Afin de renseigner plus facilement les citoyennes et citoyens désireux d’apprendre ou de pratiquer leur langue régionale, Objectif plumes consacre une nouvelle page de son annuaire aux cours et tables de conversation.
À l’heure actuelle, les langues régionales de la Fédération Wallonie-Bruxelles (bruxellois, champenois, francique, gaumais, picard, wallon) ne se transmettent plus que rarement dans la sphère familiale. Les cours et tables de conversation qui permettent leur apprentissage revêtent donc une grande importance. Or, ces initiatives, pourtant nombreuses et par ailleurs encouragées dans le cadre du label « Ma commune dit Oui aux langues régionales », sont souvent méconnues du grand public.
Pour répondre à cet enjeu, le portail Objectif plumes a établi une cartographie des différents ateliers, cours et tables de conversation en langues régionales ayant lieu en Wallonie et à Bruxelles.
Grâce à cette carte, vous trouverez aisément une table de conversation près de chez vous ainsi que les informations nécessaires à l’inscription (telles que l’adresse, la personne de contact ou encore l’horaire et la périodicité).
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La base de données d’Objectif plumes est toujours en cours de construction.
Vous organisez une table de conversation ou un cours de langue régionale qui ne figure pas encore sur la carte ? Vous pouvez utiliser le formulaire accessible via le lien ci-dessous pour référencer votre activité, qui figurera alors dans l’annuaire.
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Pour toute question, s’adresser à : Gwenaëlle Cappellin – langues.regionales@cfwb.be
In Memoriam André Lamborelle. «Djâzans walon li pus’ possibe...»
André Lamborelle nous a quittés le 28 octobre dernier, dans sa 86e année. Il était né à Mont-lez-Houffalize le 25 août 1935, dans une exploitation agricole et avait repris le bâtiment de sa ferme natale lors du décès de ses parents. La langue wallonne perd un de ses grands défenseurs, qui se faisait un honneur de dialoguer en wallon à toutes occasions. * Après des études secondaires au Séminaire à Bastogne, il prit le chemin de l’Université catholique de Louvain pour y décrocher une licence en philologie romane et l’agrégation pour l’enseignement supérieur. C’est alors à Ganshoren, dans la périphérie bruxelloise, qu’il passa sa vie active au Collège du Sacré-Cœur. Il y enseigna le français, le latin, le grec puis l’espagnol, aux élèves des 5e et 6e années d’Humanités. Ceux-ci se souviennent d’un professeur passionné par les langues romanes, ennemi des anglicismes récurrents. Durant ses loisirs il pratiquait l’apiculture et entretenait deux ruchers: l’un à Bruxelles et l’autre dans son village natal d’Ardenne. Il fabriquait également des vins de fruit et des limonades naturelles. Il prit sa retraite en 1995 et revint pratiquement s’établir dans sa maison paternelle de Mont-Houffalize. Il en profita alors pour voyager et se rendre régulièrement en Catalogne, où il possédait une maison de campagne et en Roumanie, où il avait noué de réelles amitiés avec des villageois lors de l’opération «Villages roumains» initiée par la Belgique. * Sa retraite lui permit également de se consacrer à celle qui deviendra sa plus grande passion durant un quart de siècle: la langue wallonne. C’est par la participation à des Copin’ries et par la récolte de mots wallon, à travers l’hebdomadaire «Les annonces de l’Ourthe», pour la création d’un glossaire régional, qu’il apparaîtra dans le paysage wallonophone fin des années 1990. Il créa alors son slogan: «Sâvans èt wârdans nosse walon» et se mit en croisade pour la reconnaissance de la langue régionale. En 2000, suivant l'exemple des Waloneûs du Payis d’ Sâm et des Rcauzeûs d’ walon de Bertrix, il mit sur pied à Houffalize, chef-lieu de son village natal, une première Copin’rîe, baptisée Copin’Oufa. Il y format un petit groupe qui se réunissait une fois par mois ; il prolongea son œuvre en créant des nouvelles Copin’rèye: à Bastogne pour commencer puis à Manhay, Rendeux et Marche. Il se rendait aux rendez-vous de chacune d’entres elles, s’occupant de l’animation, tout en choisissant à chaque endroit, des Copineûs qui pouvaient prendre le relais et continuer ces tables de conversations wallonnes. * Il rejoignit alors rapidement la Fédération culturelle wallonne et gaumaise provinciale et l’Union culturelle wallonne. Lors de la Quinzaine des