« Femmes à Boches ». Occupation du corps féminin, dans la France et la Belgique de la Grande Guerre






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Se revendiquant à la fois de l’histoire du genre et de celle de la guerre, l’ouvrage « Femmes à Boches », d’Emmanuel Debruyne, professeur d’histoire contemporaine à l’UCL, examine une question audacieuse, dans sa formulation même : l’« occupation du corps féminin », en France et en Belgique, durant la Guerre 14-18. Quel est le contexte ? « Pendant quatre ans, la quasi-entièreté de la Belgique et de larges pans de dix départements français sont occupés par l’armée allemande » : ces territoires, découpés par l’ennemi en plusieurs zones disposant de leur administration, forment un large périmètre regroupant une dizaine de millions d’habitant-e-s.L’occupation…


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Indignation totale. Ce que notre addiction au scandale dit de nous

Fin limier des mythèmes contemporains, des tropismes des régimes de pensée, Laurent de Sutter démonte la boîte noire du scandale, repérant les mécanismes, les ingrédients qui le nourrissent, les ressources qu’il mobilise. La scène que Laurent de Sutter embrasse avec maestria est celle de notre monde saisi sous l’angle du réflexe de l’indignation qui règne en maître. Les titres des cinq chapitres (Et, Car, Donc, Mais, Ni) qui scandent cet essai d’une haute pyronoésie renvoient à la classe des conjonctions de coordination condensée dans la phrase mnémotechnique « Mais où est donc Ornicar ? » (Rappelons qu’ Ornicar est la revue du champ freudien). Délaissant les causes, le « pourquoi » de la propension à l’indignation au profit de son « comment », l’ouvrage analyse ce dont l’indignation est le symptôme, la structure de pensée sur laquelle elle s’appuie. À rebours de l’opinion consensuelle selon laquelle le scandale est affaire de passions, d’affects épidermiques, Laurent de Sutter y lit le surgeon d’une raison butant sur son impasse. Dès lors qu’une équation entre «  âge du scandale  » et «  âge de la raison  » est posée, l’appel auquel l’essai nous convie se formule dans les termes d’un «  pour en finir avec la raison  », ce qui implique de sortir de la spirale du scandale. Cinq affaires récentes, venues d’horizons différents, ayant toutes suscité un tollé mondial servent de points de départ, #MeToo ; le bras-de-fer Tsipras, Syriza/l’Union Européenne ; les caricatures de Mahomet ; Nestlé et l’extraction des eaux de la Strawberry Creek ; la photographie du cadavre de l’enfant migrant Aylan Kurdi, échoué sur une plage. Auscultant la santé du débat public, Laurent de Sutter radiographie sur deux plans la structure du scandale, le mécanisme de sa surenchère opposant des camps clivés prêts à tout pour triompher : sur le plan historique, il pointe en amont un scandale fondateur, celui de la crucifixion du Christ — matrice du scandale à l’état pur fournissant la logique des scandales ultérieurs, empiriques —, sur le plan conceptuel, il révèle l’élément dissimulé par le scandale, à savoir, reprenant les analyses de René Girard, la fabrication d’un bouc émissaire, le sacrifice d’un élément qui, par son exclusion, sa disqualification, assure la cohérence de la communauté.À partir des cinq récits de scandales contemporains, Laurent de Sutter dégage les traits définitoires de l’indignation, fille de la raison, chaque récit mettant en lumière une caractéristique : l’indignation produit une identification, confère une identité à un groupe (« et »), «  disqualifie tout ce qui est étranger au groupe constitué  » (« car »), recourt aux conclusions pour triompher des adversaires (« donc »), repose sur la forclusion d’un élément, de ce qui est irréductible à l’accord (« mais ») et sur l’interdiction de ne pas s’indigner du scandale (« ni »).Certes, «  s’indigner, ça ne sert à rien  », le geste étant frappé par une «  vanité absolue  », «  une improductivité fondamentale  ». Mais, s’il existe une posture d’indignation qui relève du ressentiment, du négatif, du réactif (au sens de Nietzsche), d’une volonté de pouvoir, d’un tribunal de la raison, d’une police (Rancière), qui, adoptée par la «  belle âme  » vertueuse de Hegel, laisse tout en état, il est une autre forme d’indignation affirmative, active qui, hors de tout jugement, de toute raison normative, de toute volonté d’avoir raison, se constitue en levier de la résistance. L’appel Indignez-vous de Stéphane Hessel fait de l’indignation un catalyseur de l’action et non l’étendard du monopole d’une raison prise dans la tautologie. Le degré zéro de l’indignation (active) ouvrirait la voie au fatalisme, à l’acceptation de l’état du monde.Dans une situation concrète, face aux néo-fascistes, aux climato-négationnistes de la droite extrême, il s’agit bien de vaincre un adversaire relevant de la catégorie de l’ennemi, non pas en vue d’avoir raison, mais afin de lutter contre ce qui assassine les puissances de vie. Ces luttes n’appartiennent pas à la scène morale opposant le Bien et le Mal mais à celle qui oppose lignes de vie et lignes de mort (Deleuze). Ce qui implique l’exigence du choix, de l’engagement et non le renvoi dos à dos de positions antagonistes et symétriques. On terminera sur quelques questions. Le «  pour en finir avec la raison  » (et sa scène guerroyante, son désir d’avoir raison), l’appel à «  une rationalité qui renoncerait à la raison  » n’est-il pas in fine décrété par la raison elle-même qui décide de se faire hara-kiri ? Comment se fait le pas de côté, le déhanchement vers ce que Laurent de Sutter nomme une «  raison indigne plutôt qu’indignée  » ? N’a-t-il pas déjà accompli, de Nietzsche à Deleuze, Whitehead…, par la pensée comme création, irréductible au régime ordinaire de la raison ? Comment concilier la sortie de la raison, du règne de l’indignation et la réinvention du politique, la nécessité dès lors du choix là où Laurent de Sutter semble caresser le vœu de s’abstraire de «  l’exigence du choix  » et de faire le deuil de la politique, à tout le moins d’une certaine politique (cf. l’essai De l’indifférence à la politique ,…

