Zagros, avec Feyyaz Duman, Halima Iter, Brader Musiki,
Belgique, 2017
102 min » Pourtant, que la montagne est belle. »
Film d’ouverture au Film Fest Gent, Zagros est reparti avec le Prix du jury — le premier long métrage de Sahim Omar Kalifa a déjà raflé l’Atlas d’argent et le prix du public à l’Arras Film Festival. Le réalisateur belgo-kurde poursuit sur sa lancée court-métrée, tremplin de choix pour conter une histoire d’amour puissante. Zagros est le nom de la chaîne de montagnes qui s’étend principalement en Iran, ainsi que dans le Nord de l’Irak et l’extrême Sud-Est de la Turquie. Zagros, c’est aussi le nom d’un berger kurde, transmis par son père. Et comme son père avant lui, Zagros mène ses moutons dans les pâturages à flanc de montagne, en compagnie de son fidèle chien, Mister Spock.
Lorsqu’il veille son troupeau, Zagros est le plus heureux des hommes. Et lorsqu’il revient au village et rejoint sa femme enceinte, Havin,…
Introduction [page 37 de la version papier] Dans son essai Fiction : l’impossible nécessité, Vincent Engel XX signale que « le discours sur la littérature de la Shoah est dominé par une insistance sur l’incapacité de ce discours et plus particulièrement sa déclination artistique » XX . De fait, le judéocide fut une expérience d’une monstruosité telle qu’elle paraît se situer au-delà de tout ce qui est humainement imaginable, dicible et transmissible. Cependant, ces trois concepts, Engel les qualifie comme des mots qui ne trahissent que notre incapacité à imaginer, dire et transmettre, « des mots qui ne disent rien sur ce qu’on entend qualifier à travers eux » XX . Méditant sur le caractère toujours inédit et unique de l’expression de l’indicible, Engel montre comment le parcours du narrateur imaginé par Jean Mattern dans Les Bains de Kiraly XX (2008) atteste que, s’il est possible de surmonter la détresse en construisant un discours sur un événement apparemment inimaginable, indicible et intransmissible, le dépassement de cet inénarrable passe nécessairement par l’élaboration d’un récit personnel. Dans cette étude, nous nous proposons de nous faire l’écho des témoignages de deux voix majeures des lettres belges actuelles, deux romanciers [page 38 de la version papier] appartenant à des générations différentes mais dont les familles, juives, éprouvèrent dans leur chair et leur âme les atrocités nazies : Vincent Engel (°1963) et Françoise Lalande-Keil (°1941). Vincent Engel: Respecter le silence des survivants – Vous pourriez le laisser en prison, l’envoyer en Allemagne, dans un camp... – Vous ne connaissez pas les camps, monsieur de Vinelles ; sans quoi, je crois que vous me supplieriez de le fusiller sur-le-champ plutôt que de l’y envoyer XX ... Cette réplique de Jurg Engelmeyer, un officier allemand qui a ordonné l’exécution d’un jeune garçon en représailles aux actes commis par son père résistant, ne montre-t-elle pas que la monstruosité du nazisme hante le parcours romanesque de notre auteur pratiquement depuis son début ? Dans son article intitulé « Oubliez le Dieu d’Adam » XX , Engel relate qu’au cours de ses études de philologie romane à l’Université catholique de Louvain, son père lui offrit Paroles d’étranger d’Élie Wiesel, une lecture qui le bouleversa : Par le silence de mon père, par son indifférence à la chose religieuse, je redécouvre le judaïsme. Dans les livres, d’abord, au CCLJ (Centre Communautaire