langues régionales de 2001, il participa à cinq foires artisanales, afin de créer des animations wallonnes et récolter des signatures sur une pétition organisée afin de rendre au wallon sa place à la RTBF. Il fut aussi un dynamique promoteur des quatre éditions de l’élection de Mamzèle Lingadje, organisées de 2001 à 2004. Il promeut alors le théâtre en assistant régulièrement aux représentations des différentes troupes provinciales et dès 2002, tint le rôle de vice-président fédéral durant de nombreuses années. Il prenait également le rôle de conteur, lors des fêtes régionales des Vîs mèstîs, ainsi qu’à celle organisée au Fourneau Saint-Michel de Saint-Hubert, sous l’appellation «Amon nos-ôtes». Son plus grand souci fut la transmission du wallon aux jeunes générations et pour ce fait, il se dévoua corps et âme pour le «Wallon à l’école en Luxembourg» en organisant les Concours/Festivals de récitations wallonnes pour le nord de la province, puis en devenant président du Comité organisateur provincial en 2007. Il œuvra alors de bon cœur pour la Fédération provincial (RFCWGLB) et pour l’UCW durant les années qui suivirent, en ne ratant aucune pièce de théâtre de sa région tout en honorant chaque finale de Coupe du Roi de sa présence. * Il était partout «noste André», durant ces deux décennies, tant et si bien que le groupe houffalois de chansons wallonnes, les Dji s, lui consacra une de ses chansons. Avec l’âge, il se fit moins présent, et l’une de ses dernière apparition hors de ses terres de haute Ardenne, fut sa présence lors de la création de la Copin’rîe de Libin en 2014. Il tenait à être là, pour encourager les Rcauzeûs, lui le Mwêsse-Copineûs, et leur souhaiter de longues années d’existence. Plus discret ces quelques dernières années, ne pouvant plus conduire sa voiture, il restait à Bruxelles, délaissant un peu contre son gré, son village natal de Mont. André nous a donc quittés en cette fin d’année 2020, en nous laissant le souvenir d’un ardent défenseur de la langue pour laquelle il s’investissait sans relâche ; il nous lègue quelques maximes toujours d’actualité, telle : «djâzans walon li pus’ possibe èt tot costé, ni pièrdans nin nos rècinées ni nosse patrimwane». © Pierre Otjacques, revue…
On peut dire , sans trop se tromper, que le théâtre wallon connaît ses débuts au…
Bokèts po l’ dêrène chîje : Poèmes pour l’ultime veillée
Peu de temps avant son décès, le grand écrivain wallonophone Émile Gilliard avait transmis à son éditeur les épreuves corrigées de Bokèts po l’ dêrène chîje . La première édition de cette œuvre — une édition artisanale en 50 exemplaires, aujourd’hui introuvable — lui avait valu le prix triennal de Poésie en langue régionale de la Fédération Wallonie-Bruxelles 2005 et était vue comme un incontournable de sa bibliographie. Sa réédition dans une collection de plus large diffusion et avec des adaptations françaises est donc une initiative bienvenue. Si cette réédition fait œuvre de justice en permettant à la poésie d’Émile Gilliard d’atteindre des lecteurs qu’elle n’a jamais pu toucher auparavant, soulignons qu’elle fait aussi œuvre utile. En effet, elle fournit aux amateurs une réalisation exemplaire, témoin de la richesse du wallon sous la plume d’un auteur qui le possède pleinement, mais aussi des voies audacieuses empruntées par la poésie d’expression régionale depuis le milieu du 20e siècle.Émile Gilliard est en effet un héritier de la « génération 48 », qui a renouvelé cette poésie par la recherche de formes nouvelles et l’exploration de thèmes actuels. Ces jeunes poètes et leurs continuateurs visaient l’universalité, à travers des œuvres qui ne reniaient en rien leur attachement à leur région ni leurs origines souvent modestes.Dans Bokèts po l’ dêrène chîje , Émile Gilliard applique fidèlement ces principes, suivant une route d’abord tracée par Jean Guillaume, son maitre en poésie. Écrites dans les années qui ont suivi son départ à la retraite, les trois séries qui composent ce recueil explorent le regret lié au temps perdu, l’amertume d’avoir dû travailler pour d’autres, la fatigue physique et mentale… Au fil des poèmes, le lecteur découvre une langue particulièrement souple, riche d’adjectifs aptes à traduire, par exemple, les nuances de ce dernier sentiment : nauji [ « lassé » ], scrandi [ « fatigué » ], nanti [ « exténué » ], odé [ « lassé » ], skèté mwârt [ « éreinté » ]…Par endroits, le poète renoue avec la