Automne 2017 : déflagration #metoo. Comme chaque fois qu’un progrès arrive, le backlash le suit de près : des femmes revendiquent le droit d’être importunées, les raids de harcèlement masculiniste augmente sur internet, le décompte glaçant des féminicides rythme l’année…
L’image classique de la riposte est une réaction à chaud, empruntant les mêmes chemins rhétoriques que l’attaque. Mais cela peut heureusement être mille autres choses : le silence, l’autodérision, le détournement, l’écriture, la déclamation ou le refus de répondre… De tous temps, des femmes ont fait riposte – de façon individuelle ou collective, par l’action ou la création – et, ce faisant, ont posé une action politique.
Cet ouvrage dessine une poétique de la riposte en temps de backlash, puisant tant dans la théorie que dans les pratiques engageant la parole, la langue et le corps des femmes.
Nos ripostes sont plurielles : des mères chantent et jurent, récitent des poèmes ; des autrices publient des livres qui bouleversent l’ordre littéraire ; des militantes font des collages de rue et révèlent l’inceste ; des actrices se cassent, des travailleuses font grève ; partout, des femmes dansent, hurlent, légifèrent, s’entraînent, battent des records, se retirent du monde, font des alliances inédites, portent plainte…
Cet ouvrage retrace le récit d’une libération au crible du langage, des mots et des discours qui (re) construisent car la langue n’a plus peur du réel : elle le constitue et le modifie.
Autrice de La riposte : femmes, discours et violences
Laurence ROSIER, La riposte. Femmes, discours et violences, Payot & Rivages, 2025, 336 p., 22 € / ePub : 16,99 €, ISBN : 9782228937689Laurence Rosier est linguiste, professeure à l’ULB et spécialiste des violences verbales. Puisque sa pratique universitaire s’inscrit dans une perspective résolument féministe, elle revendique le caractère situé du point de vue qui porte ses travaux. Commissaire d’exposition, co-autrice et coordinatrice de nombreuses publications, elle est l’autrice du Petit traité de l’insulte (2006, réédité et augmenté en 2009), De l’insulte… aux femmes (2017), Cohabitante l’égale (2023) et, en ce début d’année 2025, La riposte. Femmes, discours et violences, qui…
Couvrez-les bien, il fait froid dehors… Conversations avec Fatima Ezzarhouni
Sophie Pirson nous donne à lire les fragments de ses nombreuses conversations avec Fatima Ezzarhouni, une femme rencontrée dans un programme de médiation. Rien n’est anodin dans l’espace de parole qui a permis une entrevue surprenante entre les deux femmes, l’une étant une Bruxelloise dont la fille a été blessée lors de l’attentat de Maelbeek, et l’autre, une Anversoise d’origine marocaine dont le fils radicalisé est parti en Syrie. Nous comprenons rapidement que les 2 protagonistes refusent de devenir ennemies. Cette évidence partagée ouvre la voie vers leur rencontre, à la découverte de leur part commune d’humanité, mais aussi de leur altérité. Elles auraient toutes les raisons de basculer dans la haine, la tristesse ou l’amertume, mais les larmes suscitées par leur récent séisme les poussent viscéralement à partir en quête de compassion réciproque. Nous créons un cercle où chacune et chacun peut avancer vers l’autre à pas feutrés. Au centre, le vide recueille nos souffles. Ce creux est un puits dans lequel on verse des mots, où s’entremêlent les noms des morts et des vivants. On parle aussi des absents, ceux qui vivent en nous, quand l’espoir d’un retour donne aux battements du cœur un rythme particulier. La parole peut être fragile, rude, rieuse, intime, douloureuse, indomptée ou pudique. Le puits se remplit de nos dires et rend l’écho de nos murmures. Le silence même vibre. Un espace s’ouvre où surgit humblement la vérité de chacune, de chacun. Ensemble, nous alignons des fragments d’humanité. Sophie Pirson relie sans transition des anecdotes relatées dans la chaleur de l’intimité, où se tisse peu à peu avec simplicité une « amitié inattendue […] entre deux femmes fortes, marquées par la vie, mais pas captives ». L’autrice partage dans son récit les moments clés de sa vie et ceux de sa nouvelle amie, avec des arrêts et des digressions sur certains mots, certaines émotions, ainsi que leur écho en elle et en Fatima. Couvrez-les bien, il fait froid dehors… est un témoignage au style fluide qui met en valeur l’importance de la parole, la transmission de valeurs fortes et le pouvoir de la vulnérabilité. Les nombreux non-dits qui parsèment le texte offrent la possibilité au lecteur de les combler avec pudeur et de trouver un doux réconfort dans la beauté. Il y a cependant, entre ces lignes, des blessures secrètes, des espoirs déçus, des joies inavouables, des parts d’ombre, des amours et des désamours, des beautés indicibles, des colères tues, des drames inracontables présents au cœur de nos conversations et que nous décidons de taire. S’il reste des secrets, nous espérons qu’ils auront la force des rivières souterraines. Il y a des histoires derrière les histoires, et des silences qui ont le poids des mots. La préface rédigée par David Van Reybrouck, historien de la culture et écrivain belge d’expression néerlandaise, donne du relief au récit et dresse une passerelle entre deux fossés, affinant par la même occasion l’imperméabilité des parois qui les séparent. Une belle invitation à envisager la rencontre comme un moment de grâce… Séverine Radoux C’est à l’été 2018 que Sophie Pirson rencontre Fatima Ezzarhouni dans un groupe qui rassemble des proches de jeunes radicalisés, des personnes victimes ou proches de victimes des attentats et des intervenants de première ligne. Le 22 mars 2016, la fille de Sophie a été blessée dans l’attentat du métro Maelbeek. Le fils de Fatima est parti combattre en Syrie le 16 juin 2013. Ces deux mères que tout devrait opposer vont se parler, se découvrir, se construire ensemble une amitié et une intimité fortes, à partir de leurs déchirures et au-delà de l’horreur. Sophie Pirson peint d’une écriture sensible ce récit croisé où les deux voix se répondent en harmonie. Pour conclure son…