Laïc Juif) ensuite. Et Dieu se voile d’un drap sombre : celui de la souffrance à la puissance infinie d’Auschwitz. Toutes les souffrances se mêlent : celle de ma mère [décédée d’un cancer quelques années plus tôt], celle de la famille de mon père disparue dans les camps. (Idem, p. 72) Pourquoi parler d’Auschwitz ? Cette question, Engel s’astreindra à y répondre dès que cette réalité s’imposera à lui comme une « expérience marquante » bien que non vécue personnellement. La lecture et l’étude approfondie de l’œuvre de Wiesel imprimeront sur sa vision de la Shoah « un vocabulaire et des évidences : un monde était mort à Auschwitz, une société y avait fait faillite, et plus rien ne pouvait être comme avant » XX . D’où la nécessité, poursuit Engel, de « repenser le monde, refonder la morale, instaurer des conditions nouvelles pour la création artistique – pour autant qu’elle fût encore possible XX –, forger des mots neufs pour prononcer l’imprononçable [page 39 de la version papier] [...] » (idem, p. 18-19). D’autres évidences surgiront progressivement dans l’esprit de celui pour qui Auschwitz deviendra vite « une obsession » : celles de constater que la masse des documents publiés « n’ont guère servi à éduquer les gens » (idem, p. 20-21) et que les descendants des survivants, qui ont pour tâche de reprendre le flambeau du témoignage, doivent « trouver d’autres moyens d’expression, car ils n’ont pas vécu l’épreuve » (idem, p. 19). Si ses travaux scientifiques XX lui permirent d’« épuiser » la question « épuisante » de la responsabilité de Dieu devant le génocide juif ou, en tout cas, de tourner une page (ODA, p. 72), par après, c’est principalement à travers la fiction qu’Engel poursuivra cette interrogation sur la Shoah. Une interrogation qui trouve donc sa source directe dans la tragique histoire familiale et dans une identité juive ashkénaze fort ancienne. Comme il le détaille dans quelques interviews et articles XX , ses ancêtres paternels, polonais, étaient des juifs religieux appartenant à la bourgeoisie aisée. Bien que la situation dût se dégrader après la Première Guerre mondiale au cours de laquelle la famille se réfugia à Budapest où son père naquit en 1916, ils sont une famille juive inscrite dans le processus d’assimilation propre à cette période et à leur classe sociale ; les enfants fréquentent des écoles où ils côtoient la bourgeoisie polonaise catholique. Une intégration donc plutôt réussie mais qui n’empêchera pas leur déportation au début des années quarante. De toute la famille paternelle survivront un seul oncle, communiste avant la guerre et rescapé des camps, qui s’en ira faire sa vie à Los Angeles et y deviendra religieux orthodoxe, ainsi que le père de Vincent Engel, parti poursuivre ses études en Belgique vers 1938 et qui, après avoir passé la guerre dans les forces belges de la R.A.F, décidera de s’y installer définitivement : « Plus tard, il me dirait : “N’oublie pas que, pendant la guerre, des Juifs se sont battus”. » (Idem, p. 70.) Quand, à quarante ans, il rencontre son épouse, celle-ci, bien qu’appartenant à une bourgeoisie catholique bruxelloise imbue de solides préjugés, propose de se convertir au judaïsme. Une proposition qui sera rejetée par l’intéressé pour des raisons sur lesquelles l’écrivain ne peut que conjecturer : [page 40 de la version papier] Son athéisme s’était certainement renforcé à l’épreuve