Ici un paysage


RÉSUMÉ

« Si c’était un film, il serait truffé de longs plans fixes parfois un long travelling ou un plan rapproché sur un détail (son sac, une mèche de cheveux, sa main sur le changement de vitesse, la valise éventrée sur le lit, les frondaisons des arbres à travers les baies vitrées) pas de voix off, surtout pas. Beaucoup de silence, les bruits de la maison, de la rivière, les rires des enfants, des touristes, le ronronnement saccadé d’une bétaillère passant sur le pont, les cloches de l’église, un volet qui claque, la rumeur du marché, de la brocante, des badauds commentant la procession. » Aliénor Debrocq signe ici un objet littéraire rare, sensoriel, qui lorgne du côté de Rohmer et de Michon mais avec un regard, des préoccupations une approche qui n’appartiennent qu’à elle. Ici un paysage est un livre qui se traverse. Dès la première phrase, nous sommes dépaysés, sortis de nos habitudes de lecture : « Il y aurait la voiture de location. » Tout vient de là, de ce conditionnel qui dit si bien ce qu’est la littérature : une étude des possibles, une étude du passé et des silences plantés aux quatre coins du monde afin de le comprendre mieux. Ainsi pourrait se résumer le programme de l’héroïne, débarqué dans la Creuse dans sa Fiat de location pour sonder la mémoire des sites industriels et, espère-t-elle, en percer l’un ou l’autre secret. Il est là, le tour de force de cet opus : mêler dans un même souffle poésie et enquête sociologique, souci d’exactitude et voyage au-delà des apparences comme si, à écouter le paysage, commençait la vraie aventure, celle de tous les possibles et des apparitions les plus étranges, telle la vulve-champignon d’une dénommée madame Michaud.


À PROPOS DE L'AUTRICE
Aliénor Debrocq
Autrice de Ici un paysage
Aliénor Debrocq est autrice, journaliste, professeure de littérature et maman dragon de deux petites filles. Elle écrit depuis toujours. Depuis qu’elle sait écrire. Si elle avait encore des tiroirs, ils seraient remplis de manuscrits. Mais aujourd’hui, ils sont dans le cloud. Deux recueils de ses nouvelles ont été publiés aux éditions Quadrature (Cruise control et À voie basse, Prix Franz de Wever 2018). Son premier roman, Le tiers sauvage, publié chez Luce Wilquin, a été nommé au prix Première et au prix Club 2019. Cent jours sans Lily (Onlit) est finaliste du prix Rossel 2020. Lauréate d’une bourse de la Fédération Wallonie-Bruxelles - Bourse de création 2020


NOS EXPERTS EN PARLENT...
Le Carnet et les Instants

Elle a quitté Paris pour les bassins houillers de la Creuse, happée par un devoir de mémoire. Elle a délaissé son dix-huitième arrondissement pour préserver l’Histoire, recenser, sauver, sortir de l’ombre le passé commun de Lavaveix-les-Mines, « une ouverture vers un monde de silence et paix, loin des tentations et des perversions urbaines ». De sa Fiat 500 de location, son point de fuite se précisera : « Lavaveix : son improbable Musée du Chat aux portes closes, sa grand-rue passante, son Proxi à la devanture défraîchie, son ancienne école transformée en salle d’exposition et, surtout, ses pompes à essence abandonnées, vestiges d’une Route 66 locale – la départementale 942, qui mènerait de Felletin à Guéret. ». Elle arpente les intrigues…


AVIS D'UTILISATEURS

FIRST:paysage route - "Ici un paysage"
stdClass Object ( [audiences] => [domains] => Array ( [0] => 9548 ) )

Ceci pourrait également vous intéresser...

Le maître du Mont Xin

Gérard Adam est un ogre en matière littéraire, il ne cesse d’éditer dans sa maison MEO,…

Chambre avec vue

N’avez-vous jamais été totalement subjugué.e, emporté.e par un paysage…

Le souffle du temps, Histoire peu ordinaire d’une famille belge aux origines allemandes, 1830-2000

Le récit s’ouvre sur un paysage d’été en Angleterre. Albert Brauner marche d’un bon pas vers Manchester. Il va y retrouver Germaine, sa femme, dont il a été séparé pendant les quatre années de la Grande Guerre. Au terme de ce court prologue, Albert s’effondre, frappé en plein front d’une balle. «  À une centaine de mètres, un homme agenouillé dans les hautes herbes se lève, range son fusil dans son étui et s’en va sans jeter un regard vers l’homme abattu  ».Le récit s’achèvera sans qu’ait été résolue l’énigme de cette exécution d’un homme qui sera enterré avec les honneurs réservés aux combattants de l’armée anglaise. Stéphanie ter Meeren, issue par sa lignée paternelle des Brauner, a voulu explorer cette généalogie hors du commun issue du « patriarche », Thomas Brauner. Né Français, en 1814 – la Belgique n’existait pas -, il deviendra en 1844 l’un des organisateurs de l’enseignement primaire dans le pays qui est créé en 1830. La Belgique, en 1843 venait de voter la loi organique organisant l’enseignement primaire et devait se doter d’un  réseau d’écoles normales en Flandre et en Wallonie.Pour mener à bien son exploration familiale, Stéphanie ter Meeren imagine le personnage d’une étudiante qui organise à sa demande les archives d’un vieil homme, Étienne Brauner,  le fils du soldat assassiné sur le chemin de Manchester, le petit-fils du patriarche Thomas Brauner.À travers lettres, archives manuscrites, carnets et documents officiels, la narratrice reconstitue les destins singuliers de personnages inscrits dans l’Histoire, la grande. Ainsi le lecteur participe-t-il à l’exode qui jeta sur les routes belges et françaises des milliers de civils effrayés. Les Brauner se réfugient dans leur domaine de Vossebeek , un château acquis par Auguste, la grand-père d’Etienne, où les rois Léopold II et Albert Ier aimaient à participer à des parties de chasse. Des amis y séjournent souvent, comme les époux Derbeid dont Gustave s’est rendu célèbre par ses travaux sur la tuberculose et qui, comme de nombreux médecins, a rejoint le front. On lit l’émotion qui étreint au quotidien les mères et les femmes des jeunes gens qui se sont portés volontaires. On vit ce que représente l’occupation par l’armée allemande de la plus grande partie du territoire belge. Les détails sont éloquents à cet égard : comment se déplacer vers Bruxelles, quelles informations reçoit-on et comment, que racontent les soldats en permission lorsqu’ils reviennent au château transformé en hôpital : l’incendie de Louvain, les apprentissages sommaires de pilotage d’avions, les blessés, les mutilés…Petit à petit, le dialogue se noue entre l’étudiante et le vieillard tandis que le lecteur se nourrit d’anecdotes tombées dans l’oubli, dont les plus intéressantes sont celles liées au patriarche. Ainsi ces expositions scolaires que le public londonien couvrait de louanges au Crystal Palace ou la création de la revue L’Abeille , la première revue de pédagogie en Belgique…Le récit de Stéphanie ter Meeren, couvrant un siècle et demi d’Histoire, ne peut être ici synthétisé. Il se disperse parfois mais ne cesse jamais de piquer la curiosité et l’étonnement du lecteur. Ce dernier ne saura pas les vraies raisons de l’exécution d’Albert Brauner, assassiné d’une balle dans la tête alors que la guerre à laquelle il avait participé en héros, s’achevait enfin. Peut-être y a-t-il dans ce personnage-là la matière à un vrai roman ? Un roman d’espionnage qui…