Ainsi parlait Maeterlinck

RÉSUMÉ

Sur Maeterlinck (1862-1949), il n’est pas de plus éloge que celui que Rainer Maria Rilke décernait à ses ouvrages : « Je ne connais aucune œuvre, écrivait Rilke, dans laquelle soit enfermé autant de silence, de solitude et de paix. »

L’auteur de Pelléas et Mélisande, de L’Oiseau bleu, de La Vie des abeilles ou du Trésor des humbles, Maeterlinck, est le seul Belge à avoir reçu le prix Nobel de littérature (1911). Mais c’est en France qu’il a passé toute sa vie. Et c’est à Nice qu’il repose, près de l’immense « Palais Maeterlinck » , dominant la Baie des Anges, qui lui appartenait.

Bénéficiant d’une double culture latine et germanique, très marquée par le romantisme et la mystique rhénane, son œuvre a été saluée par les plus grands et a marqué nombre d’écrivains majeurs, de Pessoa à Robert Musil, de Breton à Julien Gracq.

« Maurice Maeterlinck, écrivait Cocteau, était habité par un ange. Mais jamais ange ne sut mieux se travestir pour évoluer parmi les hommes que sous une apparence de businessman robuste et sportif.  » De fait, Maeterlinck fut l’homme de toutes les contradictions.

Combien de contrastes, en effet, dans ce destin exceptionnel ! Il a écrit en français l’ensemble de son œuvre, mais il se sentait ardemment flamand et refusait, par exemple, l’idée de siéger à l’Académie française. Il détestait les théâtres et fut pourtant un auteur dramatique à succès, notamment avec L’Oiseau bleu, mis en scène par Stanislavski à Moscou comme à New York, puis adapté au cinéma.

Autres paradoxes : Maeterlinck était peu sensible à la musique et lui doit pourtant une bonne part de sa gloire (Pelléas et Mélisande de Debussy, Ariane et Barbe-Bleue de Dukas, mais aussi Fauré ou Schoenberg). Écrivain, il était fasciné par la sciences naturelles (La Vie des abeilles, etc.). Aimant les pauvres, il n’a cessé de vivre dans des palais, comme le château de Médan ou le fastueux château Castellamare…

Théâtre, essais, poésie, livres de nature : Yves Namur, grand écrivain belge d’aujourd’hui, et secrétaire perpétuel de l’Académie Royale de littérature française de Belgique, nous aide à la redécouvrir l’œuvre immense de ce « très grand précurseur » (Claude Régy) mais aussi un homme étonnamment fragile et attachant.