de la guerre et des camps. Ou bien, comme d’autres, refusait-il d’inscrire dans une telle tradition de martyre des enfants à venir. Ou bien, plus pragmatiquement, avait-il jugé que les meilleures écoles, à son avis, étaient catholiques. Hypothèse que conforte non seulement le refus de la conversion de sa femme, mais aussi le fait que ses enfants seraient baptisés, inscrits dans des écoles catholiques et feraient leur profession de foi. (Idem, p. 70-71) Une profession de foi qui, chez l’adolescent Engel, ne va pas de soi ! La découverte de l’œuvre de Wiesel et la relecture de Camus lui permettront de régler progressivement le conflit qu’il entretient avec ce christianisme qui prône la soumission, ferme les yeux sur les injustices les plus flagrantes – « Questionner Dieu sur la souffrance, celle d’Auschwitz ou celle de ma mère, accroît l’obscénité de la souffrance, puisque Dieu n’intervient pas et ne répond pas » (idem, p. 74) – et transmet à tous un goût certain pour la culpabilité. Ce qu’Engel (re)découvre dans Camus, la fausseté de la question de Dieu tout comme le devoir pour tout un chacun de suivre un cheminement éthique exigeant, n’est-ce pas en définitive ce que son père lui a transmis ? Évoquant ailleurs la figure paternelle, Engel insiste d’une part sur la certitude de celui-ci « qu’il n’y a pas de droits de l’homme sans le respect de devoirs, et de liberté sans responsabilité » ; d’autre part, sur « [son] impossibilité de dire à ses proches qu’il les aimait ». Et, ajoute-t-il, « pour ce qui est du judaïsme, un silence réduit à l’essentiel. [...] Mais un silence capable de faire passer le judaïsme, le sien, auquel son cadet au moins adhérera pleinement après ses vingt ans » XX . Car ce qui séduit Engel dans le judaïsme, c’est le fait qu’il représente « un rapport à…
“Guerre et Térébenthine”, un livre magistral de Stefan Hertmans
L'écrivain flamand Stefan Hertmans (né en 1951) avait en sa possession depuis plus de trente ans des cahiers remplis par son grand-père, avant d'oser prendre connaissance de leur contenu. C'est ce que nous explique l'auteur dans les premières pages de Guerre et Térébenthine (Gallimard, 2015), tout de suite après avoir évoqué ses souvenirs les plus anciens de cet homme énigmatique mais aussi secret qui avait survécu aux horreurs vécues dans les tranchées pendant la Première Guerre mondiale, qui fut mis à la retraite pour cause d'invalidité de guerre à l'âge de 45 ans et se concentra par la suite sur ce qui était devenu pour lui plus qu'un violon d'Ingres: la peinture - il avait obtenu un " brevet de capacité en peinture et dessin anatomique ". Hertmans découvre et nous livre graduellement, par étapes, la poignante réalité de ce "plus". Résister pendant trente ans à la tentation de lire ces cahiers pourrait sembler pathétique, une forme de Wichtigtuerei, une manière de se rendre intéressant. Le livre basé sur ces cahiers n'offre cependant aucun prétexte à une telle interprétation. Hertmans est totalement dépourvu de pathos et, dans ce livre, il excelle plus que jamais par un style à la fois lucide, objectivant et extrêment précis, poétique, style qui s'insinue lucidement dans le monde de l'objectivité mais qui en même temps témoigne de la prise de conscience du fait qu'il subsiste toujours des traces insaisissables et propices à la nostalgie auxquelles se heurte désespérément le langage le plus raffiné. Il