Edmond Vandercammen ou l'architecture du caché (essai d'analyse sémantique)

RÉSUMÉ

À propos du livre (texte de l’Avant-propos)

Edmond Vandercammen a publié 22 recueils poétiques entre 1924 et 1977, et une quinzaine d’études critiques; il traduisait depuis les années trente les poètes de langue espagnole; il entretenait des contacts personnels et épistolaires avec de nombreuses personnalités du monde culturel et littéraire, était membre de l’Académie…

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«Né à Ohain (Brabant) le 8 janvier 1901.

Enfance paysanne — sensibilité éveillée au contact de la nature.

La terre natale, si doucement ondulée, si admirablement humaine dans sa vocation nourricière, fut pour moi comme une invitation à participer à la pérennité d'un univers que la civilisation trépidante et artificielle d'aujourd'hui n'avait pas encore bouleversé. J'y suis resté attaché au point de me sentir en exil lorsque mon existence urbaine m'en tient éloigné depuis trop longtemps. De plus en plus, mes souvenirs d'enfance, même les plus simples, éveillent en moi les joies que me procurait cette sorte de communion.

Études à l'Ecole Normale à Nivelles.

Élève studieux, paraît-il, mais rêveur et préoccupé de poésie.

Instituteur à Ixelles à partir de 1920. Puis professeur de français à l'École professionnelle commerciale de la même commune. Au début de ma carrière d'enseignant, j'ai suivi, comme élève libre, des cours à l'Université de Bruxelles : pédagogie, psychologie, sociologie, anatomie, psychologie expérimentale…

É cette époque, j'ai suivi également les cours du soir à l'Académie des Beaux-Arts de Bruxelles et la peinture m'est devenue une passion aussi exaltante que l'exercice de la poésie. Je me trouvais tout entier soumis au besoin de créer.

Mes débuts poétiques remontent à mes années d'écolier. L'instituteur du village m'encourageait beaucoup. Mais mes vers étaient influencés à la fois par les romantiques rencontrés au hasard de mes lectures et aussi par Verhaeren. J'étais encore normalien lorsque j'ai publié mes premiers poèmes dans les revues.

Mes études ne m'avaient guère permis de connaître les nouvelles tendances de la poésie. Robert Goffin, mon aîné, qui habitait aussi le village d'Ohain, écrivait encore des poèmes influencés par Albert Samain, mais à la fin de la première guerre mondiale, il avait déjà lu bon nombre d'oeuvres modernes. Lorsque nous nous rencontrions, il me lisait avec enthousiasme des pages de Rimbaud, Apollinaire, Cendrars, Valéry, Supervielle et d'autres poètes qui m'étaient restés inconnus. Son exaltation me gagna et me fut extrêmement utile. Comme dans son cas, les influences de telles lectures se mélangèrent en moi, tandis que je cherchais ma voie.

Quelques années plus tard, c'était la fréquentation du groupe 7 Arts au sein duquel P. L. Flouquet, Pierre Bourgeois et son frère Victor, architecte, jouèrent un rôle primordial. Ce fut dans leur journal que j'écrivis mes premières chroniques de poésie. J'étais marqué par les mouvements modernistes. Vient ensuite l'aventure du Journal des Poètes, dont je fus, il y a trente-huit ans, l'un des fondateurs, pour en devenir un des collaborateurs les plus assidus. Parallèlement, j'ai collaboré à de nombreuses autres revues belges et étrangères, mais surtout à Marginales, dont l'animateur infatigable et généreux est mon vieil ami Albert Ayguesparse. Autre aventure, laquelle reste particulièrement vivante malgré ses 23 années d'existence.

J'ai publié mon premier livre de vers en 1924 : Hantises et désirs. Il avait pour sous-titre 25 poèmes d'aujourd'hui. Peut-être, ceci est-il significatif. Poésie d'images qu'on pourrait appeler cubistes, songes et anecdotes s'y trouvent mêlés. Tristesses, visions funèbres et cependant désirs d'élévation dans l'infini de l'Univers. Ces poèmes puisaient leur sève — bien jeune encore — dans le pathétique de l'époque ; ils étaient pour moi une sorte de libération après de nombreux exercices de prosodie régulière. Je me demande si telle libération n'était pas aussi morale que littéraire. J'ai renié ce livre et pourtant à le relire, j'y découvre encore quelques images qui annoncent une évolution, celle dont témoigne Innocence des solitudes (1931) par son accent sur-réaliste.