À PROPOS DE L'AUTEUR
Maurice Maeterlinck

Auteur de Ainsi parlait Maeterlinck

Lorsqu'il est désigné par le roi Albert, le 19 août 1920, parmi les fondateurs de l'Académie royale de langue et de littérature françaises, Maurice Maeterlinck a déjà une prodigieuse carrière littéraire derrière lui. Il est, avec Émile Verhaeren, l'écrivain qui, par la Flandre, a donné à la littérature française de Belgique une audience internationale et une identité. Trente années se sont écoulées depuis l'article dithyrambique, paru dans Le Figaro du 24 août 1890, où Octave Mirbeau déclarait La Princesse Maleine, publiée un an auparavant, à trente exemplaires, l'œuvre la plus géniale de son temps et son auteur, un inconnu, comparable à Shakespeare. Ce coup du destin projette du jour au lendemain sur la scène mondiale le Gantois, né le 29 août 1862. C'est la gloire pour l'ancien élève du Collège Sainte-Barbe, pour l'avocat, stagiaire chez Edmond Picard, et pour l'auteur des Serres chaudes (1889), analogies végétales des visions insolites de la subconscience, qui allaient devenir le maître-livre du symbolisme européen. Secrète coïncidence d'une sensibilité, d'un espace géographique aux confins de deux cultures et d'une âme, Maeterlinck livre, en à peine six années, la concentration la plus pure et la plus subtile de l'esthétique symboliste, au point qu'il l'incarne dans les milieux littéraires de l'Europe entière. Se succèdent les drames en un acte, dont il fonde le genre — L'Intruse et Les Aveugles (1890) — vite traduits dans les grandes langues européennes, Les Sept Princesses (1891) et, en 1892, l'apogée de la nouvelle dramaturgie : Pelléas et Mélisande. Deux ans plus tard, paraissent, chez Deman à Bruxelles, les trois petits drames pour marionnettes, Alladine et Palomides, Intérieur et La Mort de Tintagiles. On peut chercher l'explication de la convergence de ces œuvres singulières dans la mise en écriture des enseignements d'une révélation, décisive, selon Joseph Hanse, pour l'orientation de son art : celle que lui apporte l'œuvre du mystique de Groenendael, Ruysbroek l'Admirable, lue dès 1895, et dont il traduit L'Ornement des noces spirituelles (1891), accompagné d'une très significative Introduction. La découverte de la spiritualité mystique incarnée dans le Flamand, auquel il est lié par des affinités congénitales, rejoint chez le traducteur-poète en quête d'une écriture plus conforme à sa sensibilité, celle du symbole authentique, qui émaille la prose de Ruysbroeck. «Depuis que je l'ai vu, note-t-il, notre art ne me semble plus suspendu dans le vide. Il nous a donné des racines. Révélation, parce que dans la syntaxe tétanique de la prose du primitif, la pensée suggère, au lieu de décrire, use d'analogies, d'approximations et d'images puisées dans le quotidien, pour amener au jour ce qui n'a pas de représentation.» La traduction des Disciples à Saïs et des Fragments de Novalis, publiée quatre ans plus tard, s'inscrit dans le sillage de la découverte de l'homme intérieur, inspirant à Maeterlinck cette réflexion qui synthétise sa recherche : «Car c'est à l'endroit que l'homme semble sur le point de finir que probablement il commence...» On peut lire Le Trésor des humbles (1898) comme une sorte de diététique de l'âme, où Carlyle et le bon Emerson ouvrent la voie au sens pratique et réaliste, dont La Sagesse et la destinée (1898) est l'aboutissement. Y demeure cependant très présent le fameux sentiment de l'infini, ferment permanent de l'œuvre maeterlinckienne. L'essai célèbre sur Le Tragique quotidien complété par sa réflexion sur «le mystère, l'inintelligible, le surhumain»… qui alimente la Préface au Théâtre de 1901, pose le dramaturge comme le père-fondateur du théâtre statique. Cette année-là, paraît l'album des Douze chansons, illustré par Charles Doudelet, témoignage de l'ascèse du langage à laquelle se livre le poète pour que seul subsiste l'indicible dans ses chansons de toile. Aglavaine et Sélysette (1896), à la charnière du nouveau théâtre, dont Monna Vanna (1902) est le document, présente désormais le rayonnement de la beauté morale et de l'amour comme une issue au tragique. Dans ce nouveau contexte, s'inscrivent Sœur Béatrice (1901), Joyzelle (1903), Ariane et Barbe-Bleue (1907). L'activité de l'auteur dramatique n'exclut pourtant pas la recherche du scientifique éclairé. Du Temple enseveli (1902) au Double Jardin (1904), Maeterlinck poursuit sa méditation, qui alterne avec l'observation rigoureuse des insectes et des plantes. Il en livre les résultats dans La Vie des abeilles (1901), premier volet d'un triptyque complété par La Vie des termites (1927) et La Vie des fourmis (1930). Il faut y joindre L'Intelligence des fleurs (1907). En fait, dans ces livres qui deviennent vite des best-sellers, l'observation scientifique est sous-tendue par la même foi spiritualiste, puisée initialement dans les doctrines mystiques et rejointe chez les philosophes de la Nature, dont Le Grand Secret (1921) retrace les étapes. La croyance à la symbiose universelle assure la continuité de sa méditation. Composée en 1908 à la manière du «Märchen» ésotérique novalisien, L'Oiseau bleu, sous le couvert d'une quête initiatique, livre le message de la foi dans l'unité vivante du monde, où tous les conflits finissent par se dénouer. Le prix Nobel en 1911 couronne Maeterlinck pour l'idéalisme de son œuvre. Après avoir mis sa plume au service de la patrie occupée (Le Bourgmestre de Stilmonde et Le Sel de la vie), Maeterlinck reprend son interrogation sur l'énigme de la destinée dans des recueils de fragments, d'où émergent quelques beaux aphorismes, tels La Grande Loi (1933), Devant Dieu (1937) et L'Autre Monde ou le Cadran stellaire (1942) — ce dernier ouvrage publié à New York durant la deuxième guerre mondiale. Le livre Bulles bleues (1948), s'il réunit les souvenirs du grand Gantois que la mémoire a quelque peu embellis, confirme sa croyance dans l'unité fondamentale du cycle infini de la nature, aussi vivante en lui à la fin de sa vie qu'à ses débuts. Maurice Maeterlinck meurt à Nice le 6 mai 1949.

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