Gris lumière, ce titre fait écho au « temps gris clair » aimé de Cézanne, où se révèle pleinement ce gris, qui, dit-il, « seul règne dans la nature », et qui, selon Baudelaire déjà, « résume en lui toutes les couleurs ». Intitulé Journal, le texte qui ouvre ce manuscrit reflète le dessein qui le sous-tend : donner corps au rêve d’un livre qui s’élaborerait indéfiniment, de jour en jour, sans qu’un terme lui soit prescrit. Ces pages peuvent être abordées comme des textes indépendants, et, simultanément, leur ensemble ressenti par le lecteur non pas comme un recueil, mais comme un cycle, métaphore en acte et fragment de ce livre sans fin dont chaque page réfracte les autres et les change en s’ajoutant à elles — ainsi qu’il en va des jours et des images qu’ils inscrivent en nous.
Ce recueil se lit comme un journal poétique qui traduit dans une langue simple et précise des fragments de réalité perçus par le biais d’une sensation, d’un paysage, d’un instant de la vie quotidienne. Comme un peintre, l’auteur compose des poèmes-tableaux sur une ville traversée, une ambiance, un sentiment disparu, un souvenir qui n’a peut-être jamais existé, le temps de l’enfance. Le mot et l’image se confondent et s’entrecroisent dans la langue du poète qui les mélange.
Il n’est pas de mot qui déjà ne soit image, faite d’images et de mots ; il n’est pas de songe qui ne murmure un récit.