressé aux Coins de Bruxelles cette année-là, il écrit une monographie sur Fernand Khnopff en 1907, une longue étude sur Le portrait en France au XVIIIe siècle en 1909, et une Belgique illustrée chez Larousse à Paris, en 1911, rehaussée d'une préface de Verhaeren. Il met ses qualités d'observateur culturel au service d'Amsterdam et de Haarlem en 1913, de Bruxelles et de Louvain en 1916, de Bruges en 1925, du portraitiste André Cluysenaar en 1937. Villes d'art en Belgique est de la même année. Dans ces ouvrages, Dumont-Wilden scrute en profondeur les particularités des sujets développés. Il s'efforce d'expliquer avec précision le cadre dans lequel le présent et le passé se rejoignent par leurs similitudes et leurs différences et attache une importance fondamentale aux dimensions européennes de l'art. Avec George Garnir et Léon Souguenet, il fonde en avril 1910 l'hebdomadaire Pourquoi pas?, qu'il dirigera pendant de nombreuses années. Le mois suivant, il crée la revue Le Masque, avec Grégoire Le Roy et Georges Marlow, tout en collaborant à de nombreux périodiques belges ou étrangers, du Mercure de France à Durendal, de La Nouvelle Revue française à La Vie intellectuelle. Avec Souguenet, il voyage et publie en 1912 La Victoire des vaincus. Deux journalistes en Alsace-Lorraine, hommage à un peuple partagé entre deux cultures; ce livre connaîtra une seconde édition en 1918, à la lumière des événements politiques. La guerre menace. Dumont-Wilden va faire paraître deux ouvrages importants, Profils historiques (1913) et L'esprit européen, presque contemporain de l'ouverture des hostilités. Au-delà des portraits esquissés (Maeterlinck, Barrès, le prince de Ligne ou Gide), l'écrivain souligne l'importance de l'universalité de la culture française et voit dans une possible Europe future la réalisation d'un esprit français internationalisé qui unirait les potentiels culturels de tous les pays sans effacer leurs particularités. Dumont-Wilden s'installe avec sa famille à Paris, puis à Rueil-Malmaison. Pendant la guerre, il est au service de la propagande (il raconte des épisodes vécus dans ses Souvenirs d'hier... 1914-1917) et fréquente ses amis écrivains Mockel, Maeterlinck, Verhaeren et Barrès. Il passe ses rares loisirs à choisir des textes pour une Anthologie des écrivains belges, poètes et prosateurs, qu'il publie en 1917. Il travaille à la parution de grandes biographies. La Vie de Charles Joseph de Ligne, prince de l'Europe française paraît en 1927, La Vie de Benjamin Constant en 1930, et Le prince-errant : Charles-Édouard, le dernier des Stuart en 1934. La même année, il consacre un livre à Albert Ier. L'écrivain trace passionnément ces portraits, avec le souci de la grandeur des destins auxquels il s'attache. Sa plume est alerte et précise, son talent d'historien remarquable. Dumont-Wilden reste préoccupé par l'avenir d'une Europe des idées. Il a perdu certaines illusions, et révise certains jugements dans L'évolution de l'esprit européen, publié en 1937 et revu en 1945. Il croit à l'union des cultures et à une civilisation européenne, et envisage dans l'avenir une possibilité de fédération des États, analyse qui ne manque pas de pertinence à l'époque où elle est présentée. Sur le plan littéraire, dans Le Crépuscule des maîtres, son dernier livre (1947), il évoque les auteurs qui ont influencé sa pensée et tente de mesurer l'apport de Renan, de Taine, d'Anatole France, de Chateaubriand, de Laforgue, de Gide ou de Nietzsche. Barrès et Hugo trouvent seuls grâce à ses yeux, en fin de compte, parce qu'ils ont choisi la liberté de leurs convictions personnelles, ayant jusqu'au bout gardé confiance en leur propre valeur. Louis Dumont-Wilden est mort à Rueil-Malmaison le 11 décembre 1963. Il avait été élu à l'Académie royale de langue et de littérature françaises le 17 janvier 1925. Il était également membre de l'Institut de France, en qualité d'associé étranger, dans la section des sciences morales et politiques.

