L’article que vous tenez entre vos mains trouve son origine à la fois dans l’admiration de Marc Meganck pour Baudelaire et dans sa fascination complexe pour Bruxelles. Depuis toujours, il oscille entre amour et désamour pour cette ville. La capitale a non seulement marqué la vie du poète, mais elle a aussi vu naître Marc, notre amour et notre fils.
En retraçant le séjour de Baudelaire à Bruxelles, Marc tente de nous donner les clés pour comprendre pourquoi le poète a développé une telle aversion pour la ville et ses habitants. Et cette quête de sens n’est pas sans fondement. Baudelaire a connu à Bruxelles une succession de désillusions et d’échecs.
En lisant cet article, on en vient même à ressentir une certaine empathie pour l’auteur des Fleurs du Mal.
Quant à Marc, la relation qu’il entretient avec Bruxelles est de l’ordre de l’intime. À chaque retour de voyage, il ressent le besoin vital de marcher dans ses rues, comme si ce rythme était le seul moyen de se reconnecter avec la ville. Il prend un immense plaisir à me faire découvrir les quartiers récemment réaménagés, à me guider vers les nouveaux rooftops qui offrent une vue panoramique à 360° sur la ville. Son visage s’illumine, ses yeux brillent lorsqu’il m’invite à admirer le paysage. Là-haut, il propose même un petit jeu pour me taquiner : identifier les bâtiments qui émergent de la ligne d’horizon, tester mon sens de l’orientation.
Mais parfois la relation tourne au vinaigre. Le moindre groupe de touristes bruyants ou une personne impolie suffit à briser la magie, et Marc se remet à critiquer Bruxelles pour sa saleté, ses aménagements insuffisants ou l’absence d’un passage piéton.
Je souris en pensant qu’il suffit de quelques heures ou de quelques jours pour qu’il redécouvre la beauté de cette ville qu’il aime tant.
Bonne lecture !
Auteur de Charles Baudelaire : Pauvre Bruxelles ! (L'Article n°49)
Marc Meganck est né à Bruxelles en 1975. Licencié en Histoire et diplômé en Gestion culturelle de l’Université libre de Bruxelles, une rencontre avec l’éditeur Bernard Gilson au cours de ses études réveille en lui son désir d’écriture. C’est ainsi qu’en 2007, il publie son premier roman : Génération Raider chez Bernard Gilson Éditeur. Il collabore égalemet par la suite avec d’autres éditeurs (Aparté, 180° éditions…). Ses thèmes de prédilection sont déjà en place. Les petits riens de cette vie quotidienne qui nous colle à la peau. Les bistrots de quartier, la déambulation urbaine, la musique, l’amour, la mort de l’amour, l’amitié, la référence au père…
Les romans et les nouvelles se suivent : le voyage et les rock-stars décédées à 27 ans (Deux fois par an, 2009), un road movie sur les bords du Saint-Laurent au Québec (Port-au-Persil, 2010), ou encore un recueil de seize nouvelles liées entre-elles à la manière d’un faux roman (Camionnette rouge, 2010). En 2012, dans Les Dessous de la Cambre, il crée le personnage de Van Kroetsch, un chômeur longue durée jouant au détective privé, menant des enquêtes déjantées à Bruxelles et ailleurs. Avec Une Vie belge (2013), il nous offre un autre road-movie inter-générationnel dans lequel il espère trouver – en vain – un sens à ce pays de dimensions réduites dans lequel il vit. En 2014, Van Kroetsch est de retour dans Le Pendu de l’Îlot Sacré, pour une virée surréaliste à la découverte d’un Bruxelles face B.
L’étrange et folle aventure du grille-pain, de la machine à coudre et des gens qui s’en servent
On peut n’avoir jamais connu l’odeur d’une tranche de pain brûlé noir de chez noir (parce que sur l’antique grille-pain de vos arrière-grands-parents encore utilisé, les tranches ne sautent pas, il faut les retirer à temps), et ignorer le nom de Lautréamont (« Beau comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie », citation iconique chérie des surréalistes), et néanmoins, se plonger avec curiosité dans ce livre qui évoque l’archéologie, l’usage et les normes qui régissent une grande partie des objets – et notre vie quotidienne. C’est ce à quoi s’attellent deux historiens et universitaires, Gil Bartholeyns (également romancier, auteur de Deux kilos deux , une enquête sur l’élevage intensif de volailles dans les Hautes-Fagnes, Lattès, 2019) et Manuel Charpy (auteur de Ma vie dans la sape , 2020), dans cet ouvrage qui évoque presque, par ses illustrations de toutes époques et tous genres, un catalogue de la Manufacture des armes et cycles de Saint-Etienne, et par son érudition, un précis de sociologie à travers les siècles et les cultures. (On regrette l’impression sur un papier de qualité médiocre, mais soit.)Au départ, donc, il y a un objet. Sa naissance et son pourquoi, son évolution technique, sa diffusion sociale, son accessibilité, les discours qui l’entourent, sa propension à grignoter de plus en plus de parts de marché (même au 19e siècle), et sa capacité incroyable à être transformé au fil du temps (car il en fera gagner tellement…) en outil indispensable à l’existence de tout être humain digne de ce nom… et en figure lexicale basique de tout étudiant en études commerciales. Objet = bingo.Si à 50 ans la vie est foutue quand on n’a pas sa Rolex au poignet, c’est une chose – ridicule on en convient –, mais qui sous-tend une conception du