Auteur de D’un Lieu d’Ombres (1978-1981)
Baptiste Frankinet nouveau membre titulaire de la SLLW
(Réponse du Récipiendaire : Eloge de Jean Brumioul) Monsieur le Président, chères consœurs, chers confrères, Comme vous le soulignez, voici cinq ans maintenant que j’ai la chance de gérer la Bibliothèque des dialectes de Wallonie et donc de côtoyer quotidiennement les archives et la bibliothèque de la Société de langue et de littérature wallonnes qui y sont conservées. J’ai pleinement conscience de l’influence positive que la Société a eue sur l’essor et l’épanouissement des langues régionales de Wallonie, depuis sa création et jusqu’à aujourd’hui. J’ai également pleinement conscience de la valeur des membres de l’assemblée à qui je m’adresse aujourd’hui. C’est pour moi un grand honneur que vous me faites en m’accueillant au sein de cette société ! J’espère pouvoir m’en montrer digne et apporter ma propre pierre à l’édifice. Cet honneur est double, puisque vous m’offrez le siège que Jean BRUMIOUL occupait avant son décès en 2014. Pour l’avoir rencontré régulièrement durant les dernières années de sa vie, je n’ai pas peur de dire qu’il s’agit là d’un bel exemple à suivre. Il me revient d’évoquer aujourd’hui sa personnalité. Je m’acquitterai de cette tâche avec d’autant plus de plaisir que c’était quelqu’un que j’appréciais beaucoup et dont le riche parcours n’avait pas entamé la modestie, qualité importante à mes yeux. Permettez-moi avant tout d’évoquer notre dernière rencontre. En avril 2014, dans le cadre de mes fonctions au Musée de la Vie wallonne, nous organisions, avec l’aide de la Fédération Wallonie-Bruxelles, une formation autour des langues et littératures régionales, à destination des bibliothécaires. Nous avions demandé à M. Brumioul de venir partager avec nous son expérience d’auteur wallon. Avec beaucoup d’humilité, et presque pour céder à nos insistances, il avait accepté. Je me souviens précisément de son récit, de ses souvenirs, de ses évocations de la vie d’autrefois où la langue wallonne était un ciment entre Liégeois. Il se souvenait avec émotion des jours où il circulait rue Hors-Château et où les radios diffusaient sur les antennes les pièces de théâtre et opérettes produites à haut volume sur les scènes liégeoises ou en studio. Il nous disait avoir appris le wallon, non pas en famille, mais en allant voir les représentations au Théâtre wallon du Trianon, chaque semaine. Ces quelques éléments nous permettent déjà de dégager les grandes lignes qui ont guidé la vie de Jean Brumioul : la radio, la ville de Liège, le théâtre et le wallon, bien entendu. Le professionnalisme au service de la radio et de la télévision Jean BRUMIOUL est né à Bressoux, en périphérie liégeoise, en 1925. En décembre 1944, la guerre n’est pas encore totalement terminée, et il entre, à 19 ans à peine, à la Radio diffusion nationale belge comme speaker. Il devient rapidement journaliste, l’année suivante. C’est là qu’il rencontre Camille Caganus. Caganus est programmateur, puis directeur de la station radio liégeoise de la RNB, mais il est également romaniste, comédien et passionné de théâtre. C’est lui qui, le premier, propose la mise en ondes de pièces de théâtre en français et en wallon, qu’il écrit parfois, et dans lesquelles il n’hésite pas à assumer un rôle. Camille Caganus, décédé en 1958, sera en quelque sorte un premier mentor pour Jean Brumioul et influencera sa manière de travailler, lorsqu’il lui succédera à la tête de la station liégeoise et à la production des émissions wallonnes. Pour les besoins des mises en ondes, Jean Brumioul emploie très tôt sa plume et écrit des dialogues, dans tous les genres, de l’évocation historique aux adaptations romanesques, en passant par le policier ou le fantastique. Ses écrits sont tantôt en français, tantôt en wallon. On retiendra surtout Li creû d’amoûr (1951), Li vwèle, Moncheû prétimps (1961) ou encore So lès vôyes di Moûse (1972). Ce dernier texte, diffusé à l’occasion des vingt-cinq ans des accords du Bénélux en 1972, sera son seul recueil de poèmes publié (en 1983). En 1961, Jean Brumioul devient secrétaire de rédaction, puis rédacteur en chef dès 1965. Il crée l’information régionale en