« America » est composé de poèmes inspirés à William Cliff par deux longs séjours en Amérique du Sud et deux voyages aux États-Unis. « Tavalera » décrit en alexandrins la traversée vers l’Amérique du Sud à bord d’un cargo allemand qui porte ce nom. Puis viennent « Montevideo » et « Cône Sud ». William Cliff évoque les plages, les bidonvilles, ses brèves aventures homosexuelles. Dans les deux dernières parties, « Philadelphie » et « Cape Cod », il raconte les étapes de son vagabondage aux États-Unis. Dans ce tourisme de poète vagabond, on retrouve William Cliff à son meilleur. Le Nouveau Monde lui inspire des images aussi désolées que l’Ancien. Il est désespéré, grinçant, funèbre et malgré tout drôle. Dès les premières pages, on reconnaît ce poète qui ne ressemble à aucun autre.
Auteur de America
Nouvelle curiosité de la collection « La petite pierre » aux éditions bruxelloises La pierre d’alun, Le livre du destin ou la divination par les cartes du Marquis de La Pierre d’Alun se veut aussi bien ludique et léger qu’ésotérique. L’ouvrage, en effet, ne camoufle pas ses intentions. Il a pour vocation de prédire l’avenir en s’appropriant le plus librement possible les règles de la divination.En ouverture, la préface du Livre du destin décrit les protagonistes d’un curieux jeu de rôle. Un jour, un Marquis n’en étant pas vraiment un, ancien coiffeur puis détenteur d’une galerie d’art, « [à] l’heure du parfait rayonnement de son double destin, [éprouve] le besoin d’en prédire la trajectoire future ». Le voilà donc qui commande à une collagiste un jeu de cartes divinatoires. Parce qu’il est nécessaire d’user sans détours du langage pour traduire les visions de l’avenir, une poète est à son tour enrôlée. Ces figures primitives renvoient, par l’intermédiaire d’un clin d’œil, aux êtres de chairs à qui revient la paternité du Livre du destin : Jean Marchetti, directeur de la maison d’édition et commanditaire de l’ouvrage ; Émelyne Duval , collagiste ; Caroline Lamarche , poète, qui signe ici sa seconde contribution à la collection « La petite pierre ». L’une et l’autre, chacune dans le style qui lui est propre, s’associent parfaitement pour accueillir au mieux la contrainte qui leur est imposée. Poèmes et collages se font face et se répètent. Autrement dit, le poème traduit en mots ce que prédit le collage. Dans l’exercice, Caroline Lamarche brille par son apparente sobriété. Il n’est pas question d’envolées où l’inspiration guiderait la main de la poète. Son usage du verbe est aussi fin que parcimonieux.Une régularité de la forme rythme Le livre du destin et confère à ses prédictions l’aura de l’inéluctable. Chaque poème se compose de trois vers. Les deux premiers sont ancrés dans le présent tandis que le troisième vers dit l’avenir comme une conséquence de ce qui est déjà en train de se produire. L’ensemble du tercet renvoyant aux collages d’Émelyne Duval, ils contiennent dès lors eux aussi en leur sein le présent et l’avenir. La puissance Aux mouches technologiques, un destrier s’affronte. Son harnais d’or reflète des midis aveuglants Sa puissance rayonne, vous voilà plein d’allant. Il est intéressant et souvent amusant de découvrir comment Caroline Lamarche décrypte le travail d’Émelyne Duval. Se voulant une porte ouverte sur l’inconscient, celui-ci offre au lecteur-spectateur une liberté interprétative à laquelle il est bon de céder. Nait ainsi une confrontation inévitable entre le regard du lecteur et celui de la poète qui remet en perspective et qui nourrit sans les invalider les diverses impressions du lecteur.Le ludisme dont fait preuve l’ouvrage s’exprime jusque dans sa nature dès l’instant où, paradoxalement, Le « livre » du destin se révèle être un jeu de cartes. Inspirées du tarot et des symboliques de ses arcanes majeurs, les 25 cartes ont chacune pour titre un nom commun qui renvoie souvent aux grands jalons, aux grands concepts et aux grands états de l’existence (la beauté, la métamorphose, la loi, l’enfant, la naissance, la nuit…) Pour en prendre connaissance, il n’y a pas de règle : elles se lisent dans l’ordre ou se tirent au hasard.Le format de la collection « La petite pierre » compte pour beaucoup dans cette liberté de lecture. Ouvrage de petite taille, pas plus grand que la main, ses pages à l’épais grammage sont maintenues ensemble par une reliure à anneaux. Celle-ci permet tantôt d’opposer le poème au collage, faisant d’eux le recto et le verso d’une même carte, tantôt de les mirer de concert, le livre bien ouvert au bout des doigts, y reposant, exposé, comme sur un lutrin.Se dégage de l’ensemble un sentiment de luxe à consommer sans modération et d’une grande maîtrise, tant du point de vue du travail éditorial que du travail de création. Que vous soyez sceptiques ou amis de l’ésotérisme, tous les niveaux de lecture vous sont permis. La pratique de la divination ainsi renouvelée tire en effet le meilleur parti de l’association du texte et de l’image au bénéfice de…
Uzès. La ville du rêve. La ville de l’absence. Un songe emporté par le vent. L’impression d’une…
