Toute la dimension de la féminité, à travers une suite de portraits de femmes de ce temps : les routinières et les originales, les libres et les entravées, les lumineuses et les timides, les mères et les filles… Pris des Ecrivains chrétiens 2002.
Autrice de Singulières et plurielles
Couvrez-les bien, il fait froid dehors… Conversations avec Fatima Ezzarhouni
Sophie Pirson nous donne à lire les fragments de ses nombreuses conversations avec Fatima Ezzarhouni, une femme rencontrée dans un programme de médiation. Rien n’est anodin dans l’espace de parole qui a permis une entrevue surprenante entre les deux femmes, l’une étant une Bruxelloise dont la fille a été blessée lors de l’attentat de Maelbeek, et l’autre, une Anversoise d’origine marocaine dont le fils radicalisé est parti en Syrie. Nous comprenons rapidement que les 2 protagonistes refusent de devenir ennemies. Cette évidence partagée ouvre la voie vers leur rencontre, à la découverte de leur part commune d’humanité, mais aussi de leur altérité. Elles auraient toutes les raisons de basculer dans la haine, la tristesse ou l’amertume, mais les larmes suscitées par leur récent séisme les poussent viscéralement à partir en quête de compassion réciproque. Nous créons un cercle où chacune et chacun peut avancer vers l’autre à pas feutrés. Au centre, le vide recueille nos souffles. Ce creux est un puits dans lequel on verse des mots, où s’entremêlent les noms des morts et des vivants. On parle aussi des absents, ceux qui vivent en nous, quand l’espoir d’un retour donne aux battements du cœur un rythme particulier. La parole peut être fragile, rude, rieuse, intime, douloureuse, indomptée ou pudique. Le puits se remplit de nos dires et rend l’écho de nos murmures. Le silence même vibre. Un espace s’ouvre où surgit humblement la vérité de chacune, de chacun. Ensemble, nous alignons des fragments d’humanité. Sophie Pirson relie sans transition des anecdotes relatées dans la chaleur de l’intimité, où se tisse peu à peu avec simplicité une « amitié inattendue […] entre deux femmes fortes, marquées par la vie, mais pas captives ». L’autrice partage dans son récit les moments clés de sa vie et ceux de sa nouvelle amie, avec des arrêts et des digressions sur certains mots, certaines émotions, ainsi que leur écho en elle et en Fatima. Couvrez-les bien, il fait froid dehors… est un témoignage au style fluide qui met en valeur l’importance de la parole, la transmission de valeurs fortes et le pouvoir de la vulnérabilité. Les nombreux non-dits qui parsèment le texte offrent la possibilité au lecteur de les combler avec pudeur et de trouver un doux réconfort dans la beauté. Il y a cependant, entre ces lignes, des blessures secrètes, des espoirs déçus, des joies inavouables, des parts d’ombre, des amours et des désamours, des beautés indicibles, des colères tues, des drames inracontables présents au cœur de nos conversations et que nous décidons de taire. S’il reste des secrets, nous espérons qu’ils auront la force des rivières souterraines. Il y a des histoires derrière les histoires, et des silences qui ont le poids des mots. La préface rédigée par David Van Reybrouck, historien de la culture et écrivain belge d’expression néerlandaise, donne du relief au récit et dresse une passerelle entre deux fossés, affinant par la même occasion l’imperméabilité des parois qui les séparent. Une belle invitation à envisager la rencontre comme un moment de grâce… Séverine Radoux C’est à l’été 2018 que Sophie Pirson rencontre Fatima Ezzarhouni dans un groupe qui rassemble des proches de jeunes radicalisés, des personnes victimes ou proches de victimes des attentats et des intervenants de première ligne. Le 22 mars 2016, la fille de Sophie a été blessée dans l’attentat du métro Maelbeek. Le fils de Fatima est parti combattre en Syrie le 16 juin 2013. Ces deux mères que tout devrait opposer vont se parler, se découvrir, se construire ensemble une amitié et une intimité fortes, à partir de leurs déchirures et au-delà de l’horreur. Sophie Pirson peint d’une écriture sensible ce récit croisé où les deux voix se répondent en harmonie. Pour conclure son…
