Afin de renseigner plus facilement les citoyennes et citoyens désireux d’apprendre ou de pratiquer leur langue régionale, Objectif plumes consacre une nouvelle page de son annuaire aux cours et tables de conversation.
À l’heure actuelle, les langues régionales de la Fédération Wallonie-Bruxelles (bruxellois, champenois, francique, gaumais, picard, wallon) ne se transmettent plus que rarement dans la sphère familiale. Les cours et tables de conversation qui permettent leur apprentissage revêtent donc une grande importance. Or, ces initiatives, pourtant nombreuses et par ailleurs encouragées dans le cadre du label « Ma commune dit Oui aux langues régionales », sont souvent méconnues du grand public.
Pour répondre à cet enjeu, le portail Objectif plumes a établi une cartographie des différents ateliers, cours et tables de conversation en langues régionales ayant lieu en Wallonie et à Bruxelles.
Grâce à cette carte, vous trouverez aisément une table de conversation près de chez vous ainsi que les informations nécessaires à l’inscription (telles que l’adresse, la personne de contact ou encore l’horaire et la périodicité).
Visiter la carte sur Objectif plumes
La base de données d’Objectif plumes est toujours en cours de construction.
Vous organisez une table de conversation ou un cours de langue régionale qui ne figure pas encore sur la carte ? Vous pouvez utiliser le formulaire accessible via le lien ci-dessous pour référencer votre activité, qui figurera alors dans l’annuaire.
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Pour toute question, s’adresser à : Gwenaëlle Cappellin – langues.regionales@cfwb.be
Li Rantoele - n° 104 hiver 2022-2023 - Ivier 2022-2023
Sommaire • Esteut ç’ on broûlaedje totoute? par Ziré Malet • « Refudjeye d’ Oucrinne nén oucrinnresse » par Zahra Aimad…
Enseigner une littérature «invisible» à l’Université. Le cas de la littérature en langue picarde
En avril 2023, la Société organisait une journée de mise à l’honneur de nos membres correspondants. À cette occasion, quatre d’entre eux ont eu l’occasion de prendre la parole sur des sujets de leur choix, soit en lien avec les langues régionales de Belgique romane, soit à propos de sujets d’études proches de nos considérations. Les intervenants ont accepté de faire part de leurs présentations par écrit et nous nous proposons de les publier dans Wallonnes, au fil des numéros. Voici la deuxième contribution: celle d’Olivier Engelaere, introduite par Baptiste Frankinet. * Présentation Il est presqu’impossible, à l’heure actuelle, d’évoquer la langue et la littérature picardes, sans arriver rapidement à mentionner le nom d’Olivier Engelaere . Historien et documentaliste de formation, Olivier a été chargé dès 1999 de développer des projets de défense, de soutien, d’illustration de la langue picarde au sein de l’Office Culturel Régional de Picardie. Et, dès cette première mission, force est de constater qu’il s’est pris d’une passion incommensurable pour le picard, sous tous ses aspects. Sa passion n’a d’égal que l’investissement et l’énergie immenses qu’il a pu déployer au cours des vingt-cinq dernières années pour mener à bien les missions qui lui ont été confiées à la fin du 20e siècle. En 2009, le département Langue et Culture de Picardie qu’il avait savamment organisé au sein de l’office culturel régional de Picardie, se concrétise en une Agence régionale de la langue picarde. Cette agence, directement missionnée par la Région Hauts-de-France, est placée sous sa responsabilité et développe des opérations de promotion qui prennent les formes les plus diverses: organisation de prix, animations scolaires, développement d’ateliers d’écriture en bibliothèque ou en milieu carcéral, défense militante de la langue, soutien dans l’apprentissage, organisation d’une commission de terminologie picarde, aide à la publication, et j’en passe. Parallèlement, il fonde la maison d’édition Engelaere, une maison d’édition associative spécialisée dans les questions culturelles régionales et notamment dans l’édition en langue régionale. Cet outil vient, incontestablement, en aide aux auteurs et aux écrivains picards, et cherche à leur assurer une diffusion et une promotion convenables face au marché concurrentiel du livre en français ou en langue étrangère. Depuis 2015, Olivier Engelaere assure un cours de langue et culture picardes à l’Université de Picardie-Jules Verne à Amiens. Depuis 2020, il organise également un cours similaire à l’Université Polytechnique des Hauts-de-France à Valenciennes. En 2021, il accepte de devenir membre correspondant de notre SLLW, a fortiori parce que le picard est un de nos objets d’études. La langue picarde, qu’il défend et qu’il promeut depuis des années, déborde sur une grande partie du Hainaut. Depuis 2022, il a entrepris une thèse