La Lecture | Objectif plumes

La Lecture

À PROPOS DE L'AUTEUR
Jan Baetens

Auteur de La Lecture

Jan Baetens est peut-être le dernier poète flamand d’expression française. Né en 1957 à Sint-Niklaas, il est professeur à la KUL, où il est responsable du master en études culturelles. Il a écrit de nombreux ouvrages d’analyse et de critique littéraire. Ses travaux portent essentiellement sur les rapports entre texte et image, notamment dans les domaines du récit photographique et de la bande dessinée. Son livre «Hergé écrivain» (Flammarion, coll. Champs) est devenu un classique du genre. Il est également l’auteur de plusieurs volumes de poésie, dans lesquels il expérimente des voies originales.
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Le Carnet et les Instants

La liberté du lecteur a quelque chose de désarmant, justement parce qu’elle est illimitée, inconditionnelle. Partant de deux tableaux d’Henri Fantin-Latour ayant pour titres La Lecture et réalisés respectivement en 1870 et 1877, Jan Baetens poursuit, dans ce nouveau recueil, son questionnement sur les liens qui unissent, de manière parfois souterraine, le texte et l’image. On pourrait dire d’ailleurs que ces correspondances sont envisagées ici selon un triple dialogue puisqu’aux textes inspirés par les tableaux du peintre grenoblois né en 1836 viennent se greffer les photographies de Milan Chlumsky qui ouvrent et ferment le volume. Une construction tridimensionnelle cohérente et exigeante, comme toujours chez Baetens, et qui permet cet échange décuplé entre…

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Le livre du destin

Nouvelle curiosité de la collection « La petite pierre » aux éditions bruxelloises La pierre d’alun, Le livre du destin ou la divination par les cartes du Marquis de La Pierre d’Alun se veut aussi bien ludique et léger qu’ésotérique. L’ouvrage, en effet, ne camoufle pas ses intentions. Il a pour vocation de prédire l’avenir en s’appropriant le plus librement possible les règles de la divination.En ouverture, la préface du Livre du destin décrit les protagonistes d’un curieux jeu de rôle. Un jour, un Marquis n’en étant pas vraiment un, ancien coiffeur puis détenteur d’une galerie d’art, «  [à] l’heure du parfait rayonnement de son double destin, [éprouve] le besoin d’en prédire la trajectoire future  ». Le voilà donc qui commande à une collagiste un jeu de cartes divinatoires. Parce qu’il est nécessaire d’user sans détours du langage pour traduire les visions de l’avenir, une poète est à son tour enrôlée. Ces figures primitives renvoient, par l’intermédiaire d’un clin d’œil, aux êtres de chairs à qui revient la paternité du Livre du destin  : Jean Marchetti, directeur de la maison d’édition et commanditaire de l’ouvrage ; Émelyne Duval , collagiste ; Caroline Lamarche , poète, qui signe ici sa seconde contribution à la collection « La petite pierre ». L’une et l’autre, chacune dans le style qui lui est propre, s’associent parfaitement pour accueillir au mieux la contrainte qui leur est imposée. Poèmes et collages se font face et se répètent. Autrement dit, le poème traduit en mots ce que prédit le collage. Dans l’exercice, Caroline Lamarche brille par son apparente sobriété. Il n’est pas question d’envolées où l’inspiration guiderait la main de la poète. Son usage du verbe est aussi fin que parcimonieux.Une régularité de la forme rythme Le livre du destin et confère à ses prédictions l’aura de l’inéluctable. Chaque poème se compose de trois vers. Les deux premiers sont ancrés dans le présent tandis que le troisième vers dit l’avenir comme une conséquence de ce qui est déjà en train de se produire. L’ensemble du tercet renvoyant aux collages d’Émelyne Duval, ils contiennent dès lors eux aussi en leur sein le présent et l’avenir.   La puissance   Aux mouches technologiques, un destrier s’affronte. Son harnais d’or reflète des midis aveuglants Sa puissance rayonne, vous voilà plein d’allant. Il est intéressant et souvent amusant de découvrir comment Caroline Lamarche décrypte le travail d’Émelyne Duval. Se voulant une porte ouverte sur l’inconscient, celui-ci offre au lecteur-spectateur une liberté interprétative à laquelle il est bon de céder. Nait ainsi une confrontation inévitable entre le regard du lecteur et celui de la poète qui remet en perspective et qui nourrit sans les invalider les diverses impressions du lecteur.Le ludisme dont fait preuve l’ouvrage s’exprime jusque dans sa nature dès l’instant où, paradoxalement, Le «  livre  » du destin se révèle être un jeu de cartes. Inspirées du tarot et des symboliques de ses arcanes majeurs, les 25 cartes ont chacune pour titre un nom commun qui renvoie souvent aux grands jalons, aux grands concepts et aux grands états de l’existence (la beauté, la métamorphose, la loi, l’enfant, la naissance, la nuit…) Pour en prendre connaissance, il n’y a pas de règle : elles se lisent dans l’ordre ou se tirent au hasard.Le format de la collection « La petite pierre » compte pour beaucoup dans cette liberté de lecture. Ouvrage de petite taille, pas plus grand que la main, ses pages à l’épais grammage sont maintenues ensemble par une reliure à anneaux. Celle-ci permet tantôt d’opposer le poème au collage, faisant d’eux le recto et le verso d’une même carte, tantôt de les mirer de concert, le livre bien ouvert au bout des doigts, y reposant, exposé, comme sur un lutrin.Se dégage de l’ensemble un sentiment de luxe à consommer sans modération et d’une grande maîtrise, tant du point de vue du travail éditorial que du travail de création. Que vous soyez sceptiques ou amis de l’ésotérisme, tous les niveaux de lecture vous sont permis. La pratique de la divination ainsi renouvelée tire en effet le meilleur parti de l’association du texte et de l’image au bénéfice de…