Que peuvent nous apprendre les prédictions de l' Almanach de Mathieu Laensbergh en matière d'éveil aux idées de Lumières, au XVIIIe siècle? Quel changement de mentalité à l'égard des pratiques magico-religieuses laissent entrevoir les commentaires du livret de pèlerinage à Saint-Hubert en Ardenne? C'est à de telles questions que tâchent de répondre les essais contenus dans le présent ouvrage, à partir d'une documentation associant littérature « populaire », journaux, catalogues de libraires, chansons, etc. La communication orale y trouve une place importante, notamment quand elle se fait dialectale. La diffusion de valeurs et d'interrogations communes s'opère aussi par le théâtre, où drames sérieux, vaudevilles et opéras-comiques — nous sommes au pays de Grétry — composent un véritable «paysage culturel» moyen. On verra ainsi comment le Laensbergh ou les mémoires rédigés à l'occasion de procès opposant des communautés rurales aux autorités manifestent le progrès du rationalisme critique, à travers un lexique où le bourgeois sensible côtoie l'aristocrate éclairé . De leur côté, les livrets de pèlerinage offrent une mutation du regard sur la «neuvaine» contre la rage, la protection sacrée cédant la place à la conception du contrat marchand et à l'hygiénisme. La réflexion sur l'«amélioration de l'espèce humaine», avec les questions de l'eugénisme, de l'alimentation des enfants et de la vaccination, entrent dans le débat qu'entretiennent le Journal encyclopédique et le Giornale enciclopedico di Liegi . Comment s'étonner de la vigueur avec laquelle les classes populaires verviétoises vont combattre l'ancien régime dans les années qui précèdent sa chute? Une figure d'exception domine intellectuellement et pratiquement l'événement : Nicolas Bassenge. La chanson «patriotique» donne la mesure de son charisme et de l'évolution que connaît celui-ci, quand se développera l'aspiration à une société pacifiée. Une même exigence de conciliation et de pragmatisme s'observe dans le traitement accordé au wallon sous un régime français moins jacobin qu'on ne l'a parfois dit. Y a-t-il continuité ou rupture entre le catalogue de la lecture à la fin du XVIIIe siècle et celui de l'époque romantique? Quelles nouveautés foncières se font jour, à côté d'une tradition persistante du livre «utile» visant désormais l'entrepreneur balzacien? Quelle réception pour un romantisme souvent jugé «dégoûtant»? Avec Georges Sand et les Vésuviennes de 1848, la revendication féministe fera irruption sur la scène locale, tandis qu'alterneront dans la chanson de conscrit complaintes de la fille-mère…
Promenade sur Marx : Du côté des héroïnes
Au lieu de suivre la piste de ceux qui font l’histoire, Valérie Lefebvre-Faucher propose avec Promenade sur Marx de faire attention à l’implication de ces femmes bien souvent en marge du cadre. Car si le chemin le plus connu est bien souvent le plus réducteur, faisons ce détour (bienvenu) pour comprendre l’histoire des écrits de Marx, que dis-je, des femmes Marx. Au lieu de suivre la piste de ceux qui font l’histoire, Valérie Lefebvre-Faucher propose avec Promenade sur Marx de faire attention à l’implication de ces femmes bien souvent en marge du cadre. Car si le chemin le plus connu est bien souvent le plus réducteur, faisons ce détour (bienvenu) pour comprendre l’histoire des écrits de Marx, que dis-je, des femmes Marx. Valérie Lefebvre-Faucher, titulaire d’une maîtrise en création littéraire et autrefois éditrice au Remue-ménage et chez Écosociété, a un goût pour les écrivaines. Dans un style clair et parsemé d’humour, l’auteure inscrit parfaitement son propos dans la collection micro r-m qui propose, à travers des courts textes, d’enrichir la réflexion politique et philosophique autour des enjeux du féminisme. Ce qu’aime Valérie Lefebvre-Faucher, c’est enquêter sur les liens qui unissent les écrivains, et tout particulièrement les écrivaines, et c’est bien là que se joue son projet d’écriture dans Promenade sur Marx . C’est une