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Dépassons l’anti-art. Écrits sur l’art, le cinéma et la littérature

Nous sommes en 1960. Une revue danoise sollicite Christian Dotremont pour retracer l’apport spécifique des artistes danois à l’art expérimental et au mouvement CoBrA. Mais CoBrA s’est dissout en 1951, peu après sa 2e et dernière exposition internationale qui s’est tenue à Liège. Les artistes du groupe, qu’ils soient hollandais, danois, belges, français, et autres, ont continué à tracer leur chemin, n’ignorent plus Paris dont ils s’étaient écartés en 1948, et la capitale française les accueille plutôt mieux. Alors Dotremont, un peu ennuyé, revient aux sources, vingt ans plus tôt : la création en 1941 d’un périodique danois, Helhesten , et d’un groupe réunissant des créateurs, architectes, peintres, dessinateurs, sculpteurs, poètes… dans une spontanéité expressionniste, un intérêt pour le primitivisme et une effervescence interdisciplinaire qui sera l’une des clés à venir de CoBrA. Du pays nordique, un peu plus « provincial », et moins influencé par les grands courants en « isme » de l’avant-garde artistique internationale, Dotremont retient encore sa capacité à résister à une civilisation de la mécanisation, de l’esprit technique (on dirait aujourd’hui : technologique), « tactique et scientifique qui gangrène l’esprit humain » . À la peinture constructiviste ou « abstraite-froide » , aux « constructions pures et parfaites (…) tracées à la règle et au compas » des bâtiments de l’Expo universelle de 1958 à Bruxelles, Dotremont oppose la capacité de l’art nordique à s’ancrer étroitement dans les éléments naturels (la terre, la mer) et à devenir de plus en plus «  un refuge pour la sensibilité immédiate, pour la joie éternelle des ponts, et pour la poésie cosmique de la nature  ». Cette prédominance de la nature et du vivant, si justement réaffirmée avec force de nos jours, demeure une présence constante chez l’artiste des « logoneiges » : un poème de peu de mots, tracé avec un bâton dans la neige de Laponie, donc par essence éphémère, et qu’on peut apparenter à une forme de Land Art. Art et expérimentations Et ce texte, aussi éclairant sur le corpus de pensée et d’écriture du poète-voyageur en 1960 que sur sa relecture, après-coup, de l’histoire de CoBrA et de ses composants, est l’une des découvertes que l’on peut faire dans Dépassons l’anti-art (titre emprunté à un logogramme), un imposant ensemble de textes en prose de Dotremont, réunis et édités par Stéphane Massonet . Les quatrièmes de couverture vendent parfois du vent. Mais ce n’est assurément pas le cas ici, face à cet ouvrage de près de mille pages, dévoilant effectivement « une encyclopédie des artistes expérimentaux de la seconde moitié du XXe siècle » et présentant « comment les échanges avec les peintres nourrissent profondément la réflexion de Dotremont autour de l’écriture et de sa graphie » . Ce travail colossal, mené durant plusieurs années par Stéphane Massonet, rassemble plus de deux cents articles, textes, notes de lectures, préfaces… disséminés dans différents livres, catalogues ou revues, et rédigés par Dotremont, depuis son entrée au sein du groupe surréaliste belge jusqu’aux derniers écrits du créateur des logogrammes, malade et reclus dans sa chambre-atelier de la pension « Pluie de roses » à Tervuren.Le volume s’ouvre tout d’abord sur un texte rédigé en 1958, où Dotremont documente longuement la naissance de CoBrA, après le passage par le surréalisme (Magritte, Nougé, Breton) et l’expérience déçue (et décevante) du Surréalisme-Révolutionnaire. Une première section présente ensuite les textes tournant plus explicitement autour du surréalisme. On peut y lire un Dotremont polémiste, attaquant à bon droit Jacques Van Melkebeke, peintre et journaliste ami de Jacobs et Hergé, qui dans les journaux autorisés par les nazis sous l’Occupation s’en était pris à Picasso – Melkebeke fut à la Libération condamné pour collaboration. Ou un éloge de Cocteau, qui froissa durablement ses amis surréalistes. Et encore un autre de Paul Eluard, laudateur de Staline dans ses Poèmes politiques qui venaient de paraître. S’il raille dans un tract «Les Grands Transparents » de Breton, Dotremont en garde des figures essentielles, Poe, Lautréamont, Baudelaire, Roussel, Picasso, et met en exergue, dans la « Nouvelle NRF », la singularité du langage et du surréalisme de Paul Nougé – dont Mariën en 1956 sortait de l’ombre les œuvres restées jusque-là clandestines. Vers la « cobraïde » La deuxième section, de loin la plus abondante, est placée sous l’égide de CoBrA. 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On l’aura saisi, cet ouvrage témoigne de l’impératif désir de vie et d’expériences nouvelles qui anima Dotremont, et constitue une lecture passionnante d’un bout à l’autre. Abordant par bien des angles des situations qui nous restent contemporaines, elle ne devrait pas combler que les seuls spécialistes…