Yves Tenret, dans son dernier livre, nous ouvre son journal de presqu’outre-tombe. Il a été victime d’un AVC, il s’en est tiré, mais il a senti que la faucheuse n’était pas passée loin. Alors, encore scandalisé par la trouille, il crache. Les crachats de Tenret maculent sa chambre, et dessinent un dialogue envoûtant entre les bribes de diagnostics et les ricanements, les morceaux de bravoure technico-médicaux et les pièces de verve inquiète : un livre comme un bras d’honneur aux asticots.Mon AVC est une réponse à la Camarde, mais aussi un récit de la peur. La peur d’être déshumanisé par l’hôpital, la peur d’être oublié dans un coin, la peur de ne pas exister, la peur de perdre le contrôle, la peur de n’avoir pas vécu, la peur de crever comme un chien.…
Peut-être qu’il serait utile, en lisant Faire dépression, de garder à l’esprit deux faits « réels » qui n’apparaissent pas en tant que tels dans cette « fiction » : d’abord, se souvenir qu’Yves Tenret, depuis peu à la retraite, a été, durant bon nombre d’années, professeur en littérature aux Beaux-Arts de Mulhouse ; ensuite, Faire dépression a un double : Faire impression, ouvrage paru il y a quelques années aux Presses du Réel, livre collectif relatant l’histoire, la « philosophie » à l’œuvre dans cette école d’art côtoyée par Tenret.C’est que Tenret n’a pas son pareil pour relever des dessous de table. Non pas la « vérité vraie » (l’auteur est tout sauf un donneur de leçons). Ni l’« histoire véritable de l’Académie des…
Parce qu’il aura fallu attendre ses 56 ans pour que son nom apparaisse sur la couverture d’un roman, les mauvaises langues qualifieront le Bruxellois Yves Tenret de « tard venu » à la littérature. Disons plutôt que l’homme est arrivé à point, ainsi qu’une viande rouge qui, après cuisson longue, perlerait d’un savoureux exsudat. C’est que le travail d’écriture de Tenret, avant d’être fictionnel, était consacré à la création artistique. En témoignent de nombreux catalogues, monographies et essais. D’Ensor à Fontana, de Duchamp à André Raboud, de Bosch à Jacques Pajak, chacune de ses contributions au sujet apporte un coup de fusain supplémentaire au vaste Portrait de l’artiste en révolté qu’il esquisse avec patience, et passion et ce depuis les années…