hésitait à ouvrir ces cahiers plus tôt parce qu'il se rendait compte que les utiliser et les incorporer dans un récit le pousserait, lui, l'écrivain, dans ses derniers retranchements. Il redoutait l'échec paralysant, ce que le lecteur ne comprend que trop bien après avoir lu Guerre et Térébenthine. Le grand-père de Hertmans, Urbain Martien, vécut de 1891 à 1981. L'écrivain a donc connu son grand-père suffisamment longtemps pour pouvoir confronter les mémoires de celui-ci avec ses propres souvenirs. Ce qui est surprenant dans ces mémoires, du moins pour ce qui en constitue la pièce de résistance, c'est-à-dire la Première Guerre mondiale (la Seconde est liquidée en moins d'une page), c'est qu'ils ont été écrits près d'un demi-siècle après les événements. Le vécu d'Urbain Martien doit littéralement avoir laissé une impression à ce point marquante, doit s'être incrusté dans sa mémoire comme s'il s'agissait de blessures dont les cicatrices témoignaient encore de la douleur plusieurs décennies après qu'elles furent infligées. À partir de 1963, Martien s'est consacré pendant pas moins de dix-sept ans à son manuscrit de six cents pages au total. Hertmans estime qu'en écrivant, son grand-père s'aventurait toujours plus profondément dans les tranchées de ses souvenirs. Guerre et Térébenthine constitue véritablement un tour de force. En gros, la première partie est placée sous le signe de la térébenthine, c'est-à-dire de la peinture du grand-père, la deuxième sous celui de la guerre, et les deux se retrouvent entremêlées dans la troisième partie. Mais certains fragments, dont quelques-uns parmi les plus boulevesants, remontent plus loin dans le temps encore. Ils parlent du père du grand-père, ou plutôt de l'amour intense que celui-ci nourrissait pour Céline, femme fière, d'un milieu aisé où l’on n’admettait pas qu’une fille " de bonne famille " puisse s'acoquiner avec un homme d'origine modeste. D'une beauté sublime est l'image de Franciscus et d'Urbain dans le silence sacré d'une église où le premier, tout en haut d'une échelle, devient presque partie intégrante des scènes peintes qu'il est en train de restaurer, tandis que son fils, en bas, fait figure d'auxiliaire. Tout aussi impressionnante, fût-ce surtout déchirante, est la déclaration d'amour posthume, anxieusement camouflée, du grand-père Urbain à sa première femme prématurément décédée, la Maria Emelia idéalisée, éclairée partiellement dans les dernières pages du livre seulement, et là aussi la peinture se voit attribuer un rôle de premier plan, cette fois-ci comme porteuse d'un chagrin intense, de douleur et de sublimation. Il s'agit là incontestablement d'une formidable prouesse, que l'auteur réalise sans recourir à aucun artifice. Hertmans ne semble éprouver aucune difficulté à conférer à ces vies qui appartiennent à des générations antérieures une proximité physique et émotionnelle evidente, souvent déconcertante. Qu'il y ait des décalages importants et très variables dans le temps est manifeste et ressort de nombreux passages dûment documentés, d'événements historiques évoqués en passant ou d'aspects courants de la vie, mais l'empathie qui caractérise l'écrivain, combinée bien sûr avec les informations puisées dans les cahiers du grand-père, parvient à chaque fois à les abolir. Bien que se tenant à l'arrière-plan, Hertmans n'en relate pas moins sa quête, en formulant les doutes et les