Le nouveau livre d’Anne Rothschild relève d’un genre que, en notre époque de mondialisme instantané, on pouvait croire un peu oublié : le récit de voyage. Il relate le périple effectué dans le sud de la Chine en septembre 2018 par l’écrivaine-artiste et une amie, sans doute Sylvie Wuarin dont un beau dessin fait seuil au volume. On devine d’emblée le risque d’un tel projet, accru par l’ignorance de la langue locale et le recours à une interprète : « acclimater notre inconnaissance de l’Asie grâce à des langages connus » (R. Barthes, L’empire des signes). A. Rothschild y échappe-t-elle ? Un premier niveau du texte, le journal d’une touriste européenne, est nourri d’anecdotes, d’observations, d’échanges…
Parmi les pistons de la poésie, les pulsions priment. De mort comprises. En amont, elles se forment, se compriment en pépites dans le corps et de cette mine s’extrait un trésor de mots sélectionnés avec soin (sens, son, respiration) pour les exposer et transmettre… en aval, à bout de souffle, au moment de rejoindre l’océan, le néant.À l’origine du recueil Nous avons tant voyagé d’Anne Rothschild, ce qui en fonde la première partie, c’est l’histoire du peuple juif, la Shoah et toutes les guerres. Dans cette Histoire de l’humanité se fond la sienne, en minuscule quoique centrale comme pour chaque être humain. C’est le deuxième tiers du livre : l’enfance, le mariage, la naissance d’un enfant. En fin de parcours et de récit, troisième époque, ultime et testamentaire,…
En exergue du recueil d’Anne Rothschild, trois vers de l’Ecclésiaste (Quohelet, I, 6) évoquent l’irrémédiable mouvement circulaire du vent et, à l’instar du frontispice dessiné par la poète, annoncent une forme de vertige que les poèmes viendront nourrir. Le vent fou, seul témoin du naufrage qu’il survole sur les eaux bleues du désastre, donne le ton dès le premier texte. S’y inscrit d’emblée la référence aux textes dont Anne Rothschild s’est imprégnée pour construire le recueil comme l’histoire de Noé (Genèse VIII, 6-13), le Cantique des cantiques, Rutebeuf et Villon, des midrashim (exégèses bibliques) et le Coran.La poète inscrit dans ces sources d’inspiration, l’entrelacement des émotions que lui inspire la violence du monde mais aussi celle d’épisodes…