André Doms : Entre épopée et lyrisme ; suivi d'un choix de poèmes

RÉSUMÉ

Je pratique André Doms depuis une bonne vingtaine d’années et je m’étonne toujours qu’un personnage d’allure et de façon aussi stables dans l’apparence soit aussi insaisissable. Je crois tenir de ce fait une interprétation assez légitime dans la mesure, certes, où l’on peut se targuer de pénétrer l’essence d’un poète par des procédés analytiques.

 

À PROPOS DES AUTEURS
Pierre Romnee

Auteur de André Doms : Entre épopée et lyrisme ; suivi d'un choix de poèmes

  • Arpa
  • La Sape
  • Le Journal des poètes
  • L' Etrangère
  • Estuaires
  • Sources
  • Le Lyrisme de la réalité ( avec P. Chappuis, S. Dupuis et C. Dourguin), La Dogana, 2003.
  • Christian Hubin, dernier numéro du Courrier du Centre international d' Etudes Poétiques,227-228, juillet-décembre 2000.
  • Georges Thinès

    Auteur de André Doms : Entre épopée et lyrisme ; suivi d'un choix de poèmes

    Georges Thinès naît à Liège, le 10 février 1923. Il mènera de front trois carrières différentes encore que complémentaires : celle d'homme de sciences; celle d'écrivain (dans laquelle il abordera du reste la quasi-totalité des genres); celle de violoniste et de musicien. D'entrée de jeu donc, Thinès apparaît comme un écrivain fasciné par la science et par la musique. Mais il serait un peu court d'en rester à ce constat, relativement évident. Fils d'un ingénieur des mines, Thinès voyagera dès l'enfance au gré des déplacements professionnels de son père; les premiers paysages qui le fascineront seront ceux de la Campine, auxquels se juxtaposera le monde souterrain et mystérieux des galeries de mines, parcourues très tôt en compagnie de son père. Il fera ses études au Collège de Visé, lieu d'une rencontre capitale : celle de l'adolescent avec le monde romain, dont la contraction verbale et les mystérieuses effigies ne cesseront plus de le hanter. À la fin de la seconde guerre mondiale, il s'engage dans la Royal Navy puis reprend, à l'Université de Louvain, des études de psychologie et de philosophie qui le conduiront à une brillante carrière scientifique couronnée dès 1971 par le prix Francqui. Si l'exercice de la littérature lui fut naturel très tôt, ce n'est qu'en 1959 – il a trente-six ans – qu'il se décide à sauter le pas de la publication avec un recueil, Poésies, dont Georges Jacques dira qu'on y découvre une influence de la dialectique valéryenne et un intérêt pour les problèmes du graphisme et de la géométrie spatiale. Dès lors, l'écrivain semble vouloir rattraper le temps perdu, les œuvres paraissant couler de source. Mais il est à noter que, en permanence, la poésie restera pour lui la source la plus secrète et la plus essentielle de sa démarche créatrice. Son premier ouvrage en prose, Les Effigies, est publié par Gallimard en 1970. Thinès y mêle autobiographie et réflexion sur le temps, un des thèmes majeurs de toute l'œuvre à venir. C'est aussi l'hommage d'un écrivain à tous ceux qui, dans son adolescence, lui ont ouvert les portes du monde romain, civilisation-mère génératrice d'action et de magie. Les œuvres romanesques qui suivent forment un tout cohérent et rigoureux : Le Tramway des officiers (qui paraît en 1974, après avoir reçu le prix Rossel) est, en apparence, le plus classique des romans de Thinès : le pré-texte (au sens littéral) de l'Occupation, permet à l'écrivain de mener une réflexion sur la liberté, le réel, les apparences et l'ambiguïté existentielle, le bonheur, les hasards objectifs, et de démonter, sans avoir l'air d'y toucher, les ressorts du roman traditionnel qui, jamais, n'intéressera Thinès, sinon, en quelque sorte, comme objet de dissection intellectuelle. Comme libéré des dernières dettes envers le roman réaliste, Thinès devient, avec L'Œil de fer (1977), un écrivain fasciné par la double énigme que suscitent la création littéraire et l'existence de l'homme elle-même. Dès lors, les grands thèmes chers à Thinès – qui est élu le 10 juin 1978 à l'Académie, au fauteuil de Marcel Thiry – sont en place : fascination pour un double illisible, celui du texte et celui de la destinée; quête nostalgique de l'enfance irrémédiablement perdue certes, mais que la fiction permet de retrouver et de ressourcer («Écrire, disait Blanchot, c'est se livrer à la fascination de l'absence de temps»); thème corollaire de l'écoulement tragique du temps qui fait toute la dramaturgie existentielle; désir parallèle de recréer les images du passé en les mêlant dans un baroquisme particulièrement poussé (ce qui, à tort à mon avis, a poussé certains à reprocher un intellectualisme à Thinès là où il y a poésie et concept); enfin, fascination constante pour la musique qui, traversant le temps et les Babel langagiers, apparaît comme le message humain le plus universel. On retrouvera tous ces thèmes et ces techniques d'écriture, aussi bien dans Les Objets vous trouveront (1979), Les Vacances de Rocroi (1982) que dans Le Désert d'alun (1986) ou le récent La Face cachée (1995). En outre, et comme il fallait s'y attendre, le personnage-clé de Faust, celui qui a tenté d'apprivoiser le temps et qui y a laissé son âme, revient, dans l'œuvre d'une manière récurrente (Théorèmes pour un Faust, 1983, Le Quatuor silencieux, 1987). Dans le domaine de la nouvelle, Thinès pourrait reprendre à son compte l'image de Marcel Thiry, puisqu'il nous donne à voir le grand possible. On ne peut guère, en effet, parler d'étrangeté ici, mais plutôt d'un regard sur tous les possibles biologiques, temporels, spatiaux. Cet aspect de l'œuvre de Thinès semble compter parmi les plus accomplis, avec, par exemple, L'Homme troué (1981). Depuis les années quatre-vingt-dix, s'il a abordé avec talent le domaine du théâtre (avec La Succursale et L'Horloge parlante en 1991), c'est cependant la poésie qui paraît requérir idéalement l'écrivain : sans doute cette forme supérieure d'écriture lui permet-elle de faire défiler, dans la solitude du Verbe multiple, les fantasmes et les replis de sa mythologie. Les titres eux-mêmes de ces œuvres récentes sont éloquents et traduisent bien les bouleversements métaphysiques et humains qu'elles illustrent : Les Cités interdites (1990), L'Imperfection (1993), Gémonies (1995) et Janus (1996). Homme multiple dans sa cohérence créatrice, Thinès apparaît bien comme un des esprits les plus subtils et les plus déliés de notre temps. Ayant mis Athéna au service d'Orphée, il a réussi à marier création secrète et réflexion sur le monde, ses formes et ses mystères, de la pénombre des abysses aux lumières des cités interdites. Georges Thinès nous a quittés le 25 octobre 2016.