colère qui s’exprimait à plein dans certaines œuvres précédentes ( Vias d’mârs´ en 1961 , Come dès gayes su on baston en 1979) : ’L âront scroté nos tëresèt nos cinses èt nos bwès,à p’tits côps, à p’tits brûts,[…] come dès fougnantsk’on wèt todis trop taurdcand leû jèsse a stî fêteèt k’ tot-à-fêt a stî cauvelé. Dès-ans èt dès razansk’on a cauzu ovré d’zos mêsse,[…] dissus nos prôpès tëres. [Ils auront dérobé nos terres, / fermes et forêts, / peu à peu, sans fracas, / (…) comme des taupes / qu’on détecte toujours trop tard, / quand elles ont accompli leurs méfaits / et qu’elles ont tout creusé. // Une éternité / qu’on a quasi œuvré / sous tutelle, / (…) sur nos propres terres.] Ailleurs, il reprend les questionnements d’ordre métaphysique qui traversaient À ipe , cette autre œuvre importante, rééditée dans la collection micRomania en 2021. Èt si nosse bole âréve bukéconte one sitwale ? […] Èt nos-ôtes bèrôderèt r’nachî à non-syinceaprès l’ dêrène ruwale ? [Et si notre globe / avait cogné une étoile ? (…) // Nous aurions erré, / cherché inutilement / une ultime issue ?] Ces deux veines majeures de l’œuvre gilliardienne — le questionnement sur l’homme et son environnement, la défiance envers l’exploiteur, en communion avec tous les exploités — trouvent un point de rencontre dans les pages les plus fortes du recueil. C’est alors la métaphore de la maison qui exprime la détresse du « je » (non, du « dji » ) face aux communs massacrés au bénéfice de quelques-uns. ’L ont rauyî djustotes lès pîres dissotéyesèt lès tchèssî au lon,à gros moncias.Èt c’èst cauzucome s’il ârén´ ieû v’luchwarchî è vike,chwarchî è m’ pia.Come si l’ maujoneâréve ieû stîon niër, on burton d’ mès-oûchas. [Ils ont arraché / toutes les pierres descellées / et les entasser au loin, / et c’est quasi comme / s’ils avaient voulu / m’écorcher vif, / charcuter ma peau, / comme si la maison eût été un nerf, / un moignon de mes os.] De manière plus explicite, Émile Gilliard fait le lien avec le désastre écologique dans le poème d’épilogue, écrit spécialement en vue de cette deuxième édition. Vêrè ként’fîye on djoûki l’eûwe ni gotinerè pus wêre foû dès sourdants.On s’ capougnerè po sayî d’ ramouyî sès lèpes.Vêrè ki l’ têre toûnerè à trîs et tot flani,ki nos maujones si staureront su nos djoûs,èt nosse lingadje ni pus rén volu dîre. [Peut-être viendra-t-il un jour / où l’eau filtrera à peine de la source. / On s’empoignera pour se rafraîchir les lèvres. / Une terre stérile fera flétrir les plantes. / Notre maison s’écrasera sur nos jours, / et notre langue n’aura plus de sens.] Au possible effondrement des équilibres naturels fait écho ici celui d’une langue. Bokèts po l’ dêrène chîje est aussi traversé des préoccupations d’un homme qui a donné tous ses loisirs à la langue wallonne et laisse parfois libre cours à son pessimisme : « po ç’ k’il è d’meûre : / on batch di cindes èt dès spiyûres, / sacants scrabîyes / k’on îrè cheûre èt staurer sul pî-sinte » [ « pour ce qu’il en reste : / un bac de cendres, des déchets, / des escarbilles / à secouer et à répandre sur le sentier » ]Et c’est en cela que cette réédition prend une valeur supplémentaire : en redonnant à lire des poèmes qui ne taisent pas son sentiment de lassitude et d’isolement, elle nous rappelle que leur auteur a toujours su le dépasser. Émile Gilliard, en effet, n’a jamais cessé d’écrire dans sa langue première et a consacré ses dernières années à d’importants travaux philologiques. Ce livre prend donc, en creux, la valeur d’une ode à sa résilience et à son formidable engagement. Julien Noël Les traductions offertes ici sont les adaptations littéraires de l’auteur. Plus d’information Ce tryptique a été publié artisanalement, en wallon, à compte d'auteur, en tirage restreint, en 2004. Le dernier volet Crèchinces a également fait l'objet d'un numéro des Cahiers wallons . La présente édition est assortie d'une adaptation en langue française. L'ordre des textes comporte des modifications et un poème d'épilogue résume l'esprit du recueil. L'actuelle situation du monde donne à ces poèmes un reflet d'authenticité. Y pointent heureusement des germes d'espérance et de lumière. Le dilemme reste présent : d'un côté, l'appât du gain, du plaisir, du soi-disant progrès, le manque d'amour d'autrui, de l'autre, le respect de l'humanité, de la nature, du climat. L'humanisme triomphera-t-il d'un matérialisme borné dans lequel notre civilisation peine…