qui étudie la littérature de langue picarde au 19e siècle, sous la direction de Marie-Françoise Melmoux-Montaubin. C’est donc avec grand plaisir que nous accueillons Olivier Engelaere au sein de notre Société, en qualité de membre correspondant, en espérant qu’il pourra s’appuyer sur les études faites par cette même Société pour toute la région picarde, mais qu’il pourra également nous aider à mieux connaître le picard tel qu’il est parlé outre-Quiévrain. © Baptiste Frankinet, revue Wallonnes 4-2023, SLLW, Liège, Belgique * Enseigner une littérature «invisible» à l’université Le cas de la littérature en langue picarde par Olivier Engelaere Je tiens en premier lieu à vous remercier pour l’honneur qui m’est fait de me proposer de devenir membre correspondant de la Société de langue et de littérature wallonne dont l’objet, la défense et la promotion des langues régionale, a été, pi i est toudis, un des moteurs de mon existence. Lorsque Monsieur Frankinet m’a demandé de choisir un thème pour cette intervention, tout de suite le rapport entre nos langues régionales et le monde universitaire m’est venu à l’esprit. Comme vous le savez certainement, un évènement très important, qui a bouleversé notre paysage, dans le nord de la France, a eu lieu le mardi 14 décembre 2021. Il s’agit de la publication d’une circulaire du ministère de l’Éducation nationale qui ajoute le picard, ainsi que le flamand occidental et le franco-provençal, à la liste des langues régionales qui peuvent être enseignées à tous les niveaux de la scolarité. Je passerai sur l’aventure qu’a été l’élaboration de ce texte et les méandres politiques qui ont permis que le picard ne soit pas oublié. Le picard jouit donc aujourd’hui du même statut dans l’enseignement que le basque, le breton ou l’occitan. Ce qui ne veut pas dire bien entendu qu’il en est au même point qu’eux… bien loin de là, et c’est un euphémisme que de le dire. Cette irruption presque brutale du picard dans l’éducation nationale a engendré de suite la question de la formation des maîtres qui seront en charge de son enseignement. Immédiatement, les regards se portent vers l’Université dont une des missions est de former les futurs enseignants. Le picard et l’Université, c’est une histoire ancienne. Le professeur Jean-Michel Eloy, de l’Université de Picardie Jules Verne, a consacré un article, non publié à ma connaissance, sur ce sujet. À l’Université de Lille, une chaire de «langue et littérature picarde et wallonne» existe depuis 1892. L’enseignante actuellement en poste est Esther Baiwir, dialectologue liégeoise que vous connaissez très probablement. Cette chaire a d’abord été occupée par des médiévistes et aujourd’hui la présence du picard à l’Université de Lille dépend du Centre d’études médiévales et dialectale. Ni les mots langue picarde ni les mots littérature picarde n’apparaissent dans la présentation des composantes de ce centre sur le site internet de l’Université. Les étudiants lillois de lettres peuvent donc suivre une option «langue, littérature et culture régionale». Le nom de la région concernée n’étant pas précisée, on imagine qu’il s’agit de langue et de littérature picardes, et non flamande puisque le flamand occidental est également une langue régionale des Hauts-de-France. À Amiens, le picard est présent à l’Université depuis sa création en 1971. C’est à la demande de son premier président, Dominique Taddéi, qu’est créé le Centre d’Etudes Picardes alors sous la responsabilité de Jacqueline Picoche, professeure de linguistique. Ici aussi, l’étude du picard est proposée aux étudiantes et étudiants sous la forme d’une option dont la forme a beaucoup varié selon les époques. Ce sont essentiellement des linguistes qui ont été en charge de cette option et je me dois de citer le nom de l’infatigable René Debrie. Cette option a eu une ampleur parfois assez considérable en termes d’horaires et a recouru à de nombreux vacataires. Depuis le départ de Jean-Michel Éloy, qui avait succédé à Jacqueline Picoche, plus aucun enseignant titulaire n’est responsable directement de cet enseignement, qui se poursuit et est donc aujourd’hui entre les mains de chargés de cours, dont je fais partie. Enfin, le picard est enseigné depuis l’année 2019-2020 à l’Université Polytechnique du Hainaut à Valenciennes dans le cadre d’un module d’ouverture de 18h par semestre. La demande de l’Université était de proposer un cours d’apprentissage de la langue. Là également, l’enseignement n’est pas assuré par un titulaire mais par un vacataire, ch’est toudis mi. Il n’y a donc, aujourd’hui, qu’à l’Université de Lille, qu’une enseignante titulaire se charge elle-même les cours de l’option «picard» entre guillemets. La présence du picard à l’Université,…
In Memoriam André Lamborelle. «Djâzans walon li pus’ possibe...»
