Au moment où reparaît, dans la collection patrimoniale Espace Nord, Gisella, le texte sensible et poignant que le poète a consacré à son épouse décédée, les éditions de l’Arbre à paroles ont la bonne idée de rééditer le premier recueil de Jean-Pierre Verheggen, publié en 1968 chez Henry Fagne. Augmenté de fac-simile des courriers reçus à l’époque en provenance d’auteurs ayant, en quelques sorte, adoubé le jeune poète, cette nouvelle édition célèbre les cinquante ans de ce texte qui marque l’entrée en littérature de Verheggen dans la cour des grands. Les signatures prestigieuses sont éloquentes et ont, sans nul doute, encouragé le poète en herbe à poursuivre dans cette voie burlesque et baroque comme le souligne l’éditeur Henri Parisot. Une voie…
Il serait facile de dire d’une maladie qu’elle est avant tout une absence de poésie dans le corps…
Derrière les paupières… l’immensité
Ambitieux sans prétention, aussi mégalomane que généreux, le recueil de CeeJay est volumineux. C’est celui d’un aveugle, Derrière les paupières , qui sait qu’il ne sait rien de l’immensité . Cependant, il la sent et l’aperçoit dans l’intime lumière de son âme. Il écrit sans relâche pour l’appeler à lui, la rejoindre.L’auteur s’adresse à elle non dans ses replis et interstices, mais dans son incommensurabilité. En un arbitraire abécédaire de l’extrêmement grand — terre, temps, espace, astral, pensée, rêve… —, ses poèmes nous disent, nous rappellent et provoquent le gigantisme qui coule dans nos veines depuis-pour toujours. Le poète illimite nos sens, notre être venu pour donner et notre existence avide d’air . J’aime n’être pas immortel cela donne accès à l’humanité l’être a besoin d’immensités qui le dépassent. CeeJay questionne donc ces thèmes totaux qui traversent, parfois transpercent, chacun au moment délicat de se construire une identité entre l’enfance et l’âge adulte. Si l’auteur de soixante-trois ans verse ainsi dans les bouillonnantes écumes de l’adolescence, faut-il rappeler qu’il est un régulier slameur, un adepte de poésie orale, urbaine, toujours prêt à déclamer dans les lieux de toutes natures et cultures ? CeeJay est parvenu à ne pas grandir pour emprunter la seule voix et voie qui soit : devenir libre. Et grandir lucide. Nous avons des ailes que nos racines retiennent quand la beauté pénètre le cœur. Ponctué de ses gravures chapitrant un dictionnaire amoureux de tout, absolument tout sur terre et au ciel, ses textes se lisent aisément, avec fluidité, comme un long récit ou un carnet de voyage sans fin ni destination. Il s’en extrait une réjouissance, beaucoup de paix, de la douceur tournée vers les étoiles.Pour cette fois, la poésie n’est pas une errance intérieure mais une flèche à la pointe enflammée vers l’infini et au-delà. Libre d’apesanteur, elle perce ce qu’elle illumine, brièvement, toujours plus profondément. Cette flèche est unique et connue de tous. De Cupidon. Telle une comète, une longue traîne la poursuit : l’histoire d’amour universelle dont Reste le souffffffffffffle éternel et fondateur dans le ventre des êtres pleinement vivant. Se souvenir que l’érosion est lente qu’il faut ciseler l’amour jusqu’à la perfection aimer pour…