"Héritiers et orphelins"


RÉSUMÉ

Une évocation de la vie littéraire àLiège autour du Cirque Divers.

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Le laboratoire linguistique de Jean-Pierre Monfrançais

«Le sujet est celui qui se présente, mais il y a une foule qui s’agite derrière lui.» Vinciane Despret, Autobiographie d’un poulpe «Appartenir à deux mondes en même temps et savoir voyager de l’un à l’autre, sans écorner sa fidélité à l’un au profit de l’autre. » Alice Rivières, Anouck - portrait dingdingdong #1   Au commencement était la tarte au riz. La dorée. Spécialité pâtissière issue des campagnes liégeoises, à l’origine du mot «dorêye» – qui a fini par désigner en wallon, de manière générique, toutes les tartes. C’est dire son impact sur les imaginaires. Vinciane et moi, on vient de cette région et de cette langue. Rien d’étonnant donc que les première notes pour l’Autobiographie d’un poulpe aient été prises au vol, à l’heure du gouter, sur le carton à bords dentelés d’une tarte au riz, moëlleuse et coulante, dont on venait de partager en quatre le dernier morceau! En quatre, puisqu’il y avait aussi avec nous à la table du jardin Isabelle et Émilie ; et puis deux bouteilles de cava et le confinement – qui rendaient notre sabbat aussi bruyant que clandestin. J’eus donc l’incroyable privilège d’assister, depuis ces coulisses ensoleillées, à la mise en narration d’une idée. Et à la résolution collective d’une énigme. Pourquoi les poulpes se sont-ils mis à écrire? Et c’est ainsi que, sous la plume de Vinciane, je suis devenue Christina Ventin. Thérolinguiste. Jean-Pierre Monfrançais, soucieux d’accueillir dans son laboratoire toutes celles et ceux qui, soudain, ouvrent des brèches dans des manières de dire que l’on croyait immuables, a demandé à Christina Ventin de lui parler de la langue sym, qui – parait-il – remet le sujet à sa place, car rappelons-le, la Syntaxe est politique, en plus d’être art et philosophie. * La thérolinguistique est l’étude des langues et des littératures non-humaines. Sauvages, si l’on se réfère à la racine grecque thêros. L’invention de la thérolinguistique était bien sûr au départ motivée par la volonté d’en finir avec le privilège humain «en faisant du langage et de l’art – comme l’écrit Fleur Courtois-L’heureux dans ces Audaces tentaculaires – non plus des facultés discriminatives entre humains, presqu’humains et non-humains mais des puissances communes capables de s’enrichir mutuellement». Les penseuses intersectionnelles de l’écoféminisme décolonial ont largement critiqué l’usage du terme «sauvage». Lorsque nous avons forgé le mot qui allait désigner notre discipline, nous n’étions pas conscientes de tout ce que cette appellation contenait, au mieux de romantique, au pire de négationniste. Thêros, selon ces militantes, c’est la réhabilitation posthume d’un territoire colonisé jusqu’à la destruction parce que, précisément, il était dit «sauvage», et par conséquent disponible à la conquête et à l’exploitation. Elles dénoncent le mouvement par lequel, récupérant le thêros à ses propres fins, le capitalisme désormais cherche dans les dernières traces de ce qu’il a détruit la résilience qui lui fait défaut. Pour le dire clairement: l’impérialisme blanc occidental espère trouver les outils de son propre salut dans tout ce qui n’est pas encore totalement lui.   Elle a d’abord répondu à une nécessité d’espoir et de modestie, sans laquelle nous serions restées pétrifiées face à la grandeur du désastre et de notre impuissance ; nécessité donc, pour quelques âmes en résistance, d’élaborer sur les ruines conjointes de la science et de la philosophie issues des Lumières une épistémologie lierre – du latin hedera: être attaché. Il s’agissait, avant que la discipline n’entre dans les universités et ne se retrouve soumise à des exigences de rentabilité au service proprement «dé-naturant» du pouvoir, de travailler à faire d’une aliénation commune, un destin commun de soin et de survivance. Nous savons bien qu’il n’y a plus, à l’ère du capitalocène, aucun refuge ; aucun être, animal ni végétal, à aucun endroit du monde, n’est en mesure de mener sa vie sans avoir maille à partir avec la gestion globale du vivant. C’est dire que le thêros doit trouver son douzième chameau! Maille à partir = la maille était au Moyen-âge la plus petite pièce de monnaie en circulation. Partir (comme dans «répartir») signifiait partager. La maille étant donc par définition impossible à partager. D’où la signification de conflit attachée à l’expression.   