C’est le roman du fleuve, de l’Escaut-roi, du mariage, toujours à préserver, des eaux avec les terres qu’elles irriguent et qu’elles minent. C’est le roman d’une femme attachée au fil des saisons, à la surveillance des digues, au combat d’amour avec l’eau. Mais il arrive que les digues cèdent, que le désir soit plus fort. Alors il faudra que la Comtesse des digues choisisse et qu’elle trouve entre l’homme qu’elle va épouser et le fleuve une nouvelle harmonie.
Première édition
Éditeur : Victor Attinger
Date : 1931
Format : Livre
Éditeur : Durendal
Date : 1950
Format : Livre
Éditeur : Vromant
Date : 1955
Format : Livre
Éditeur : Actes Sud
Date : 1989
Format : Livre
Éditeur : Labor
Date : 2002
Format : Livre
Éditeur : Labor
Date : 1983
Format : Livre
Autrice de La comtesse des digues
Là où tout le réel est poésie, écrivait Jacques Sojcher dans sa préface à une précédente édition de La comtesse des digues, premier roman de Marie Gevers (1883-1975). En effet, l’œuvre de celle qui reçut une éducation mi-flamande mi-francophone et vécut de manière quasi exclusive dans le domaine familial de Missembourg où une scolarité originale lui fut dispensée notamment via la lecture du Télémaque de Fénelon et une connaissance approfondie de la Nature, repose sur un ensemble de dynamiques structurantes qui sont généralement celles du discours poétique. La littérature classique et le grand livre du jardin domanial remplacèrent donc avantageusement l’école, faisant de la petite fille un être mi-rustique…
Avec La comtesse des digues (1931), Marie Gevers (1883-1975) brode un éveil amoureux ludique qui, d’un contemplatif fil, unit ligne et cercle, en ce qu’il suit une intrigue annoncée tout en célébrant ce qui revient et reviendra toujours.
Dans ce premier roman vivifiant ancré dans la campagne flamande qui a vu grandir Marie Gevers, l’autrice francophone déploie un fleuve, l’Escaut, et ses nombreux aménagements. Autour de lui, des villageois aux esprits souvent étriqués et une jeune fille attachante, Suzanne, fille du Comte des digues et potentielle future candidate à ce titre, qui ne sait quel destin embrasser, convaincue toutefois de son plein amour fluvial.
Nathan. Roman pornographique et misogyne pour jeune fille
« Alors j’ai cogné ; de toutes mes forces. Du bout de ma chaussure, j’ai déplacé sa tête pour voir son visage et le sang ». C’est l’incipit du premier chapitre de Nathan qui ne compte que sept lignes… Ce meurtre obscur, sans doute accidentel et dont on ne saura rien de plus sinon qu’il est considéré comme raciste, Nathan se l’impute sans aucune certitude à ce propos. Question ironique à se poser : n’est-ce pas somme toute accessoire en regard de son style de vie d’une rare incorrection? Celui d’un jouisseur, sexiste et désinvolte, figure centrale de cet opus effrontément sous-titré « roman pornographique et misogyne pour jeune fille ». Normal quand on s’avise que l’auteur n’est autre que Xavier Löwenthal, véritable couteau suisse de la subversion créative : auteur, dessinateur, enseignant, théoricien de la BD, fondateur des éditions « La cinquième couche » et féru de détournements (dont ceux, notamment du Maus de Spiegelman ou des Schtroumpfs). Haut fonctionnaire dans une institution internationale – apparemment établie à Bruxelles – Nathan y anime une « commission préparatoire » sur la répression du harcèlement ( mobbing ). Déviance dont il est lui-même accusé suite à la plainte un rien vicieuse déposée par Hermine, sa supérieure directe affectée au service juridique et dépitée par le manque d’attentions que lui porte ce séducteur patenté. À vrai dire il prend cette plainte par-dessus la jambe, autant que les affrontements et les théories exprimées dans le cadre de sa mission comme d’ailleurs la plupart des généralités, des slogans lapidaires