AVIS D'UTILISATEURS

FIRST:xfirstword - "La vie de Charles Joseph de Ligne"
stdClass Object ( [audiences] => [domains] => Array ( [0] => 9174 ) )

Ceci pourrait également vous intéresser...

Jean Mergeai

Répertoire des thèmes de l'écrivain gaumais : la maison, le chemin, l'enfance, le temps passé, la civilisation orale disparue,…

Le fantastique dans l’oeuvre en prose de Marcel Thiry

À propos du livre Il est toujours périlleux d'aborder l'oeuvre d'un grand écrivain en isolant un des aspects de sa personnalité et une des faces de son talent. À force d'examiner l'arbre à la loupe, l'analyste risque de perdre de vue la forêt qui l'entoure et le justifie. Je ne me dissimule nullement que le sujet de cette étude m'expose ainsi à un double danger : étudier l'oeuvre — et encore uniquement l'oeuvre en prose de fiction — d'un homme que la renommée range d'abord parmi les poètes et, dans cette oeuvre, tenter de mettre en lumière l'élément fantastique de préférence à tout autre, peut apparaître comme un propos qui ne rend pas à l'un de nos plus grands écrivains une justice suffisante. À l'issue de cette étude ces craintes se sont quelque peu effacées. La vérité est que, en prose aussi bien qu'en vers, Marcel Thiry ne cesse pas un instant d'être poète, et que le regard posé sur le monde par le romancier et le nouvelliste a la même acuité, les mêmes qualités d'invention que celui de l'auteur des poèmes. C'est presque simultanément que se sont amorcées, vers les années vingt, les voies multiples qu'allait emprunter l'oeuvre littéraire de M. Thiry pendant plus de cinquante années : la voie de la poésie avec, en 1919, Le Coeur et les Sens mais surtout avec Toi qui pâlis au nom de Vancouver en 1924; la voie très diverse de l'écriture en prose avec, en 1922, un roman intitulé Le Goût du Malheur , un récit autobiographique paru en 1919, Soldats belges à l'armée russe , ou encore, en 1921, un court essai politique, Voir Grand. Quelques idées sur l'alliance française . Cet opuscule relève de cette branche très féconde de son activité littéraire que je n'étudierai pas mais qui témoigne que M. Thiry a participé aux événements de son temps aussi bien sur le plan de l'écriture que sur celui de l'action. On verra que j'ai tenté, aussi fréquemment que je l'ai pu, de situer en concordance les vers et la prose qui, à travers toute l'oeuvre, s'interpellent et se répondent. Le dialogue devient parfois à ce point étroit qu'il tend à l'unisson comme dans les Attouchements des sonnets de Shakespeare où commentaires critiques, traductions, transpositions poétiques participent d'une même rêverie qui prend conscience d'elle-même tantôt en prose, tantôt en vers, ou encore comme dans Marchands qui propose une alternance de poèmes et de nouvelles qui, groupés par deux, sont comme le double signifiant d'un même signifié. Il n'est pas rare de trouver ainsi de véritables doublets qui révèlent une source d'inspiration identique. Outre l'exemple de Marchands , on pourrait encore évoquer la nouvelle Simul qui apparaît comme une certaine occurrence de cette vérité générale et abstraite dont le poème de Vie Poésie qui porte le même titre recèle tous les possibles. Citons aussi le roman Voie-Lactée dont le dénouement rappelle un événement réel qui a aussi inspiré à M. Thiry la Prose des cellules He La. Je n'ai donc eu que l'embarras du choix pour placer en épigraphe à chaque chapitre quelques vers qui exprimaient ou confirmaient ce que l'analyse des oeuvres tentait de dégager. Bien sûr, la forme n'est pas indifférente, et même s'il y a concordance entre les thèmes et identité entre les motifs d'inspiration, il n'y a jamais équivalence : le recours à l'écriture en prose est une nécessité que la chose à dire, à la recherche d'un langage propre, impose pour son accession à l'existence. C'est précisément aux «rapports qui peuvent être décelés entre ces deux aspects» de l'activité littéraire de Marcel Thiry que Robert Vivier a consacré son Introduction aux récits en prose d'un poète qui préface l'édition originale des Nouvelles du Grand Possible . Cette étude d'une dizaine de pages constitue sans doute ce que