N’être que ça

«  J’avais soudainement l’intime et profonde conviction de naître  ». Ainsi débute le nouveau livre d’…

Mon jardin des plantes : poèmes et photographies

Jan BAETENS  et Marie-Françoise PLISSART , Mon jardin des plantes : poèmes et photographies , Impressions nouvelles, 2024, 136 p., 18 € / ePub : 7,99 € , ISBN :978-2-39070-145-3 Jan Baetens (1957) est l’auteur de vingt recueils de poésie, dont récemment Après, depuis (2021, prix Maurice Carême de poésie 2023 ) et Tant et tant (2022). Styles et thèmes de ses livres varient mais leur point de départ est toujours le même : la vie quotidienne repensée par l’art et la littérature. Auteur de nombreuses études sur les rapports entre textes et images, dont Le roman-photo (avec Clémentine Mélois) ou Adaptation et bande dessinée : éloge de la fidélité , dans son essai Illustrer Proust , il présentait et discutait les réponses successives données depuis plus d’un siècle par les artistes et leurs éditeurs au désir et à la difficulté d’illustrer Proust. Il a publié le remix d’une collection privée de ciné-romans-photos, Une fille comme toi (2020) et un essai contre l’oralisation de la poésie : À voix haute. Poésie et lecture publique (2016). Marie-Françoise Plissart (1954) est l’une des figures majeures de la photographie belge. Comme Baetens, elle s’est intéressée très tôt aux rapports entre un texte et une image, réalisant avec Benoît Peeters le livre Correspondance (Yellow Now, 1981), début d’une bibliographie abondante. Photographe free-lance depuis 1987, elle a réalisé de nombreux travaux dans de multiples domaines tels que l’architecture, le théâtre, le portrait et l’illustration. Ses photographies ont été notamment exposées à Bruxelles, Liège, Paris, Genève, Amsterdam, La Haye, Rotterdam, Berlin et Vienne. Elle est aussi une vidéaste captivée par l’exploration du tissu urbain et par ses transformations. Texte et image entretiennent une relation complexe, souvent de dépendance, sauf dans le cas où sa polysémie et celle du poème se superposent en échos infiniment répercutés et ouverts , comme dans l’effet-miroir. Mon jardin des plantes : poèmes et photographies est une composition photo-textuelle à quatre mains avec pour thèmes l’eau et l’arbre et une approche des coïncidences des contraires, qui culmine dans le magnifique effet-miroir de la photo du Parc royal de Bruxelles (M.F.  Plissart, 2011). Ce concept de l’effet-miroir est présent dans toute l’anthropologie culturelle et symbolique : il nous met en présence d’une perception, d’une imagination ou d’une croyance en une surexistence par rapport au monde donné, qui n’est ni un irréel ni un délire. Une conscience d’un mode spécifique s’y fait jour, celui d’une apparition ou d’une épiphanie, sous forme de synchronicités, de dévoilements, de rencontres avec un au-delà du visible. Ce non visible ouvre sur l’expérience du sacré, en tant que celui-ci fait surgir dans notre sensibilité ou nos représentations un plan d’inaccessibilité ; on ne peut l’instrumentaliser, il est un inter-dit. Comment rendre compte de ces catégories si souvent associées, d’invisible, de secret et de sacré ? Comment permettent-elles de structurer et de comprendre une part d’ombre de notre expérience du monde et des autres ? L’art est une voie d’accès à cette sur-réalité : Johannes Vermeer, « Vue de Delft »Soustraire sans rien  perdre, pour la beauté du geste,         puis additionner en vue de la sainte multiplication, chaque chose à sa place, puis proliférant     jusqu’à occuper une autre place dans l’eau,qui l’amène à d’autres négoces et trafics encore.     Converti en brique et azur, le nombre d’or   Garde ses droits, unissant pour mieux régner. Le livre est composé de sept « chapitres » : les poèmes et les photographies offrent une relation de miroir, non d’illustration. L’eau a toujours été l’un des éléments les plus efficaces pour équilibrer le corps et l’âme : elle est le signe d’un éveil spirituel, permettant de lâcher prise. L’arbre est un symbole de vie et de verticalité incarnant le caractère cyclique de l’évolution cosmique. Tous deux offrent une dialectique entre permanence et métamorphose. Ainsi au fil des poèmes, le lecteur est invité à considérer le proche et le lointain, le connu et l’inconnu, le quotidien et l’indéfinissable, le simple et le complexe, motifs qui se déclinent aussi par miroitements en ceux du voyage, de la perte des repères, des relations inattendues entre topos et tempus, nature et culture, à la recherche de l’unité originelle :[…] Lentement le sens se dépouille des mots qui l’emportent, Elle dit que le jardin se fait son havre. […] Enfin la main qui crée l’objet qu’elle touche, Qui aide à défaire sans peur l’articulation du monde, À ne plus nous lamenter que les choses parlent à notre place. L’amour du trivial est figure…