radio, puis transpose le principe à la télévision dès 1968 avec Antenne-Soir, une émission qui sera diffusée jusqu’en 1982, avant de devenir Ce soir, puis Région-Soir. Durant toute sa carrière, jusqu’au milieu des années 1980, Jean Brumioul ne manque pas de saisir chaque occasion pour mettre en valeur la Wallonie et la langue wallonne. On se souviendra, par exemple, d’émissions télévisées consacrées à Jean Rathmès ou à François Masset, à la fin des années 1970, ainsi qu’un large reportage pour les cent ans de Tåtî l’ pèriquî ou pour les cent-vingt ans de la SLLW en 1976. La passion du théâtre... et de l’histoire de Liège On l’a dit, c’est au théâtre que Jean Brumioul avait appris le wallon, au fil des spectacles. Il nous avait confié que ses parents, bien qu’ils aient pris la bonne habitude de l’emmener volontiers au Théâtre communal wallon du Trianon, lui parlaient en français. S’il écrit régulièrement des pièces de théâtre mises en ondes entre 1945 et 1963, sa vie de père de famille et surtout sa vie professionnelle, devenue plus prenante après sa promotion, ne lui laissent pas vraiment l’occasion de se consacrer pleinement au théâtre. Il faut attendre 1980 pour que Jean Brumioul puisse en faire une priorité. C’est à la demande de Raymond Rossius, directeur de l’Opéra royal de Wallonie, qu’il écrit une grande fresque lyrique et dramatique intitulée Liège libertés, réalisée à l’occasion des festivités du Millénaire de la Principauté de Liège. À partir de cette période, il écrit régulièrement. Il imagine de nombreuses comédies à succès à la demande de José Brouwers, directeur du Théâtre Arlequin. La liste de ces pièces écrites pour le Théâtre Arlequin est longue : Ils sont fous ces Liégeois (1980), Viens chez moi, j’habite en Wallonie (1982), Sonate à Majorque (1984), Jacques le Fataliste (adapté de Diderot en 1984), Malheureux Liégeois (1985, puis en 1991), 89 par l’œil de bœuf (1989), Monsieur Franck viendra ce soir (1990), Maupassant, le cœur en écharpe (1992), Les pieds dans l’urne (1994 et 1995), puis les célèbres Café Liégeois (6 versions entre 1997 et 2010) et Gare aux Liégeois (en 2012 et 2013). Les dernières pièces s’orientent vers la satire et la critique de la société, avec un ton juste et plein d’humour, qui a plu. La plupart de ces pièces lui ont également permis d’intégrer des répliques savoureuses en wallon, mais surtout de faire étalage, même en français, de l’esprit frondeur des Liégeois qui lui était si cher. Cette passion pour l’écriture dramatique s’appuie souvent sur une autre passion : l’histoire de la Principauté de Liège. Cette passion pour l’histoire est peut-être née lors de reportages historiques de grande envergure que la radio lui confia : le V-Day en 1945, les Joyeuses entrées du Roi Baudouin en 1951, l’inauguration du monument à la résistance à Liège, les mariages de Joséphine-Charlotte et Jean de Luxembourg, d’Albert et Paola, de Baudouin et Fabiola, les baptêmes princiers, les voyages officiels, les décès des papes Pie XII et Jean XXIII, les funérailles de la Reine Elisabeth de Belgique... Mais sa grande passion reste l’histoire de la Principauté de Liège, son pays. Brumioul se décrivait lui-même comme un indécrottable principautaire. Certains y voient un défaut, un repli sur soi... Quand on est Liégeois, on comprend bien ce sentiment... Pour ma part, je le partage. Ça ne signifie nullement qu’on n’est pas ouverts sur le monde, mais plutôt qu’on est fiers de nos racines, de notre terroir : Di nosse passé, qwand c’est qu’on lét l’istwére, on s’ rècrèstèye vormint a chaque foyou !, disait Théophile Bovy dans le Chant des Wallons.…
Mon jardin des plantes : poèmes et photographies
