Image de l'oeuvre - Épinette noire

Notre critique de Épinette noire

Dans le Grand Nord canadien, en décembre 1947, une pilote de l’aéropostale, Violette, s’envole exceptionnellement sans copilote. C’est le dernier vol de la saison, et le ciel semble dégagé. Mais bien vite, une tempête se lève, rendant le vol impossible. Son avion s’écrase dans l’immensité enneigée, loin de toute vie humaine. Alors qu’elle tente de survivre, construit un igloo pour ne pas mourir de froid, attend les secours, d’étranges phénomènes se produisent, dont on ne sait s’ils sont imaginés, rêvés ou réels. Autour de cet événement, on découvre ce qui a amené la jeune femme à vivre dans cette région isolée, auprès des Inuits du Nunavik. Elle raconte sa relation avec un mari oppressant, et les liens d’amitié profonds qu’elle noue avec la communauté locale.

Aurélie Wilmet revient au Nord, quatre ans après son premier livre Rorbuer, un album remarqué et lauréat du Prix de la première œuvre en Bande dessinée de la Fédération Wallonie-Bruxelles en 2020. Inspirée par ses voyages (Rorbuer se situait en Norvège) et son goût pour les vastes étendues, elle renoue aussi avec d’autres aspects. Il s’agit à nouveau d’un récit habité d’une dimension mystique, liée aux croyances et traditions locales. La nature et l’animalité y prennent une place prépondérante. L’illustratrice base son histoire sur un solide travail préliminaire de documentation, lui conférant ainsi du corps et une impression de réel. Enfin, elle confirme la maitrise de sa technique de prédilection, mêlant marqueurs et crayons, ainsi qu’un talent évident tant pour la narration.

Cette bande dessinée épaisse s’étend sur plus de deux cents pages, laissant l’espace au récit pour se déployer, lui donnant le temps de placer des silences, de ralentir le rythme quand cela est nécessaire. Sur ses planches s’étalent de grandes espaces désertiques, dans des dominantes de bleus glacés, rehaussés par une palette limitée de couleurs bien choisies.

À la frontière du mystique, Épinette noire est un récit sensible qui, s’il nous plonge dans de vastes étendues hostiles et dépeuplées, nous parle avant de relations humaines.

Fanny Deschamps