difficultés auxquels il s'est vu confronté. De plus, il projette de temps à autre discrètement le rapport père-fils (de Franciscus et d'Urbain) sur sa propre vie, car lui aussi est fils d'un père et père d'un fils. Le livre couvre de la sorte une période d'un siècle et demi sans que le lecteur ait jamais l'impression que ces vies éloignées dans le temps ne présentent plus qu’un intérêt historique, comme s'il s'agissait de données quasi abstraites dans un continuum grisâtre de générations qui se succèdent. La force de persuasion du livre réside principalement dans le fait que Hertmans prend absolument au sérieux ces vies solidement documentées. Nulle part il n'intervient dans les récits qu'il découvre en émettant les jugements critiques faciles du descendant qui sait et comprend tout après coup, nulle part il ne se montre supérieur en recourant à des ficelles tout aussi commodes que seraient l'ironie, le grotesque ou la caricature, nulle part il ne se profile comme le pivot central égocentrique rayonnant, comme l'artiste génial aux pouvoirs magnétiques ayant pour effet que toutes ces vies quelque peu désordonnées semblent tout d'un coup se couler dans des schémas limpides. Il est évident que Guerre et Térébenthine ne se préoccupe pas le moins du monde des limites traditionnelles entre les différents genres. Le livre comporte des aspects documentaires, tient de l'essai et présente des traits philosophiques, mais tous ces éléments découlent toujours logiquement, presque organiquement, du dessein littéraire. Que des historiens présentent la Première Guerre mondiale comme une rupture sans pareille est ainsi illustré de manière extrêmement concrète - et je dois me limiter à un seul exemple: "La rupture de style est intervenue dans l'éthique de la violence, écrit Hertmans. La génération de soldats belges qui fut conduite dans la gueule monstrueuse des mitrailleuses allemandes au cours de la première année de guerre avait encore grandi selon l'éthique exaltée du XIXe siècle, avec un sentiment de fierté, un sens de l'honneur et des idéaux naïfs. (...) Les soldats se lisaient entre eux des petits livres (...), souvent même de la poésie. (...) Un militaire devait constituer un exemple pour la population qu'il était tenu de protéger. La piété, une aversion radicale pour les abus sexuels, une grande mesure dans la consommation d'alcool, parfois même une abstinence totale." De tous ces idéaux il ne subsistait plus rien dans les tranchées. Ils ont toutefois bel et bien survécu - et c'est ce qui rend tellement attachant ce livre magistral - dans l’existence de ce grand-père réservé, naïf, qui réprimait son chagrin, écrivait et peignait. Cyrille Offermans (Tr. W. Devos) STEFAN HERTMANS, Guerre et Térébenthine (titre original : Oorlog en terpentijn), traduit du néerlandais par Isabelle Rosselin, éditions Gallimard, Paris, 2015, 402 p. (ISBN 978 2 07 014633 8). Rappelons que le n° 3 / 2014 de Septentrion contient des…
Lès bolèdjîs Pètcheûr do Bork. (Dès djins èt dès mèstîs d’ ayîr.)