André Lamborelle nous a quittés le 28 octobre dernier, dans sa 86e année. Il était né à Mont-lez-Houffalize le 25 août 1935, dans une exploitation agricole et avait repris le bâtiment de sa ferme natale lors du décès de ses parents. La langue wallonne perd un de ses grands défenseurs, qui se faisait un honneur de dialoguer en wallon à toutes occasions. * Après des études secondaires au Séminaire à Bastogne, il prit le chemin de l’Université catholique de Louvain pour y décrocher une licence en philologie romane et l’agrégation pour l’enseignement supérieur. C’est alors à Ganshoren, dans la périphérie bruxelloise, qu’il passa sa vie active au Collège du Sacré-Cœur. Il y enseigna le français, le latin, le grec puis l’espagnol, aux élèves des 5e et 6e années d’Humanités. Ceux-ci se souviennent d’un professeur passionné par les langues romanes, ennemi des anglicismes récurrents. Durant ses loisirs il pratiquait l’apiculture et entretenait deux ruchers: l’un à Bruxelles et l’autre dans son village natal d’Ardenne. Il fabriquait également des vins de fruit et des limonades naturelles. Il prit sa retraite en 1995 et revint pratiquement s’établir dans sa maison paternelle de Mont-Houffalize. Il en profita alors pour voyager et se rendre régulièrement en Catalogne, où il possédait une maison de campagne et en Roumanie, où il avait noué de réelles amitiés avec des villageois lors de l’opération «Villages roumains» initiée par la Belgique. * Sa retraite lui permit également de se consacrer à celle qui deviendra sa plus grande passion durant un quart de siècle: la langue wallonne. C’est par la participation à des Copin’ries et par la récolte de mots wallon, à travers l’hebdomadaire «Les annonces de l’Ourthe», pour la création d’un glossaire régional, qu’il apparaîtra dans le paysage wallonophone fin des années 1990. Il créa alors son slogan: «Sâvans èt wârdans nosse walon» et se mit en croisade pour la reconnaissance de la langue régionale. En 2000, suivant l'exemple des Waloneûs du Payis d’ Sâm et des Rcauzeûs d’ walon de Bertrix, il mit sur pied à Houffalize, chef-lieu de son village natal, une première Copin’rîe, baptisée Copin’Oufa. Il y format un petit groupe qui se réunissait une fois par mois ; il prolongea son œuvre en créant des nouvelles Copin’rèye: à Bastogne pour commencer puis à Manhay, Rendeux et Marche. Il se rendait aux rendez-vous de chacune d’entres elles, s’occupant de l’animation, tout en choisissant à chaque endroit, des Copineûs qui pouvaient prendre le relais et continuer ces tables de conversations wallonnes. * Il rejoignit alors rapidement la Fédération culturelle wallonne et gaumaise provinciale et l’Union culturelle wallonne. Lors de la Quinzaine des langues régionales de 2001, il participa à cinq foires artisanales, afin de créer des animations wallonnes et récolter des signatures sur une pétition organisée afin de rendre au wallon sa place à la RTBF. Il fut aussi un dynamique promoteur des quatre éditions de l’élection de Mamzèle Lingadje, organisées de 2001 à 2004. Il promeut alors le théâtre en assistant régulièrement aux représentations des différentes troupes provinciales et dès 2002, tint le rôle de vice-président fédéral durant de nombreuses années. Il prenait également le rôle de conteur, lors des fêtes régionales des Vîs mèstîs, ainsi qu’à celle organisée au Fourneau Saint-Michel de Saint-Hubert, sous l’appellation «Amon nos-ôtes». Son plus grand souci fut la transmission du wallon aux jeunes générations et pour ce fait, il se dévoua corps et âme pour le «Wallon à l’école en Luxembourg» en organisant les Concours/Festivals de récitations wallonnes pour le nord de la province, puis en devenant président du Comité organisateur provincial en 2007. Il œuvra alors de bon cœur pour la Fédération provincial (RFCWGLB) et pour l’UCW durant les années qui suivirent, en ne ratant aucune pièce de théâtre de sa région tout en honorant chaque finale de Coupe du Roi de sa présence. * Il était partout «noste André», durant ces deux décennies, tant et si bien que le groupe houffalois de chansons wallonnes, les Dji s, lui consacra une de ses chansons. Avec l’âge, il se fit moins présent, et l’une de ses dernière apparition hors de ses terres de haute Ardenne, fut sa présence lors de la création de la Copin’rîe de Libin en 2014. Il tenait à être là, pour encourager les Rcauzeûs, lui le Mwêsse-Copineûs, et leur souhaiter de longues années d’existence. Plus discret ces quelques dernières années, ne pouvant plus conduire sa voiture, il restait à Bruxelles, délaissant un peu contre son gré, son village natal de Mont. André nous a donc quittés en cette fin d’année 2020, en nous laissant le souvenir d’un ardent défenseur de la langue pour laquelle il s’investissait sans relâche ; il nous lègue quelques maximes toujours d’actualité, telle : «djâzans walon li pus’ possibe èt tot costé, ni pièrdans nin nos rècinées ni nosse patrimwane». © Pierre Otjacques, revue…