Conrad Detrez   1937 - 1985

PRÉSENTATION
1937 : naissance, le 1e avril, à Roclenge-sur-Geer, de Conrard (sic), Jean, Walthère, Alphonse, Ghislain, Arthur Detrez. Le père, Jean Victor Louis Detrez, âgé de trente-deux ans, est d'origine wallonne; il exerce à Roclenge la profession de boucher. La mère, Maria Catharina Vandeclée, de deux ans sa cadette, est d'origine flamande; elle aide son mari et se consacre à l'éducation de ses deux enfants, Conrad et Marthe. 1937-1949 : enfance marquée par la guerre, les bombardements, les crues périodiques du Geer, le dégoût qu'éprouve le jeune garçon à la vue des bêtes égorgées par son père. Detrez est premier de classe à l'école communale du village ainsi qu'au catéchisme de la paroisse. 1949-1957 : pensionnaire au collège de Visé, puis à celui d'Herstal. Humanités gréco-latines. 1957 : tenté par la prêtrise, Detrez entre au séminaire de Saint-Trond. 1959 : mort de Maria Vandeclée. Detrez s'inscrit à l'Université de Louvain pour y étudier la théologie. Grâce aux témoignages d'étudiants sud-américains, il prend conscience des conflits idéologiques qui déchirent certains pays pauvres comme le Brésil. Ces discussions, mais aussi l'appel d'une sexualité de plus en plus exigeante, lui font remettre en question sa vocation religieuse. 1962 : en juillet, départ pour le Brésil. Detrez s'installe à Volta-Redonda, puis à Rio-de-Janeiro, où il enseigne dans plusieurs collèges catholiques. Découverte de la pauvreté et du manque d'hygiène, mais aussi d'une joie de vivre, d'une frénésie sexuelle qui vont bouleverser l'ancien séminariste. 1962-1967 : sur le plan politique, le Brésil est en pleine effervescence. Le 2 avril 1964, le président Goulart, qui avait entamé une série de réformes démocratiques, est renversé par le général Castello Branco. Mais le régime dictatorial mis en place par ce dernier suscite le mécontentement populaire. Le parti de l'opposition, le «Movimiento Democratico Brasiliero», gagne du terrain; Detrez s'engage dans ses rangs. La résistance s'organise, principalement sous l'action de Carlos Marighela, qui sera tué en 1969, après avoir rédigé, en collaboration avec Detrez, un pamphlet politique : Pour la libération du Brésil (1970). 1967 : devenu suspect aux yeux de ses élèves et de ses supérieurs hiérarchiques, Detrez est arrêté, emprisonné durant six jours, puis expulsé du territoire brésilien. Il s'installe à Paris. Travaux divers pour subsister. Commence à rédiger son "autobiographie hallucinée". 1968 : retour au Brésil. Detrez reprend à Sao Paolo sa lutte clandestine dans les rangs de l'opposition castriste. Se sentant menacé, il quitte le pays après quelques mois. Installation en Algérie, où il a obtenu un poste d'enseignant. 1971 : condamné à deux ans de prison par le gouvernement brésilien. Crise morale : Detrez a perdu la foi et croit de moins en moins à la possibilité d'une révolution politique; de plus, son homosexualité le met au ban d'une société encore très conformiste. 1972 : retour en Belgique. Detrez s'installe à Bruxelles, rédige ses deux premiers livres : Ludo et Les plumes du coq, qui paraîtront respectivement en 1974 et en 1975. 1975-1978 : nommé correspondant permanent de la R.T.B. à Lisbonne, Detrez rend compte, depuis la capitale portugaise, des événements politiques qui secouent le pays durant la «Révolution des œillets». Son contrat terminé, il s'installe à Paris. Collabore au Matin et au Magazine littéraire. 1978 : publication de L'herbe à brûler. Prix Renaudot. La Belgique découvre enfin Conrad Detrez. Il ne cessera plus d'écrire, puisant dans son expérience personnelle la matière de ses livres. 1980 : amnistié par le gouvernement brésilien, Detrez retourne à Rio. Publication de La lutte finale. 1981 : Le dragueur de Dieu, Les noms de la tribu. 1982 : Detrez, qui a sollicité la citoyenneté française, est nommé attaché culturel et scientifique auprès de l'ambassade de France au Nicaragua. Installation à Managua en septembre. Comme le Brésil, le Nicaragua est secoué par les luttes sociales et politiques; détruite à deux reprises par un tremblement de terre (1932 et 1973), Managua est une ville où règnent la misère et la corruption. Detrez s'en inspire pour écrire La ceinture de feu, qui paraîtra en 1984. 1984 : premières atteintes du sida. Detrez met en chantier La mélancolie du voyeur, mais les progrès du mal sont foudroyants. Il entre à l'hôpital Tenon, à Paris. 1985 : décès de Conrad Detrez, dans la nuit du 11 février.


PORTRAITS ET ENTRETIENS
Le Carnet et les Instants

En 2015, le silence aura été quelque peu assourdissant autour du trentième anniversaire de la disparition de Conrad Detrez. Si ce n’est en septembre une rencontre au Blues-sphere (en Outremeuse à Liège) qui réunissait les témoignages de William Cliff et André-Joseph Dubois, deux écrivains l’ayant connu personnellement, pas un événement, pas un article, pas un salut, fût-ce à Paris, son ultime fief. Il n’est par bonheur jamais trop tard pour rendre hommage à Detrez et réaffirmer sa position éminente dans le paysage littéraire francophone…
Conrad Detrez fut, avant d’autres figures du monde intellectuel, tels Michel Foucault ou Hervé Guibert, l’une des premières victimes du SIDA. Le rappeler n’est pas dresser…


BIBLIOGRAPHIE


PRIX


NOS EXPERTS EN PARLENT
Le Carnet et les Instants

On n’achète pas un livre – et a fortiori on ne le rachète pas – au simple motif qu’il a changé de couverture. L’argument pourrait cependant suffire concernant la republication au catalogue Espace Nord des trois volumes de l’autobiographie hallucinée de Conrad Detrez. L’option graphique crève l’étal des librairies. Pour chaque titre, un autoportrait, façon photomaton en noir et blanc, nous montre leur auteur, clope au bec ou aux doigts. Jamais son regard ne croise l’objectif : par deux fois il s’oriente vers le haut, là où se tiennent paraît-il la transcendance et l’imaginaire ; ou il s’absorbe de biais, comme pour interroger le terre-à-terre. Comme si, des pupilles, Detrez rejouait seul le dialogue d’Aristote et Platon dans le célèbre tableau renaissant…

Donc…