(En wallon de Saint-Hubert) Prumîre jènèrâcion Mu grand pére , Félicyin Josèf Pètcheûr, è vnu ô monde lu 5 do mwès d’ mê an 1845. Sès parints èstint Jean Josèf Alècsis (03.06.1798) èt Marie Thérèse Beaupré (15.01.1807). Duvè sès dîj ans, il alèt a scole pa l’ roûwe d’ Hamêde. Lu frére du s’ mére Nicolas Josèf Beaupré (30.01.1821) èt s’ fème, Marie Léyopoldine Jacques (25.03.1825), èstint cinsîs èt i dmorint o numèro 33 èt leûs stôles o numèro 35 du ç’ voye la ; asteûre c’ èst l’ mutuèle catolike. Lu 16 do mwès d’ mârs an 1856, sa tante Marie Léyopoldine Jacques donèt l’ djoû a one pètite bwêçale : Marie Augustine Beaupré. An alant ou an rvènant du scole, mu grand pére alèt bèrcè su ptite couzine. Sovint, i dmandèt : « vos m’ l’ ordrez, ma tante ? » Couzin èt couzine ont créchi asson.ne, i djouwint asson.ne, il ont stî o bal asson.ne… Èlle a cand min.me oyu l’ tins d’alè a scole jusk’ a sêze ans. Lî a t’ on ordè ? Ou putônt, s’ ont-i vèyu volti ? Cand il a oyu trante ans èt lèye dîj noûf, i s’ont mariè lu 16 do mwès d’ jun an 1875. Il ont oyu catônrze èfants inture 1876 èt 1902. Sèt’ valèts èt sèt’ bwêçales, totes lès bwêçales ont stî costîres et tos lès valèts ont passè o for po-z-aprinde lu mustî. Dj’ ê atindu on djoû mon.nonke Jules dîre a m’ pére : ─ C’ èst nin po ça sés’, mês nosse mére, èlle èstèt todi ôtrumint ! Félicyin, mu grand pére, èstèt cinsî. Lu façade dol cinse su stindèt do numèro swaçante sèt’ o numèro sèptante sèt’ al roûwe do Mont. Inture lu numèro swaçante noûf èt l’ numèro sèptante èt yonk, i gn-avèt on passadje ki minèt al coûr padrî avou lès stôles, one pètite grègne, lès gurnis èt l’ ancènî. Lès couchèts èt lès bièsses a plumes (pouyes, canards…) dol cinse s’ î porminint a l’ lache. Come dins totes lès cinses du ç’ tins la, o drî dol môjon sèptante sèt’, i gn-avèt on gros forni. Mu grand mére î cujèt l’ pwin. Lès famîyes Pètcheûr, Beaupré, Félix èt aparintéyes avint chacune dupus d’ dîj èfants. Ptit a ptit mu grand mére a cû l’ pwin po totes cès famîyes la èt po lès cis ki vlint do pwin da Marie Féliciyin k’ èstèt si bon. Al comune, èlle èstèt min.me ransègnéye come « boulangère ». Do ç’ tins la, lès fors èstint dès fors a bwès. Po-z-alumè l’ feû, i s’ sièrvèt d’ fagots bin sètchs fêts avou dès coches du sapin. Dès bwès d’ cwade findus tènes èt bin sètchs ossi, dès chunes, brûlint a fére on feû du tos lès djâles. Cand i n’ dumorèt pus k’ dès sanes èt dès ptites bréjes, lu bolèdjî rutirèt totes cès sanes èt cès ptites bréjes la avou on grand rôve du fyinr. I lès rôvlèt dins on grand batch dumi rond k’ on lumèt l’ ètoufwâr. Lu for èstant bin tchônd, on plèt afornè lès pwins. Po fêre lès fagots èt lès cwades du bwès, lu bolèdjî fèt martchî avou on bokion sins ovrâdje. I payèt mitan an sous èt mitan avou dès pwins d’ deûs kilos. Onk dès bokions èstèt on pôn tourciveûs èt il avèt l’ toûr d’ amantchè lès chunes du crèsse po fére dès vûdes inture zèles ; insi, i falèt mwins’ du chunes èt mwins’ du tins po fére one cwade. I gangnèt dès deûs costès. Mu grand pére, ki n’ èstèt nin pus bièsse ku l’ bokion, lî dit on djoû : ─ I m’ son.ne la Lèyon, ku t’ fês bramint dès trôns dins tès cwades ! ─ Bin choûte bin la Féliciyin, i m’ son.ne ku t’ fês bramint dès trons dins tès pwins ossi, sés’ ! On ptit vwèsin, Lèyon, vlèt duvnu bolèdjî ossi. Il avèt vnu trovu m’ grand pére : ─ Dju vourè bin travayè o for avou vos, Félicyin, po-z-aprinde lu mèstî. ─ Tu n’ vous pus ‘nn-alè a scole ? ─ Nèni hin ! Dj’ è sé ddja dpus k’ lès mêsses ! Dju l’s-ènn-î aprindrè bin ! Dupouy çu djoû la, il èstèt o for dol pikète do djoû jusk’ al nwâre nut’. Mês mu grand pére nu l’ lèyèt nin alè ôtoû dès pôsses. Pocwè ? Pace ku chake cônp k’ on dzèt a Lèyon d’ alè s’ lavè, i rèspondèt : ─ I gn-a k’ lès niches ki s’ lavant ! On djoû k’ Lèyon fèt co s’ tièsse du vèrbok èt n’ vlèt nin s’ runètchè, mu grand pére lî dit : ─ T’ ès cand min.me on singulier, sés’, Lèyon ! ─ Ây, èt vos, on plurièl, Félicyin ! Deûzime jènèrâcion Cand l’ pus vî dès-èfants, Josèf (19.07.1876) a oyu doze/trêze ans, lu mére l’ a voyè come mitron amon Buck, bolèdjî so l’ place do Martchî. O cminçmint, il a surtout sièrvu a chovè l’ atelier mês ptit a ptit, come il èstèt malignant èt fwârt, il a vitmint apris l’ mèsti èt sès finèsses. A kinze ans, il a rintrè al môjon èt c’ èst li k’ a fêt rotè l’ bolèdjrîe an êdant Marie. Il ont agrandi l’ forni èt drovu on magazin. Lu pére a achtè on ptit tchfô èt one camionète cand Josèf a oyu l’ âdje du fére dès tournéyes dins lès viyâdjes. Ça duvnèt one vrê bolèdjrîe, çu n’ èstèt pus on forni po cûre pou leû famîye èt lès parints. A pôrti du ç’ momint la, mu grand pére a pris s’ pôrt dins l’ bolèdjrîe, surtout tins d’ l’ iviyinr. Lès djon.nes djins ont cmincè a su rtrovu o for al cîze po î djouwè ôs côtes ou fére dès toûrs du fwace ku mon.nonke Josèf gangnèt todi vu k’ il èstèt l’ pus fwârt. Sayez du v’ coûtchè so on satch du farine du çant kilos èt du v’ rulèvè avou ! Josèf èstèt l’ seûl al rèyussi. Du ç’tins la, cand l’ arméye fèt lès maneûves, lès djins duvint, dins totes lès mojons, vûdè lu prumîre place ki donèt so l’ voye èt î stinde one coûtche du paye po lodjè lès sôndârds èt l’ vaye, duvèt nouri tos lès omes. Come mu grand mére èstèt bolèdjîre so lès lisses dol comune, èle duvèt forni ostant d’ pwins. On houkèt m’ pére ki ruvnè êdè Josèf tote lu duréye dès maneûves. Il a dmorè o for jusk’ an mile noûf çant sèt’, cand li ossi s’ a mariè. Dj’ î rvinrans ! Lu deûzime èfant èstèt one bwêçale : Irma Marie Lèyopoldine Constantine (12.02.1878). Su vîe a stî coûte mês fwart eûreûse lès vint’ chî prumîres anéyes tins k’ èle vikèt avoû ses parints mês su mariâdje a sti on calvêre k’ a durèt onze ans. Èlle avèt tumè so on mèchant ome ki l’ batèt, èle a stî ancinte cink côps mês n’ a oyu k’ deûs èfants vicants télmint ku l’ fôn Emile Bènwèt, s’n-ome, lu fèt sofru. Po bin v’ mostrè k’ il avèt oyu on cônp d’ martê d’ trop èt ki n’ èstèt nin come on-ônte, cwabjî d’ mèstî, il avèt fêt deûs êles an cûr, su lès avèt amantchè so l’ dos, pus avèt stî lès sayè al sucayîre an sôntant do dzeû dol carîre. Tumè come one masse jusk’ o fond, i s’ ènn-avèt tirè avou mwintes cwaches èt one djambe casséye. On lî avèt ramantchè avou deûs tènes plantchètes fwart sèréyes avou one bande. Il a chalè tote su vîe èt rotè avou one cane ki s’ avèt ctayè dins one brantche du bèyônle. Ça n’ l’a nin aspètchè du bate sa fème, tante Irma. Èlle è ratindu famîye po l’ prumî cônp avant l’ mariyâdje. Du ç’ tins la, c’ èstèt one târe, èlle alèt èsse mostréye do dègt tote su vîe èt l’ èfant srè trêtè d’ bastârdè pus tôrd, dins l’ coûr dol sucole. Lès seûrs Bènwèt, k’ èstint dol « Ligue dès fèmes », ont sayè du sôvè l’ oneûr. Èles ont amènadjè Emile èt Irma dins one môjon a Bressoux. La, è vnu ô monde one pètite Juliène ki n’ a vikè ku deûs ans. Après twas/catre ans, il ont ruvnu o Bork. I dmorint o numèro sèptant twas dol roûwe do Mont. On djoû, mu pére passe duvant l’ môjon avou lu tchfô èt l’ bagnon, il atind ma tante Irma ki crîe o scoûrs, il arète lu tchfô èt mousse al môjon po foute one dèguèzine a Bènwèt. O prumî cônp d’ pougne, il sutint. Mês Bènwèt su rlève avou on bokèt d’ jate casséye dins l’…