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La vérité est que, en prose aussi bien qu'en vers, Marcel Thiry ne cesse pas un instant d'être poète, et que le regard posé sur le monde par le romancier et le nouvelliste a la même acuité, les mêmes qualités d'invention que celui de l'auteur des poèmes. C'est presque simultanément que se sont amorcées, vers les années vingt, les voies multiples qu'allait emprunter l'oeuvre littéraire de M. Thiry pendant plus de cinquante années : la voie de la poésie avec, en 1919, Le Coeur et les Sens mais surtout avec Toi qui pâlis au nom de Vancouver en 1924; la voie très diverse de l'écriture en prose avec, en 1922, un roman intitulé Le Goût du Malheur , un récit autobiographique paru en 1919, Soldats belges à l'armée russe , ou encore, en 1921, un court essai politique, Voir Grand. Quelques idées sur l'alliance française . Cet opuscule relève de cette branche très féconde de son activité littéraire que je n'étudierai pas mais qui témoigne que M. Thiry a participé aux événements de son temps aussi bien sur le plan de l'écriture que sur celui de l'action. On verra que j'ai tenté, aussi fréquemment que je l'ai pu, de situer en concordance les vers et la prose qui, à travers toute l'oeuvre, s'interpellent et se répondent. Le dialogue devient parfois à ce point étroit qu'il tend à l'unisson comme dans les Attouchements des sonnets de Shakespeare où commentaires critiques, traductions, transpositions poétiques participent d'une même rêverie qui prend conscience d'elle-même tantôt en prose, tantôt en vers, ou encore comme dans Marchands qui propose une alternance de poèmes et de nouvelles qui, groupés par deux, sont comme le double signifiant d'un même signifié. Il n'est pas rare de trouver ainsi de véritables doublets qui révèlent une source d'inspiration identique. Outre l'exemple de Marchands , on pourrait encore évoquer la nouvelle Simul qui apparaît comme une certaine occurrence de cette vérité générale et abstraite dont le poème de Vie Poésie qui porte le même titre recèle tous les possibles. Citons aussi le roman Voie-Lactée dont le dénouement rappelle un événement réel qui a aussi inspiré à M. Thiry la Prose des cellules He La. Je n'ai donc eu que l'embarras du choix pour placer en épigraphe à chaque chapitre quelques vers qui exprimaient ou confirmaient ce que l'analyse des oeuvres tentait de dégager. Bien sûr, la forme n'est pas indifférente, et même s'il y a concordance entre les thèmes et identité entre les motifs d'inspiration, il n'y a jamais équivalence : le recours à l'écriture en prose est une nécessité que la chose à dire, à la recherche d'un langage propre, impose pour son accession à l'existence. C'est précisément aux «rapports qui peuvent être décelés entre ces deux aspects» de l'activité littéraire de Marcel Thiry que Robert Vivier a consacré son Introduction aux récits en prose d'un poète qui préface l'édition originale des Nouvelles du Grand Possible . Cette étude d'une dizaine de pages constitue sans doute ce que l'on a écrit de plus fin et de plus éclairant sur les caractères spécifiques de l'oeuvre en prose; elle en arrive à formuler la proposition suivante : «Aussi ne doit-on pas s'étonner que, tout en gardant le vers pour l'examen immédiat et comme privé des émotions, il se soit décidé à en confier l'examen différé et public à la prose, avec tous les développements persuasifs et les détours didactiques dont elle offre la possibilité. Et sa narration accueillera dans la clarté de l'aventure signifiante plus d'un thème et d'une obsession dont son lyrisme