Jan BAETENS et Marie-Françoise PLISSART , Mon jardin des plantes : poèmes et photographies , Impressions nouvelles, 2024, 136 p., 18 € / ePub : 7,99 € , ISBN :978-2-39070-145-3 Jan Baetens (1957) est l’auteur de vingt recueils de poésie, dont récemment Après, depuis (2021, prix Maurice Carême de poésie 2023 ) et Tant et tant (2022). Styles et thèmes de ses livres varient mais leur point de départ est toujours le même : la vie quotidienne repensée par l’art et la littérature. Auteur de nombreuses études sur les rapports entre textes et images, dont Le roman-photo (avec Clémentine Mélois) ou Adaptation et bande dessinée : éloge de la fidélité , dans son essai Illustrer Proust , il présentait et discutait les réponses successives données depuis plus d’un siècle par les artistes et leurs éditeurs au désir et à la difficulté d’illustrer Proust. Il a publié le remix d’une collection privée de ciné-romans-photos, Une fille comme toi (2020) et un essai contre l’oralisation de la poésie : À voix haute. Poésie et lecture publique (2016). Marie-Françoise Plissart (1954) est l’une des figures majeures de la photographie belge. Comme Baetens, elle s’est intéressée très tôt aux rapports entre un texte et une image, réalisant avec Benoît Peeters le livre Correspondance (Yellow Now, 1981), début d’une bibliographie abondante. Photographe free-lance depuis 1987, elle a réalisé de nombreux travaux dans de multiples domaines tels que l’architecture, le théâtre, le portrait et l’illustration. Ses photographies ont été notamment exposées à Bruxelles, Liège, Paris, Genève, Amsterdam, La Haye, Rotterdam, Berlin et Vienne. Elle est aussi une vidéaste captivée par l’exploration du tissu urbain et par ses transformations. Texte et image entretiennent une relation complexe, souvent de dépendance, sauf dans le cas où sa polysémie et celle du poème se superposent en échos infiniment répercutés et ouverts , comme dans l’effet-miroir. Mon jardin des plantes : poèmes et photographies est une composition photo-textuelle à quatre mains avec pour thèmes l’eau et l’arbre et une approche des coïncidences des contraires, qui culmine dans le magnifique effet-miroir de la photo du Parc royal de Bruxelles (M.F. Plissart, 2011). Ce concept de l’effet-miroir est présent dans toute l’anthropologie culturelle et symbolique : il nous met en présence d’une perception, d’une imagination ou d’une croyance en une surexistence par rapport au monde donné, qui n’est ni un irréel ni un délire. Une conscience d’un mode spécifique s’y fait jour, celui d’une apparition ou d’une épiphanie, sous forme de synchronicités, de dévoilements, de rencontres avec un au-delà du visible. Ce non visible ouvre sur l’expérience du sacré, en tant que celui-ci fait surgir dans notre sensibilité ou nos représentations un plan d’inaccessibilité ; on ne peut l’instrumentaliser, il est un inter-dit. Comment rendre compte de ces catégories si souvent associées, d’invisible, de secret et de sacré ? Comment permettent-elles de structurer et de comprendre une part d’ombre de notre expérience du monde et des autres ? L’art est une voie d’accès à cette sur-réalité : Johannes Vermeer, « Vue de Delft »Soustraire sans rien perdre, pour la beauté du geste, puis additionner en vue de la sainte multiplication, chaque chose à sa place, puis proliférant jusqu’à occuper une autre place dans l’eau,qui l’amène à d’autres négoces et trafics encore. Converti en brique et azur, le nombre d’or Garde ses droits, unissant pour mieux régner. Le livre est composé de sept « chapitres » : les poèmes et les photographies offrent une relation de miroir, non d’illustration. L’eau a toujours été l’un des éléments les plus efficaces pour équilibrer le corps et l’âme : elle est le signe d’un éveil spirituel, permettant de lâcher prise. L’arbre est un symbole de vie et de verticalité incarnant le caractère cyclique de l’évolution cosmique. Tous deux offrent une dialectique entre permanence et métamorphose. Ainsi au fil des poèmes, le lecteur est invité à considérer le proche et le lointain, le connu et l’inconnu, le quotidien et l’indéfinissable, le simple et le complexe, motifs qui se déclinent aussi par miroitements en ceux du voyage, de la perte des repères, des relations inattendues entre topos et tempus, nature et culture, à la recherche de l’unité originelle :[…] Lentement le sens se dépouille des mots qui l’emportent, Elle dit que le jardin se fait son havre. […] Enfin la main qui crée l’objet qu’elle touche, Qui aide à défaire sans peur l’articulation du monde, À ne plus nous lamenter que les choses parlent à notre place. L’amour du trivial est figure de…
Uzès. La ville du rêve. La ville de l’absence. Un songe emporté par le vent. L’impression d’une…