Voici un livre à la fois ardu, son écriture porte les traces des cours et des travaux universitaires dont il est issu, et surtout précieux, son ampleur nous donne un bilan argumenté des théories et des pratiques économico-sociales contemporaines.Le titre, La fabrique de l’émancipation, conjoint de façon qui peut sembler étrange deux mots divergents : la matérialité du premier ne s’oppose-t-elle pas à l’idéalité du second ? Et l’action, au sens politique arendtien de la capacité d’initiative, de commencement, de « faire naître » une réforme, une institution, une libération, n’est-elle pas plus ajustée : si l’émancipation est possible n’est-ce pas dans l’action, plurielle et responsable ?Cette…
Cette soif inassouvie d’une vie à changer : De la "Grève du siècle" à l'Estro armonico
Récemment, ici-même, nous avons eu l’opportunité de chroniquer Personne et les autres , un essai récent à propos d’André Frankin et de l’Internationale Situationniste où Guy Debord, Raoul Vaneigem et tant d’autres tentaient, en relation avec la Revue et le Mouvement Socialisme et Barbarie (de 1947 à 1965), de défaire toute légitimité au totalitarisme et au communisme en particulier. Frédéric Thomas (co-auteur, avec François Coadou, de Personne et les autres ) poursuit son analyse de ce temps qui se voulait révolutionnaire et qui, dans l’écart de plus d’un demi-siècle, formule les perspectives des utopies, des actions et des échecs historiques de ce mouvement radical. Frédéric Thomas nous livre ici un témoignage vif et roboratif.Pour qui souhaite comprendre cette étape essentielle dans l’histoire du Mouvement ouvrier que fut la Grande grève de l’hiver 60-61 en Belgique (Contré entre autres, la Loi unique), ce livre est un jalon précieux. On parla alors de la Grève du siècle et du « projet » de constituer le P.O.B. (Pouvoir ouvrier belge).C’était aussi le temps de l’émancipation du Congo belge et de son Indépendance, le temps des guerres coloniales, des grèves régulières dans les appareils de production et Frédéric Thomas éclaire et pose, avec une belle conscience de l’utopie et de la perte, ce que fut cette période pour ces militants au croisement de l’Internationale Situationniste et de Socialisme ou Barbarie.La question de l’insoumission des masses au pouvoir apparaît aujourd’hui comme une posture difficile à tenir… Les paramètres historiques, la mondialisation, la Chute du Mur, les circonstances géopolitiques ont changé et Cette soif inassouvie d’une vie à changer vient mettre d’une certaine façon l’éclairage – et avec quelle acuité – sur cette transition des deuils.Les mois qui suivent la «Grève du siècle» de l’hiver 1960-1961 seront ceux de bouleversements importants dans l’histoire politique et sociale de la Belgique.Dans cette constellation politique, philosophique mais aussi artistique, un café apparaît comme l’ « auberge espagnole de la Révolution », L’Estro armonico .Dans un long et passionnant entretien avec Frédéric Thomas, Clairette Schock , cofondatrice de ce café-club privé situé à Forest, développe avec émotion et précision ce que fut ce lieu où se croisèrent Guy Debord et Raoul Vaneigem, Louis Scutenaire ou Jacques Richez, Jo Dekmine ou Francis Blanche… Par ailleurs, Raoul Vaneigem livre une postface étonnante et amicale et l’ouvrage se clôture sur un truculent pamphlet, signé Robert Dehoux/Clairette Schock.Quand le surréalisme donne la main, c’est la Belgique que l’on retrouve en filigrane…Il serait stérile de ne voir en cette époque qu’une suite d’utopies et de voies de garage de ce que l’on nomme le « réformisme », tant les idées développées alors se retrouvent, dans une autre langage et sous les formes de nos temps numériques et bientôt d’I.A. (Intelligence artificielle), dans les mouvementa de tous ordres en résistance et réplique aux fracas sociaux et éthiques du Global Monde. Daniel Simon Qui connaît le P.O.B ? Non, pas le Parti ouvrier belge, ancêtre du Parti socialiste, créé en 1885. Mais : le POUVOIR ouvrier belge, en 1961. Qui connaît l’Estro armonico ? Non, pas les suites de concertos de Vivaldi. Mais : un bistrot un peu fou et révolutionnaire dans un quartier huppé de Bruxelles, en 1961. Fréquenté par Debord, Vaneigem, les surréalistes et la faune artistique de ces années-là. 1960 : la Belgique perd sa royale colonie et son prestige pâlit. Hiver 60-61 : cinq semaines de grève insurrectionnelle agitent le pays. La grève,…
Le mouvement romantique en Belgique (1815-1850). II Vers un romantisme national
À propos du livre Nonum prematur in annum L'exigeant précepte d'Horace a trouvé, cette fois, sa rigueur dépassée, puisque c'est de 1948 qu'est daté le premier tome du présent ouvrage. Bien malgré nous, il est vrai : des occupations professorales absorbantes, la maladie ensuite, puis de cruelles épreuves familiales ont, trop longtemps sans doute, retardé la rédaction, la mise au point et l'achèvement de ce tome II et dernier. On s'en excuse. Après un tel délai, peut-être n'est-il pas inutile de rappeler à cette place le dessein qui n'a pas cessé d'être le nôtre. C'est de poursuivre, dans le milieu belge, entre 1815 et 1850, une enquête attentive sur l'évolution des idées, des tendances et des réputations littéraires. La suivant à la trace, nous avons cherché à en préciser la marche dans les esprits et dans les écrits de ce temps. Revues et journaux, préfaces et critiques nous ont fourni l'essentiel de notre documentation. Nous avons tenu le plus grand compte des influences étrangères, et singulièrement de celle du romantisme français, dont la contrefaçon multiplie alors les oeuvres parmi nous. Et nous n'avons pas négligé de mesurer, quand il y avait lieu, les répercussions des événements politiques ou sociaux sur le devenir, en nos provinces, de la «chose littéraire». Notre propos a donc été, dans l'essentiel, l'étude d'un mouvement d'idées. On aurait tort de chercher ici un relevé complet des auteurs belges de l'époque romantique et un catalogue de leurs ouvrages. Nous avons, pour notre modeste part, essayé de tracer un tableau abrégé de cette époque de notre passé littéraire dans quelques chapitres de la grande Histoire illustrée des lettres françaises de Belgique, dont nous avons naguère dirigé la publication avec notre savant confrère et collègue, M. Joseph Hanse. On nous permettra d'y renvoyer. Ici, la production nationale nous intéresse avant tout dans la mesure où elle rend témoignage de la marche des idées littéraires ou en illustre le cheminement. Volontairement réduites au minimum, nos indications bibliographiques sont, strictement, celles des textes qui ont fourni nos citations ou autorisé nos conclusions. En d'autres termes, notre dessein a été ici, avant tout d'apporter une contribution valable à l'histoire des idées, er souhaitant qu'elle puisse servir à illustrer un jour ce que notre regretté maître Fernand Baldensperger appelait «une sorte de philosophie de la vie et du mouvement en littérature». Nous ne nous flattons pas d'y avoir réussi. Du moins espérons nous qu'on pourra trouver aux pages du présent tome, comme à celles du précédent, des citations nouvelles ou peu connue: et des témoignages inédits,…