Auteur de Avec un orgasme sur la tête en guise de bonnet d’âne
ils m’appellent l’idiot
s’imaginent que cette traîne luisante que je poursuis depuis des années le ruban des mots ne peut être ni contré ni entièrement déroulé qu’il n’y a rien à préserver qu’il est vain d’investir dans une langue qui se maintient avec les bêtes en périphérie de l’essentiel se penche au-dessus du vide s’y abreuve parfois (…)
David Besschops est un grand. Un très grand. Qu’il écrive parfois des livres tout petits, de moins de vingt pages, à de tout petits tirages, chez de tout petits éditeurs, ne change rien à l’affaire : lire Besschops, c’est se prendre, en pleine figure,…
Quarante ans d’édition à La Pierre d’alun, animée par Jean Marchetti, cela n’est pas rien, et la Bibliotheca Wittockiana à Bruxelles s’en fait l’écho au travers d’une éclairante mise en perspective de textes et d’images, jusqu’au 24 janvier prochain . C’est également l’occasion de revenir sur l’un ou l’autre ouvrage récemment inscrit au catalogue, dont ces Paupières de sel que l’on doit à Muriel Logist. Illustratrice, fana de typographie, graphiste, faiseuse de livres (ceux de Jean Marchetti et d’autres), la voici en tant qu’autrice, dans ce recueil où l’accompagnent les dessins au trait délié de Pascal Lemaître . Muriel Logist y donne la parole à une femme, dont le questionnement dévorant est celui de l’amour. Celui qui est, celui qui fut ? Celui de tous les états, de l’état de grâce (il faut bien commencer) à l’état de détresse (il faut en finir, mais comment s’en arracher ?) Cet amour qui séduit, emporte, déclenche le ravissement – « au coin de la lèvre comme un enchantement » – c’est aussi, durement, celui qui déchire, qui brutalise, qui enferme, sans même plus s’apercevoir de la violence et des chemins tortueux qu’il impose.La narratrice, du haut de ses sept ans, éprouve déjà l’idée de la mort, la sienne, elle « perçoit très douloureusement / et très exactement / l’idée du néant / ça l’étouffe et elle a envie de crier. / Or elle se tait. » Les années passent mais ne dissipent pas ce mal-être existentiel, la conscience de l’absurdité de vivre ne la quitte pas. « Il y a de la place en elle / et cependant elle reste vide. » On songe à l’obstination de Michel Leiris, toujours sur la crête de l’auto-dépréciation, dans cette quête où la narratrice redoute, en ce qui lui manque, de ne jamais être à la hauteur de la plus infime – et la plus intime – considération de soi. Peut-on soi-même savoir aimer, quand on ne sait si on sera, un jour, en mesure d’être aimable ?Le texte, par fragments brefs, passe de la troisième à la deuxième personne, parfois la première, la narratrice s’adressant à elle-même autant, par moments, qu’à la personne dont l’absence et le silence sont les seuls signes d’une présence à l’autre. Les mots pourraient-ils formuler d’une autre manière cette existence sans échappée ? Il y a certes la sexualité, mais l’acte lui-même, pourtant irrépressible parfois, ne fait qu’exacerber cette tension, cette « colère impuissante » qui l’envahit contre ce qui l’entoure, et plus encore, contre elle-même. « Les hommes qui la prennent sont une simple / fièvre subite qui déploie lentement dans son / ventre ses pétales vénéneux et viciés. » Cet examen d’une vie en constant effritement, où la solitude grignote sans remords ce qu’il reste des battements de cœur, faute de protagonistes, pourrait sembler sans grâce aucune ni répit. C’est moins du désamour d’une personne que de l’amour de l’amour que tente de sortir la narratrice. L’écriture de Muriel Logist déroule pourtant un fil à soi ténu mais vivant – dont témoignent des jeux de mots, de modestes pirouettes, une ironie à froid : « Je passe mes jours à faire des pas. / Des pas assez. » Derrière le miroir tendu, un éclair de soleil s’enhardit et traverse alors avec audace le ciel gris, les eaux sombres d’une mer agitée. L’indulgence envers soi, cette planche de salut. …