et des contraintes promulguées dans le monde d’aujourd’hui, gravement shizophrénique selon le diagnostic de Löwenthal lui-même. Lequel use benoîtement d’une arme imparable : l’art de pousser ces soubresauts jusqu’au bout de leur prétendue légitimité et de leur faire dégorger leurs apories ou leurs absurdités, que ce soit dans un contexte d’angélisme ou de persécution. En cause notamment le nœud gordien constitué par le redoutable trio : liberté, responsabilité, culpabilité. Avec, pour décor, le combat traditionnel et truqué entre le bien et le mal, en fait aussi imbriqués l’un dans l’autre que les deux têtards figurant le yin et le yang. Problématique qui nourrira entre autres un savoureux dialogue dopé au calva entre Nathan et son vieil ami curé, sorte de quiétiste assez joyeusement inquiet. Cela dit, c’est à la façon géniale et presque enfantine d’Alexandre que Nathan semble avoir résolu le problème du nud. Proche sommes toutes du principe de Schopenhauer selon lequel il ne s’agit pas de se guérir des souffrances de la vie, mais bien de se guérir de la vie en tant que souffrance. Et il s’en donne, le bougre !Pornographe ? Séducteur en tout cas (le contraire exactement du harceleur, animé lui par le dépit d’échouer à séduire), ce qui chez Nathan ressemble davantage à une faculté d’accueil au plaisir (reçu et donné) qu’à une conquête de cosaque. Et si la pornographie n’est en somme que de l’érotisme qui se raconte, alors c’est bien de pornographie qu’il s’agit. Cela dit, Löwenthal y va de bon cœur pour décrire les parties de jambes en l’air de son personnage avec une technicité quasi tutorielle.Cynique ? Nathan l’est assurément, mais à la façon des anciens philosophes grecs, ces « moralistes » dont Onfray notamment a rappelé « qu’en singeant la bêtise humaine, en dénonçant l’hypocrisie et le mensonge, en se riant du pouvoir établi, en démystifiant les idéaux grégaires, ils se sont faits les champions d’une éthique exigeante dont les ‘moralistes’ d’aujourd’hui pourraient utilement s’inspirer »Mysogine ? Trop allergique en tout cas aux généralités et aux classifications pour assumer ce que l’auteur professe par dérision dans le sous titre du roman, mais aussi à certaines hypocrisies signifiantes comme dans cet épisode – parfaitement rigolo – où, entre deux bruyantes extases, une de ses supérieures, chargée de le contrôler après sa condamnation pour harcèlement (en cause : la fausse plainte d’Hermine), exige de lui les débordements les plus audacieux sous prétexte de mieux démontrer l’ampleur de sa turpitude.Imposteur ? La parole à l’auteur, déclinée au fil du roman: « Nathan est le contraire exactement de l’imposteur. Il en a simplement toutes les apparences. Le véritable imposteur, lui, n’en a jamais l’air, n’a pas d’apparence fixe, sait avoir l’air de tout ce qu’on veut, moins l’imposture : il feint le sérieux et le drame, répond parfaitement à tous les désirs, s’adapte et s’identifie à leur objet, au moins formellement. Il conserve donc, envers et contre tout, des apparences convenables. Vides mais convenables ». Du reste, pour Nathan « Être considéré comme un imposteur ne le dérangeait pas et, s’il avait porté quelque intérêt à son égo, il aurait même pu en concevoir une forme de fierté ».Roman provocant ? Sans aucun doute, ce qui en fait, comme toute provocation, un cadeau idéal pour favoriser la réflexion personnelle (en l’occurrence sur l’absurdité ambiante et largement partagée de notre monde contemporain). Avec en sus le plaisir de déguster une écriture inventive et un récit madré où, tels des culs-de-lampe littéraires, alternent çà et là, à l’enseigne des « deux étendards », les « cercles d’or » diffusés par les cloches de la cathédrale et un malin diable qui se tord de rire dans un coin, comme sur un chapiteau roman. Ghislain…