C’est en commençant par une touche de fantastique que Mélanie De Coster a choisi de parler de Lee Miller, mannequin puis photoreporter engagée, décédée en 1977.
Gabin, 15 ans, se promène en famille sur une brocante, dans le nord de la France. Avisant un vieil appareil photo – un mythique Rolleiflex, on l’aura compris - il prend l’objet en main et se retrouve en immédiatement téléporté aux côtés de Lee Miller sous les bombardements d’aout 1944, à Saint-Malo.
Dans le chaos généré par le Débarquement en Normandie, Gabin va vivre la guerre en suivant les troupes américaines jusqu’en Allemagne et en particulier la 83e division à laquelle a été rattachée Lee. Il découvre une femme déterminée à faire connaître au monde les horreurs du conflit et pas uniquement les scènes de liesse de la Libération. Pour elle, qui multiplie les clichés chocs, une photo parle parfois mieux qu’un long article. Ainsi, livrer des images des camps de concentration est aussi une manière de prouver leur existence à ceux qui préféreraient ignorer l’insoutenable.
Lee Miller est ainsi présentée comme une femme résolument moderne, entière et forte, dévouée à la vérité, qui ne craint ni pour sa vie ni pour sa réputation. Elle est sale, en treillis militaire, au cœur des dangers, dans un univers masculin qui la rudoie souvent. Ce portrait, c’est Gabin qui nous le livre, et c’est là l’originalité du point de vue choisi par Mélanie De Coster, celui d’un jeune garçon d’aujourd’hui, qui connait déjà ce que découvrent petit à petit Lee et ses compagnons d’armes mais surtout qui apprécie le courage et les enseignements de la photographe.
Avec Le Rolleiflex de Lee, Mélanie De Coster nous livre un récit intense pour lequel elle s’est abondamment documentée : elle a puisé dans la correspondance, les articles et souvenirs de Lee Miller pour créer sa matière et rendre les dialogues réalistes. On sent toute la maitrise du sujet et le souhait de l’autrice d’aborder une fois encore une figure féminine forte de ses choix et de ses valeurs, après Morane dans Le contrat Dorian Gray (Milan jeunesse, 2022) et Sarah dans Lettres du Kansas (Milan jeunesse, 2023).