Doigts tachés d’ombre

À PROPOS DE L'AUTEUR
Philippe Leuckx

Auteur de Doigts tachés d’ombre

Philippe Leuckx est né le 22 décembre 1955, à la frontière française, à Havay (Hainaut belge), de père flamand et de mère wallonne. Après des gréco-latines au Collège de Binche, il étudie à Namur puis à Louvain la philologie romane avec un baccalauréat spécial en philosophie. Son mémoire de licence est une étude sémiotique des images animales chez Proust (promotrice : Ginette Michaux).Depuis 1979, il est professeur dans le secondaire (français, histoire de l'art, questions d'actualité). De 1985 à 1989, parenthèse «technique», en détachement pédagogique, il élabore des fichiers didactiques pour l'enseignement professionnel. Il est en outre examinateur au Jury de la Communauté Française. Écrivant depuis l'enfance, il attend l'âge de 38 ans - ayant déjà plusieurs recueils achevés en manuscrit - pour publier en 1993, des poèmes dans le n°8 de la revue Écrits vains d'Éric Dejaeger. Un an plus tard sort son premier livre Une ombreuse solitude (L'Arbre à Paroles à Amay). Dès ses débuts, ce poète est pris au sérieux tant en Belgique qu'en France. Il rédige des notes de lecture pour plusieurs revues littéraires (regArt de Mimy Kinet, puis L'Arbre à Paroles, Le Journal des Poètes, Bleu d'encre...). Il tient une rubrique régulière dans Francophonie vivante. Autre marque de confiance : en 1994, il reçoit une bourse d'écriture pour rédiger un recueil de nouvelles et écrire un essai sur Proust... Amateur de voyages (Inde, Népal, Turquie, États-Unis, Portugal, République tchèque...) il a une ferveur particulière pour l'Italie, avec une prédilection pour Rome. Il obtient le «Prix de la Province de Liège» au 4e concours biennal «La Pyramide 2000» (pour des poèmes inédits. Les textes des finalistes et des lauréats sont réunis en plaquette).
NOS EXPERTS EN PARLENT...
Le Carnet et les Instants

Près de soixante poèmes répartis en six chapitres composent ce nouveau recueil de Philippe Leuckx. Ici, il rassemble des œuvres parues dans diverses revues ainsi qu’inédites. Comme c’est le troisième opus que je recense pour Le Carnet, la curiosité m’a poussé à rencontrer l’auteur sur son lieu d’écriture. Il habite Braine-le-Comte, une maison tenue avec grand soin, à l’instar de ses poèmes et publications. Le bâtiment protège un jardin à l’arrière, tout en longueur, serré par ceux des voisins. À la fois maîtrisé et hirsute, il y prolifère autant de couleurs que de parfums, à l’exemple de la prolifique plume du poète.Le bonheur je veux bienMais quels mots de quelle cavePour écritoire, à mi-chemin…


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Pour trouver la clé, il fallut perdre la mémoire des serrures

La prose poétique, les essais de Claire Lejeune (1926-2008) sont placés sous le signe de la fulgurance, d’une poétique radicalement novatrice qui entend décloisonner les savoirs, les expériences afin de traverser les chapes du pouvoir, de la domination et de recontacter les promesses à venir des origines. Dans les années 1960, La gangue et le feu, Le pourpre, La geste, Le dernier testament, Elle signent l’avènement d’une parole qui noue indissolublement naissance à soi hors des rets du patriarcat, expérience mystique d’un verbe politique et poétique, subversion des piliers d’une civilisation qui a muselé les femmes. De se dire, les sans-voix montent à l’existence, gagnent un processus de subjectivation que Claire Lejeune place sous le signe de l’ouverture à l’autre de la raison et aux terres du symbole. «  Nous ne faisons pas la poésie. Elle nous fait de nous défaire  » écrivait-elle. Pour trouver la clé, il fallut perdre la mémoire des serrures nous livre de souverains textes inédits choisis par Anne André, Danielle Bajomée et Martine Renouprez, des poèmes à fleur de lave, d’inquiétude, d’un questionnement viscéral, des lettres de sa correspondance avec Maurice Blanchot, avec René Char, avec René Thom, des textes sur les puissances du symbole, accompagnés de photographismes de Claire Lejeune. Le régime de la création est celui de la nudité, de l’extraction hors de la non-vie. Afin de phraser ce qui échappe au monothéisme d’une pensée vertébrée par la Loi — Loi de Dieu, de son substitut, le Père —, il faut inventer une langue-corps, une langue sororale, conquise sur les cendres du divin. «  La mémoire de la clé — de l’origyne — s’est perdue, car au nom du Père, sa langue fut coupée, interdite de transmission  ».L’entrée en écriture, la conquête d’un soi altéré, diffracté riment avec violence, dépossession, extase mystique sans Dieu, un Dieu confondu pour son imposture. Lire aussi : De la patrie à la fratrie , par Claire Lejeune ( C.I.  n° 79) Au travers des extraits de la correspondance avec Maurice Blanchot (une correspondance qui se noua dès 1968 et se prolongea jusqu’en 1994), on mesure toute l’audace d’une entreprise sans équivalent dans les lettres, une démarche radicale qui fut, tout à la fois, poétique, existentielle, intellectuelle, politique. Celle qui porta la blessure immémoriale de la Femme pour la retourner en chant libérateur, celle qui dressa un auto-portrait sous la guise d’une «  clandestine, d’une contrebandière de la pensée  » fait de la pensée l’instrument de métamorphoses intérieures, d’un recommencement de l’Histoire. Pour gagner une vie supra-individuelle, il s’agit de traverser des seuils, d’être «  lourde du Verbe  » afin d’«  enfanter Le langage  ». Réinvention d’une origine barrée et d’une langue mutante, arrachement aux ruines, à la logique des dualismes et délivrance vont de pair. Dans Mémoire de rien, Le Livre de la sœur, Le Livre de la mère, Claire Lejeune défait les héritages mortifères, au fil d’une généalogie où Nietzsche côtoie Lilith, Rimbaud, Héraclite.Au travers de sa poétique sauvage, de l’indompté, du corps soustrait à la tyrannie de l’esprit rationnel, Claire Lejeune nous lègue un vertige de sensible en acte, de concept en mouvement. Comme René Char le lui écrivait dans une lettre de 1966, «  Il manquait à la poésie de ce temps une voix pourpre. Nous l’avons désormais  ». Véronique…