découverte qui l’obligera (pour son grand plaisir) à s'éloigner du sentier tout tracé de l’histoire, balisé depuis des années et tenant comme seul et unique chemin praticable. Avant de prendre l’autoroute des idées, il a d’abord fallu construire collectivement des chemins alternatifs, au grand dam de celles et ceux qui aiment les choses bien rangées. « Je suis toujours étonnée de croiser ceux qui ne marchent que sur les grands boulevards, qui ne lisent que les majuscules prétentieuses de l’histoire. Tout le monde sait pourtant que pour connaître une ville il faut en arpenter les ruelles. » Ce que Lefebvre-Faucher nous fait comprendre d’emblée est la toile de relations qui se cachent derrière chaque grand concept. Loin de l’idée romantique d’un génie créateur aux réflexions individuelles, Promenade sur Marx met en lumière ces femmes cachées dans l’ombre des statues élevées à la gloire de ces hommes-penseurs. Car, de l'œuvre de Karl Marx, qui connaît l’influence de Jenny Caroline et Laura Marx sur les idées de leur père ? Qui a pris connaissance des écrits d’Eleanor Marx ? Dans une pensée qui prône l’égalité, qu’en est-il de celle entre hommes et femmes ? « Rien n’est simple quand on cherche les femmes de l’histoire, car les bons filons finissent souvent en cul-de-sac. » Les deux filles aînées de la famille, Jenny Caroline et Laura Marx, autour de 1865. (photographe inconnu.e, Wikimedia Commons) C’est ici que le féminisme entre en piste, un féminisme matérialiste (lié à la pensée marxiste). Notre auteure s’étonne du peu d’informations disponibles à propos des femmes de la famille Marx, malgré leur implication : Jenny, la femme de Marx, professeure à l’université et auteure de critiques de théâtre, sera surtout la recherchiste, la transcriptrice, l’éditrice et la correctrice de son mari et de ses amis penseurs, tandis que Laura Marx traduira en français Le Manifeste du parti communiste . On retrouve aussi chez Eleanor Marx des réflexions sur le travail domestique et la condition féminine : comment militer pour l’égalité de toutes les femmes et de leur émancipation si le travail du foyer, qu’elles doivent endurer, doit alors être pris en charge par une domestique ? Dans ce court essai, Valérie Lefebvre-Faucher nous fait comprendre que, si la pensée des femmes n’a pas toujours eu la place pour éclore, c’est aussi par un manque de possibilités. Si votre vie est rythmée par les tâches du foyer et l’éducation de vos enfants, cela vous laisse moins de temps pour débattre d’émancipation sociale en fumant le cigare avec vos amis, n’est-ce pas ? Il est intéressant d’observer notre monde à travers cette réflexion, et on remarque ainsi que les personnes qui peuvent engager un changement sont aussi ceux et celles qui en ont les moyens : le temps, l’espace de pensée et l’aspect financier. Il en va de même pour ceux et celles qui façonnent leur pensée, par la lecture, comme vous et moi en ce moment-même. Alors, si vous trouvez le temps d'entamer une promenade parmi les idées, je vous invite à ne pas toujours suivre les sentiers balisés, et vous serez peut-être surpris de la diversité des pistes délaissé e s et oublié e s. « Chaque route bifurque vers une nouvelle vie, une œuvre de plus à découvrir. Il n’y a rien de surprenant : les humains pensent et créent ensemble. Écrire se fait à plusieurs. La philosophie est une forêt. » Avez-vous remarqué ce personnage en marge du cadre, dont on ne nous raconte pas l’histoire? Une enquêtrice décide de suivre la piste des femmes entrevues dans les portraits de Marx. Ses antennes féministes remuent en direction de l’héritage marxien: tant de gloire virile recouvrant une pensée d’égalité, c’est louche. Quel risque courons-nous si nous nous intéressons aux femmes qui étaient là? Une simple promenade qui, au final, chamboule tout. Vous qui possédez Le petit Karl comme un catalogue d’outils à dégainer dans toutes les situations, que savez-vous de l’œuvre d’Eleanor Marx? De l’influence de Jenny ou de Laura Marx? Camarades, quelqu’un vous a-t-il parlé d’elles pendant ces nombreuses années…