Je rappelle ici la parabole. Trois filles héritent à la mort de leur mère de onze chamelles. Le testament est clair: la cadette en aura le 6ème, l’aînée en recevra la moitié et le quart reviendra à la seconde. Ne sachant comment résoudre le problème de cet héritage, les sœurs finissent par s’adresser au vieux patriarche à qui, depuis bien longtemps, plus personne ne demande son avis – je ne sais pas comment vous devez faire, leur répond-il, mais j’ai ici un vieux chameau dont je ne me sers plus et si ça peut vous aider, je vous le donne. Grâce au vieux chameau patriarcal, la fraction peut être appliquée et l’héritage répondre au souhait saugrenu de la mère. La cadette reçoit deux chamelles, l’aînée six, et la seconde trois. Total: onze. Elles peuvent alors rendre son vieux chameau au vieux partiarche. C’est de cette manière que nous devons faire et penser. * L’expérience dont je voudrais vous parler alors est strictement confidentielle. Elle a commencé dans la baie de Naples, au sein de la communauté des Ulysse dont les enfants sym sont attachés au destin des poulpes. À l’origine, la mission était officielle – subventionnée et documentée. Désormais, nous travaillons dans la clandestinité. Et c’est dans l’ombre, comme il se doit, que notre lierre prospère. À l’origine, donc, ces éclats de poterie recouverts d’une écriture mystérieuse qui se révèle bientôt être l’œuvre d’un poulpe qui a manifestement trouvé pour son encre un usage inédit. J’en confie la traduction à Sarah Buono, la plus étrange de mes étudiantes, devenue bientôt une amie, et chez qui j’ai toujours senti la tension d’un dilemme: celui que connaissent bien les transfuges de classe. Entre l’aspiration à «rejoindre la procession des hommes cultivés» et la honte de trahir, elle était toute désignée pour explorer la voie moyenne. Dans Trois Guinées, Virginia Woolf met en garde les femmes qui seraient tentées de suivre, dans les universités, les académies et autres institutions, «cette procession d’hommes chargés d’honneur et de responsablilités». Isabelle Stengers et Vinciane Despret, qui ont en dépit de l’avertissement rejoint cette procession, s’interrogent sur ce que permet leur infidélité dans Les Faiseuses d’histoires – ce que les femmes font à la pensée, La Découverte, Paris, 2011.   Aussi n’ai-je eu aucune surprise lorsque, sortant du cadre étroit de sa recherche, elle a formulé le désir, déguisé en rigueur scientifique, de quitter son laboratoire pour aller rejoindre la communauté sym des Ulysse à Naples, dont elle ne reviendra pas. Sym = avec, comme dans sympathie: souffrir avec, ou symbiose: vivre avec, ou symptome: ce qui survient avec, ou symphonie: ce qui fait musique avec. Les symenfants de la communauté des Ulysse partagent tout cela avec les poulpes. Et bien davantage, ils travaillent à devenir, perméables et fragiles (c’est-à-dire accueillants), un territoire propice à la contagion. Ou, si l’on préfère, une zone à occuper – la zone temporaire d’occupation que requiert d’urgence le devenir des poulpes. Car le texte que nous avions d’abord lu comme un geste poétique a fini par livrer ses secrets. C’était à la fois un appel au secours et une tentative de se porter secours à soi-même. On le savait, les poulpes naissent orphelins – la mère meurt au moment de l’éclosion de ses œufs.  Ce sont par ailleurs des êtres solitaires, dont la vie est courte en regard de leur incroya…

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