À propos du surréalisme, je voudrais souligner que cette école — en poésie comme en peinture — a laissé des traces à travers mon oeuvre, surtout dans Innocence des solitudes et dans les toiles que j'ai peintes entre les années 22 et 32 ou 33. Toutefois, je n'ai jamais admis totalement les données du fameux manifeste et je n'ai pas cru à la sincérité d'une écriture automatique malgré mon admiration pour un André Breton, par exemple, dont le style est trop beau, trop serré pour avoir été le résultat du seul subconscient. De surcroît, je pense que le surréalisme reste vivant à travers les ouvrages de nombreux poètes d'aujourd'hui; s'il a éclaté il y a pas mal d'années déjà, il conserve ses vertus d'invention verbale et il continue de nous écarter d'un langage stéréotypé. On peut pressentir un autre univers, différent de celui qui nous est tangible, sans, pour autant, se confiner dans un ésotérisme absolu et doctrinal. D'ailleurs, la magie poétique appartient à une tradition multiséculaire qui a toujours exprimé la volonté de « boire à la source » quoique étrangère à certaines ambitions prométhéennes. Le tout est de ne jamais perdre le sens de l'humain. Les véritables créateurs du «fantastique» ne cessent d'en témoigner. Il est bon de se souvenir de cette affirmation de Pierre Reverdy : "La valeur d'une oeuvre est en raison du contact poignant du poète avec sa destinée (Le Gant de crin). J'aimerais qu'on se rendît compte de cela à l'examen de mes livres venus après Innocence des solitudes."»

Ces notes autobiographiques inédites que nous reproduisons ici contiennent un des rares témoignages qu'Edmond Vandercammen a laissé sur lui-même, sur ses années de jeunesse et sur ses débuts littéraires. Car, malgré ses nombreux écrits, il reste, à nos yeux, un homme secret.

Et cela pour deux raisons : la première est qu'il efface de plus en plus soigneusement et intentionnellement le «je» personnel et individuel de son oeuvre en recourant à un certain nombre de substitutions (le poète, la main etc.). La deuxième est que tout élément subjectif, intime, lui semble incompatible avec la mission du poète et en sera ainsi écarté.

L'absence de ce que nous pourrions appeler le « narrateur lyrique » sera de plus en plus symptomatique pour la poétique d'E. Vandercammen et elle affectera le style, la forme, le con-tenu et même les critères de jugements exprimés dans son oeuvre. La conséquence la plus directe, la plus perceptible de cette mise entre parenthèses du sujet sera l'idéalisation de l'objet : l'impersonnel l'emportera sur l'homme concret, l'éternel sur le présent, l'amour responsable sur la passion. Ainsi, un renversement des perspectives se produit dans le rapport fondamental à la réalité : E. Vandercammen identifie sa vie à l'image de sa mission poétique. C'est pourquoi la vie de l'homme se conformera à l'image de la vie du poète et n'étant que secondaire, elle ne sera guère révélée.
Table des matières

Avant-propos

Edmond Vandercammen – la vie et l'œuvre

Analyse de la poétique d'Edmond Vandercammen
1. L'arbre
2. L'espace clos
3. La blessure
4. La main
L'Eros et l'Amour dans la poésie d'E. Vandercammen : l'analyse du mécanisme poétique
5. Trois éléments complémentaires : le désir, le sein, le corps
La mort dans la poésie d'Edmond Vandercammen : l'analyse du mécanisme sémantique
6. L'enfant
7. La mère, le père
8. Le poète
Le poète dans la poésie d'Edmond Vandercammen : l'analyse du message
9. Les éléments
Éléments de construction spéciaux
10. Éléments religieux
11. Les réalités

Conclusion

Bibliographie

Remerciements


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