monde social dont Bourdieu a fait son pain. Si en Afrique, « au temps des colonies », un « indigène » portant une montre cassée montrait par là qu’il refusait « le temps colonial » tout en sachant qu’il y était intégré de force, c’est une autre chose, et pas moins signifiante que la première. Bartholeyns et Charpy, munis d’un bagage encyclopédique (parfois trop) sur une foule d’objets qui ont envahi nos vies et celles de nos ascendants, sont d’une efficacité redoutable, et d’une précision référentielle qu’on aurait du mal à mettre en balance, même si le sujet en lui-même n’est pas neuf.Ainsi, prenons les outils de cuisine et les robots ménagers. Quel domaine enchanteur ! Bien utiles à la maison, appelés souvent dès les années 1950 d’un prénom féminin (pour mieux les distinguer bien sûr), ils vont non seulement permettre d’apprendre à la gent féminine à cuisiner (encore) mieux, mais aussi plus vite, moins cher, et avec moins d’effort, c’est évident. La mère de famille pourra mettre à profit ce temps précieux à veiller davantage sur le bien-être domestique (ah ! l’aménagement décoratif du home !), sur elle-même et ses atouts beauté. Chance, il y a là aussi des objets pour lui faciliter la vie, et lui permettre de cumuler le rôle de mère exemplaire, avec celui de décoratrice d’intérieur, et d’épouse sexy quand il est temps (encore…) de le paraître. En 1975, la revue féministe Les pétroleuses y répondait sans discutailler : « Arts ménagers, art d’aménager, la double journée ! » Et si l’on se souvient, chez nous et à raison, des ouvrières de la FN en grève dans les années 1960, réclamant « À travail égal, salaire égal » , on n’oubliera pas non plus la variante sans illusion qu’en tira peu d’années après l’un de nos meilleurs auteurs d’aphorismes, André Stas : « À travail égal, galère égale » .L’aspirateur (mécanique et sans électricité, oui, ça a existé), le téléphone, le vélo d’appartement, le rameur, l’interrupteur, la TSF puis la radio, la télévision, la cassette audio, l’ordinateur, l’agenda électronique, l’hygiène (et le plaisir) intime, la cafetière électrique, la machine à café à dosettes, la poêle antiadhésive et la tondeuse à gazon autonome… N’en jetez plus ? Si, justement. L’obsolescence programmée est là, et les acheteurs compulsifs aussi, que viennent talonner les rétifs de la consommation à outrance. Opposer les Black Friday à la tiny house , voilà l’injonction paradoxale à laquelle la société consumériste et mondialisée nous confronte.Cet ouvrage roboratif et sans complaisance devrait, non pas seulement inquiéter sur notre monde, comme le suggèrent souvent les auteurs, mais au contraire, aider à convaincre qu’il est encore temps d’en changer un peu. Alain Delaunois Grille-pain, machine à coudre ou à laver... Chaque foyer occidental possède une centaine d’appareils ; des objets techniques qu’on utilise sans savoir comment ils fonctionnent. Ce livre propose de les ouvrir et d’explorer la façon dont ils ont bouleversé la vie quotidienne…
C’est à la faveur ( ! ) de l’époque où nous étions confinés au creux de nos logis que Jean-Luc Outers a perçu « le son de la terre ».Il avait toujours eu le sentiment que celle-ci tournait sur elle-même en silence, et voici qu’il saisissait un bruit ténu, lointain, presque imperceptible, qui lui ouvrait des horizons, lui révélait un au-delà mystérieux, captivant, d’une dimension cosmique. « On se croyait enfermé et on entend enfin le son de l’univers. »Avec Un temps immobile , il revit ce temps cloîtré, aux humeurs variées, sur des tons différents. Ici, familier, gentiment ironique : « Le matin, au petit déjeuner, mon fidèle labrador me fixe d’un regard mélancolique, l’air de dire : ‘qu’est ce que tu fais encore ici à cette heure ?’ » .Là, désemparé par l’absence d’événements sportifs, suspendus pour cause de pandémie, alors que, confie-t-il, le sport rejoint pour lui « le registre de l’émotion ». Plus de compétitions sur le petit écran qui ne le fait plus « vibrer, hurler, rire ou pleurer ».Il se désole aussi de ne plus le pratiquer. « Comme Henri Michaux, je suis devenu le sportif au lit ».Devant les musées fermés au public, il s’interroge : des villes sans art sont-elles encore des villes ?Plus loin, il observe comment la vie à deux vingt-quatre heures sur vingt-quatre peut infléchir l’harmonie des couples que des disputes anodines, des oublis sans importance risquent alors d’altérer, d’assombrir.Est venu enfin le temps des assouplissements. De la liberté de mouvements retrouvée.On referme pensivement ce petit livre à l’accent très personnel mais qui nous touche de près. Méditation sensible, éclairante, sur les répercussions du confinement, de la pandémie, dans nos vies.Et l’on se surprend à guetter parfois, secrètement, « le son de la terre ». Francine Ghysen Plus d’information Est-ce que la terre tourne sur elle-même en silence ? Aujourd’hui que je vis dans le silence du confinement, délivré du tintamarre des voitures, du grondement des avions, du sifflement des trains, du crépitement des marteaux-piqueurs, j’ai enfin trouvé la réponse. J’ai entendu ce son imperceptible surgissant de loin, pareil à celui des ailes d’un moulin propulsées par le vent. On se croyait enfermé et on entend enfin le son…