Mon corps est une armoire. Je vis dedans. Quand elles viennent, je voudrais me cacher ailleurs. Je pourrais m’enfuir et elles ne verraient rien, je serais toujours là. Juxtaposées dans leur écrin blanc et noir, les phrases de Françoise Lison-Leroy ricochent sur les estampes de Pascaline Wollast , également magnétiques et sibyllines, à mi-chemin entre l’énigme et l’évidence. Ce bref récit poétique contient deux parties : « On a changé de pays » et « L’autre nuit » – deux parties qui se présentent comme les rives d’un fleuve, entre lesquelles serpente une histoire millénaire et pourtant toujours neuve. On a changé de pays introduit l’idée d’un mouvement, peut-être une fuite, un départ en tout cas qui bute d’emblée sur les murs d’une étrange maison, dont on ne sait s’il s’agit d’une prison ou d’un centre de soin – voire, de tout autre chose. Mais s’agit-il seulement d’échapper à quelque chose ou quelqu’un ? Peut-être est-il plutôt question de se soustraire aux regards, pour mieux retrouver ses souvenirs et les parfums tactiles du premier nid (ou premier lit) à l’approche du dernier. J’apprends par cœur une langue étrangère et quand je la connaîtrai, je pourrai sortir. Il ne faut pas se lancer dans le vide. Les deux autres, qui dorment à côté, ne parlent pas. Écoute ce silence. Le premier sous-titre est aussi la première phrase de l’ouvrage, il enclenche le principe de répétition qui ponctue le récit : succession de litanies obsédantes qui participent à piéger l’attention des lecteurs dans la toile tissée par l’autrice. On rencontre alors des hypothèses qui deviennent le réel, « on part quand on veut mais il faut remplir le formulaire », des injonctions incongrues, « je dois leur rapporter le livre de géométrie », une histoire comme un jeu de plateau à échelle humaine dont le cours n’est pas tant déterminé par les volontés que par les coups de dés. Un très grand jeu dont il faut respecter les règles bizarres, les rites insaisissables et les hasards ; un jeu d’enfant, peut-être : celui qui engage le faire-semblant , le faire-comme si , les on-dit-que . Elles vont revenir. Cache-toi car elles vont revenir et me mettre dehors. Mes parents seront fâchés, il faut les appeler. Prends mon téléphone. On va dire qu’on ne comprend pas leur langue. On va dire que je n’ai rien fait. Mais cache-toi. Les autres sont déjà en route. Il ne pleut plus. On va pouvoir parler. « On », « elles », « tu », « mes parents », « les autres » : autant d’entités plus ou moins définies qui accompagnent le « je » de la première partie et circonscrivent un territoire familier, où tout départ se trouve différé par un quotidien discipliné, l’échappée enrayée par une suite d’actions méthodiques. Pour autant, la fuite n’en est pas moins véritable : elle migre dans l’espace mental, se déploie à travers l’imaginaire et le souvenir qui ouvrent la deuxième partie. Le ou la narratrice s’adresse alors à un « tu » qui se présente comme un oiseau : fragile mais déterminé, coutumier des territoires sans frontière. Le moineau que tu fus, sauvage et siffleur, se savait intouchable. Il épousait le mouvement d’une haie, évoluait comme elle entre ciel et terre. Ainsi étendait-il son domaine, cherchant des yeux les premiers remparts. Il les éloignait d’un pas, comme on chasse un horizon maudit. Nid peut se lire comme une boucle infinie reliant l’enfance à la vieillesse, réinventant leurs prisons respectives et mêlant les expériences jusqu’à ce que les deux états se fondent l’un à l’autre, créant un ou une narratrice sans âge, de la même manière que les figures tracées par Pascaline Wollast fusionnent jusqu’à partager leurs contours. C’est un espace-temps cyclique qu’écrit Françoise Lison-Leroy, où l’on mesure les murs pour mesurer le temps, voyageant à travers une enfilade de maisons dans lesquelles la voix narrative a laissé des plumes. Une mémoire des nids, des lits et des bras qui se retrouve à travers l’errance d’un esprit vagabond, “ sans serrure ni lisière ”. Louise Van Brabant Plus d’information Nid. Trois petites lettres à définir. On a changé de maison , dit le personnage dans un monologue à la fois précis et hâché. Mais pour aller où ? Clinique, maison de repos, pensionnat, prison, monastère... la définition du lieu est floue, mais ce qui est sûr, c’est qu’il est fonctionnel, cadré, défini géométriquement, identique de pièce en pièce... bref, institutionnel. Au fil des fragments poétiques, la géographie de l’espace se dessine et se répète, carrée, divisée. Tangible, elle apporte structure et apaisement. Ramène-t-elle de la sécurité dans la confusion ? ou accentue-t-elle l’impression de malaise, de perte de repères ? L’autrice nous emmène sur ce terrain glissant et, en douceur, nous ouvre les questions d’identité, de quête et de définition de soi. Dans ce pays, toutes les constructions sont comme celle-ci. Un mur, une chambre, une salle de bain avec les toilettes. Et la douche. Les lavabos sont à l’avant-plan. Et c’est pareil jusqu’au bout de la rue, très loin. Jusqu’au bout du pays. On reçoit à manger tous les jours. Est-ce que mes parents vont venir me chercher ? Il faudra leur téléphoner. Le personnage, qu’on devine être un parent – un patient ? –, désorienté, cherche qui il est, qui elle est, perdu dans l’espace de ce lieu inconnu et peut-être aussi un peu perdu dans sa tête, mais chez qui la vie pulse et qui…