Écrits sur l’art et les artistes (1954-1991)

RÉSUMÉ

L’être et la création furent deux sujets majeurs dans la pensée et l’œuvre du poète François Jacqmin. Inédits ou tirés de catalogues, les nombreux textes ici rassemblés pour la première fois témoignent des lignes de force de cette réflexion constante, de sa sensibilité toujours critique à l’égard des arts plastiques et des amitiés qui ont pu le lier aux artistes. Les écrits sur l’art et les artistes de Jacqmin sont, au même titre que ses poèmes, « l’œuvre d’un regard ».

À PROPOS DE L'AUTEUR
François Jacqmin

Auteur de Écrits sur l’art et les artistes (1954-1991)

Né en province de Liège en 1929, François Jacqmin est un poète belge majeur de la deuxième moitié du XXe siècle en Belgique. Après avoir vécu plusieurs années en Angleterre pendant la deuxième Guerre Mondiale, il revient en Belgique et participe à la fondation de la revue Phantomas. Poète discret, unique, Jacqmin interroge dans toute son œuvre la possibilité d’appréhender le réel ainsi que le rapport du poète au langage. En marge de la vie littéraire, il publie tardivement un premier recueil essentiel, Les Saisons, en 1979, suivi en 1984 du Domino gris. Il meurt en 1992, deux ans après la publication de sa dernière œuvre, Le Livre de la neige.
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Le Carnet et les Instants

Sur la couverture, un aphorisme peint, lettres noires sur fond rouge, de et par François Jacqmin : « Pourvu qu’il n’arrive Rien ». Ce grand Rien, que pouvait-il représenter pour le poète des Saisons et du Domino gris ? On songe à « la Catastrophe », qui hantait les pages du seul roman de Christian Dotremont, La pierre et l’oreiller. Mais chez Jacqmin, qui n’a cessé de creuser par l’écriture ce puits sans fond qu’est la notion même d’exister, ce grand Rien reste un mystère. Les écrits publiés, inédits ou ébauchés de Jacqmin, déposés et inventoriés aux Archives et Musée de la Littérature (AML), font désormais l’objet d’une volonté de publication intégrale. C’est ainsi qu’après un premier…


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Cartographier un genre, établir l’arbre généalogique d’une œuvre, retracer la trajectoire d’un écrivain, autant d’entreprises qui exigent déjà beaucoup de la part de qui s’y lance. Mais cerner un concept littéraire , voilà qui relève presque du tour de force, tant la matière à réflexion est trop fluente pour être véritablement appréhendée dans sa dynamique et saisie dans sa logique intrinsèque. Jean-Pierre Bertrand, professeur de sociologie de la littérature à l’Université de Liège, avait déjà signé, dans des ouvrages collaboratifs, de précieuses contributions à la compréhension de ses auteurs de prédilection (au premier rang desquels, Gide et Laforgue), des regroupements informels qu’il fréquente volontiers (les « romanciers célibataires », la nébuleuse « fin-de-siècle »), et plus généralement des formes littéraires au XIXe siècle, une question qui le passionne.Seul un Lecteur majuscule de ce pedigree-là pouvait donc prétendre s’attaquer à l’idée d’« invention » en littérature. Avant de circonscrire l’objet, il s’est tout d’abord agi de le confronter avec ses sœurs, amies ou ennemies. L’« imitation », l’« imagination », la « découverte » sont en effet autant de notions connexes qui, depuis le moyen-âge, entrent en percussion, voire en concurrence, avec l’« invention ». Jean-Pierre Bertrand dégage les spécificités terminologiques du vocable par un examen serré de son étymologie, mais davantage encore par un savant décryptage. Cette partie « épistémocritique », qui n’a au fond de rébarbative que sa désignation, permet à Jean-Pierre Bertrand de situer « l’invention » dans ses conditions d’émergence les plus propices (les temps de crise, faut-il s’en étonner ?) ; dans le continuum de la vision progressiste de l’histoire ; dans la sphère des discours circulant à son entour dès qu’elle apparaît ; enfin dans les polémiques qu’elle ne manque pas de susciter, à l’instar de tout bouleversement sociétal majeur.L’ambition première de l’ouvrage demeure cependant d’« étudier comment se pose la question de l’invention de la littérature au XIXe siècle, comment elle fait sens en regard de ce qu’on pourrait appeler l’ère moderne, l’idéologie de l’invention que véhicule le discours social. Pourquoi, autrement dit, s’est-on mis à inventer en littérature ? » En passant au second volet, où sont envisagés des cas précis, le lecteur est définitivement convaincu d’avoir affaire là à une réflexion majeure dans le paysage actuel de l’essayistique francophone.Jean-Pierre Bertrand a notamment cet immense mérite d’avoir su sortir de leur purgatoire des inventeurs certes connus mais restés dans l’ombre, occultés par des individualités autrement monopolistiques – les Lamartine ou les Hugo, qui, par leur création monstrueuse eurent beau jeu de s’accaparer les trouvailles modestement forgées par d’autres artisans. Ainsi de la Littérature et de la Critique… Qui eût pensé qu’en 2015 une voix s’élèverait pour réaffirmer que la maternité de la première était due à Madame de Staël, et la paternité de la seconde à Sainte-Beuve ? Jean-Pierre Bertrand a ce salubre culot. Allons bon, Madame de Staël ! Les frous-frous d’une robe à corset cintrant un joli nom à particule (celui d’un peintre aussi, non ?), et un texte aussi, à peine dénichable en bouquinerie, que personne n’a lu, sur l’Allemagne du Sturm und Drang … ; quant à Sainte-Beuve, ce n’est rien d’autre que le contre-Proust, le copain aigre et fielleux des Goncourt, à la rigueur, pour les érudits absolus, le chroniqueur de la clique rigoriste de Port-Royal.Les pages consacrées à ces deux figures, que la modernité aura transformées en clichés ambulants, sont des modèles, non pas de réhabilitation, mais de justice littéraire. Car nous devons bien à la belle Germaine, en la charnière et symbolique année 1800, d’avoir doté « la littérature d’une définition et d’un projet autonome, ce qui signifie qu’elle l’affranchit véritablement de la notion de Belles-Lettres pour l’ouvrir à un processus de qualification, de conceptualisation qui n’est redevable que d’elle-même ». On est loin du bas-bleu. Et nous devons à Charles Augustin – les dictionnaires attestent qu’il portait un prénom – d’avoir sacrifié ses vocations de poète et de romancier pour œuvrer, chaque lundi que lui fit le Bon Dieu, à la triple création d’« un modèle, une discipline et un métier ».Des chapitres plus amples encore détaillent les facteurs d’émergence et les implications des inventions qui scandèrent la modernité littéraire, du vers libre à l’écriture automatique en passant par le monologue intérieur. On laissera au lecteur le soin de les… découvrir,…