l'on a écrit de plus fin et de plus éclairant sur les caractères spécifiques de l'oeuvre en prose; elle en arrive à formuler la proposition suivante : «Aussi ne doit-on pas s'étonner que, tout en gardant le vers pour l'examen immédiat et comme privé des émotions, il se soit décidé à en confier l'examen différé et public à la prose, avec tous les développements persuasifs et les détours didactiques dont elle offre la possibilité. Et sa narration accueillera dans la clarté de l'aventure signifiante plus d'un thème et d'une obsession dont son lyrisme s'était sourdement nourri.» Car, sans pour autant adopter la position extrême que défend, par exemple, Tzvetan Todorov dans son Introduction à la littérature fantastique, et qui consiste à affirmer que la poésie ne renvoie pas à un monde extérieur à elle-même, n'est pas représentative du monde sensible (et d'en déduire — j'y reviendrai dans la quatrième partie — que poésie et fantastique sont, pour cette raison, incompatibles), on peut cependant accepter comme relativement sûr que la traduction en termes de réalité ne s'opère pas de la même façon lors de la lecture d'un texte en prose ou d'un poème. C'est donc tout naturellement qu'un écrivain recourra à la prose, dont l'effet de réel est plus assuré, dont le caractère de vraisemblance est plus certain, chaque fois qu'il s'agira pour lui, essentiellement, d'interroger la réalité pour en solliciter les failles, d'analyser la condition humaine pour en déceler les contraintes ou en tester les latitudes. Le développement dans la durée permet l'épanouissement d'une idée, la mise à l'épreuve d'une hypothèse que la poésie aurait tendance à suspendre hors du réel et à cristalliser en objet de langage, pour les porter, en quelque sorte, à un degré supérieur d'existence, celui de la non-contingence. Il n'est sans doute pas sans intérêt de rappeler que, dans un discours académique dont l'objet était de définir la fonction du poème, M. Thiry n'a pas craint de reprendre à son compte, avec ce mélange d'audace et d'ironie envers lui-même qui caractérise nombre de ses communications, cette proposition de G. Benn et de T. S. Eliot pour qui la poésie n'a pas à communiquer et qui ne reconnaissent comme fonction du poème que celle d'être. La projection dans une histoire, l'incarnation par des personnages, la mise en situation dans un décor comme l'utilisation de procédés propres à la narration permettent une mise à distance qui favorise l'analyse et la spéculation et qui appelle en même temps une participation du lecteur. Parallèlement, on peut sans doute comprendre pourquoi presque toute l'oeuvre de fiction est de nature fantastique ou, dans les cas moins flagrants, teintée de fantastique. Car la création d'histoires où l'étrange et l'insolite ont leur part est aussi une manière de manifester ce désir de remettre en cause les structures du réel ou tout au moins de les interroger. Pour l'auteur d' Échec au Temps , la tentation de l'impossible est une constante et l'événement fantastique est le dernier refuge de l'espérance. Son oeuvre se nourrit à la fois de révolte et de nostalgie. Révolte contre l'irréversibilité du temps humain dans Échec au Temps , révolte contre le caractère irréparable de la mort qui sépare ceux qui s'aiment dans Nondum Jam Non , dans Distances , révolte contre l'injustice des choix imposés à l'homme dans Simul , révolte contre les tyrannies médiocres du commerce dans Marchands … Nostalgie du temps passé, du temps perdu, du temps d'avant la faute, nostalgie de tous les possibles non réalisés, de la liberté défendue, de la pureté impossible. Nostalgie complémentaire de la révolte et qui traverse toute l'oeuvre de Marcel Thiry comme un leitmotiv douloureux. Comme l'écrit Robert Vivier, «le thème secret et constant de Thiry, c'est évidemment l'amour anxieux du bonheur de vivre ou plus exactement peut-être le désir, perpétuellement menacé par la lucidité, de trouver du bonheur à vivre». Où trouver, où retrouver un bonheur que la vie interdit sinon dans la grande surprise du hasard qui suspendrait les lois du monde? La première maîtresse de ce hasard est justement la…