Depuis 1992 et la parution d’Hygiène de l’assassin, point de rentrée littéraire sans Amélie Nothomb. Cette année ne fait pas exception à la règle, avec la sortie de Frappe-toi le cœur. De quoi fêter dignement un quart de siècle d’écriture.
Vingt-six rentrées littéraires de rang : Amélie Nothomb est passée au fil du temps d’enfant prodige et rebelle des Lettres belges (et francophones) à marronnier de la grand-messe automnale de la littérature. Elle s’est bâti une place singulière dans le mondes des livres, en France et en Belgique surtout, mais aussi à l’étranger, à la faveur de traductions nombreuses vers les langues les plus parlées (anglais, espagnol, chinois, japonais) comme les moins attendues (danois, esperanto).
Empilant best-seller sur best-seller – elle est la figure de proue du catalogue de son éditeur historique, Albin Michel – elle s’est aussi taillé une visibilité médiatique importante. Télévision, radio, presse écrite, Amélie…
Les Cultures de la Belgique, vues par le réseau français au Maroc
Au Maroc, le réseau culturel français, animé d’une curiosité, voire d’une sympathie active pour la production belge (culturelle, éducative et linguistique) – surtout si elle garde le label belge –, a généré une reconnaissance diffuse de la « mode belge ». Le désir est bien là, de la valoriser dans les Instituts français, sans se l’approprier, en respectant son autonomie par rapport à la production française. Si la production se présente sous un label communautaire, c’est la production flamande qui recueille le plus de suffrage, conformément au principe d’empathie exotique qui veut que l’on accorde plus d’égard à ce qui vous ressemble le moins. La Francophonie, en tant qu’entité politique, ne bénéficie pas du même crédit. Certains responsables français n’hésitent pas, en réunion multilatérale, à se demander « ce que ce concept veut dire ». Ils prennent alors un ton incrédule, voire moqueur, et se lancent dans de longs questionnements sur la « littérature-monde ». D’autres toutefois, moins nombreux, adhèrent pleinement à l’entité multilatérale francophone et comprennent l’intérêt de se présenter – fût-ce une semaine par an – sous cette bannière, qui rassemble tout de même 200 millions de locuteurs. Et qui offre un bassin d’emplois attractif à ceux qui décident de se perfectionner dans cette langue. Dans les réunions multilatérales où se prépare la Journée internationale de la Francophonie, seuls les Belges et les Québécois valorisent une optique plus ludique, valorisant la créativité au risque de quelques entorses à la régularité de la langue. Sont alors proposés, parmi les poètes à faire découvrir aux étudiants maghrébins, les noms de Jean-Pierre Verheggen ou Robert Charlebois. La créativité que l’on s’autorise au Sénégal ou en Belgique par rapport à la langue convenue, apparaît souvent comme la première découverte de la liberté aux yeux des responsables locaux, formatés à la « langue unique ». C’est donc possible, puisque Sénégalais et Belges le font ! En matière littéraire, les plus novateurs des animateurs français s’autorisent à évoquer le rôle souvent castrateur d’une philosophie normative de la littérature, qui soumet la créativité à une référence centralisée du beau. Dans la foulée, les responsables éducatifs marocains envisageront alors de remplacer la dictée par une incitation à créer un journal d’école où les élèves peuvent exprimer, en français, une approche subjective du monde. Et tous ensemble s’ouvriront à l’idée de voir offrir aux lauréats du concours, à côté du Larousse et du Bescherelle, des chansons de Brel ou des bandes dessinées de Franquin. © Daniel Soil,…