s'était sourdement nourri.» Car, sans pour autant adopter la position extrême que défend, par exemple, Tzvetan Todorov dans son Introduction à la littérature fantastique, et qui consiste à affirmer que la poésie ne renvoie pas à un monde extérieur à elle-même, n'est pas représentative du monde sensible (et d'en déduire — j'y reviendrai dans la quatrième partie — que poésie et fantastique sont, pour cette raison, incompatibles), on peut cependant accepter comme relativement sûr que la traduction en termes de réalité ne s'opère pas de la même façon lors de la lecture d'un texte en prose ou d'un poème. C'est donc tout naturellement qu'un écrivain recourra à la prose, dont l'effet de réel est plus assuré, dont le caractère de vraisemblance est plus certain, chaque fois qu'il s'agira pour lui, essentiellement, d'interroger la réalité pour en solliciter les failles, d'analyser la condition humaine pour en déceler les contraintes ou en tester les latitudes. Le développement dans la durée permet l'épanouissement d'une idée, la mise à l'épreuve d'une hypothèse que la poésie aurait tendance à suspendre hors du réel et à cristalliser en objet de langage, pour les porter, en quelque sorte, à un degré supérieur d'existence, celui de la non-contingence. Il n'est sans doute pas sans intérêt de rappeler que, dans un discours académique dont l'objet était de définir la fonction du poème, M. Thiry n'a pas craint de reprendre à son compte, avec ce mélange d'audace et d'ironie envers lui-même qui caractérise nombre de ses communications, cette proposition de G. Benn et de T. S. Eliot pour qui la poésie n'a pas à communiquer et qui ne reconnaissent comme fonction du poème que celle d'être. La projection dans une histoire, l'incarnation par des personnages, la mise en situation dans un décor comme l'utilisation de procédés propres à la narration permettent une mise à distance qui favorise l'analyse et la spéculation et qui appelle en même temps une participation du lecteur. Parallèlement, on peut sans doute comprendre pourquoi presque toute l'oeuvre de fiction est de nature fantastique ou, dans les cas moins flagrants, teintée de fantastique. Car la création d'histoires où l'étrange et l'insolite ont leur part est aussi une manière de manifester ce désir de remettre en cause les structures du réel ou tout au moins de les interroger. Pour l'auteur d' Échec au Temps , la tentation de l'impossible est une constante et l'événement fantastique est le dernier refuge de l'espérance. Son oeuvre se nourrit à la fois de révolte et de nostalgie. Révolte contre l'irréversibilité du temps humain dans Échec au Temps , révolte contre le caractère irréparable de la mort qui sépare ceux qui s'aiment dans Nondum Jam Non , dans Distances , révolte contre l'injustice des choix imposés à l'homme dans Simul , révolte contre les tyrannies médiocres du commerce dans Marchands … Nostalgie du temps passé, du temps perdu, du temps d'avant la faute, nostalgie de tous les possibles non réalisés, de la liberté défendue, de la pureté impossible. Nostalgie complémentaire de la révolte et qui traverse toute l'oeuvre de Marcel Thiry comme un leitmotiv douloureux. Comme l'écrit Robert Vivier, «le thème secret et constant de Thiry, c'est évidemment l'amour anxieux du bonheur de vivre ou plus exactement peut-être le désir, perpétuellement menacé par la lucidité, de trouver du bonheur à vivre». Où trouver, où retrouver un bonheur que la vie interdit sinon dans la grande surprise du hasard qui suspendrait les lois du monde? 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