Il nous faut aujourd’hui parler de Claire Lejeune au passé. Mais « passer », c’est ce qu’elle s’est toujours exercée à faire de toute sa volonté. Un accouchement long, disait-elle, neuf mois et parfois plus pour écrire un livre qui donnerait naissance à une nouvelle femme, la porterait vers la lumière. Elle-même, née de son écriture, d’une réflexion soucieuse de démêler l’incompréhensible, persuadée que ce qui nous entrave au sein de l’intime n’est pas éloigné des enjeux et des impasses politiques. La connaissance de soi – et la naissance à soi vue comme une libération – conduisent ainsi à une sagesse et une lucidité capables d’éclairer les problèmes de notre temps.
C’est ainsi que Claire Lejeune a mené de…
La prose poétique, les essais de Claire Lejeune (1926-2008) sont placés sous le signe de la fulgurance, d’une poétique radicalement novatrice qui entend décloisonner les savoirs, les expériences afin de traverser les chapes du pouvoir, de la domination et de recontacter les promesses à venir des origines. Dans les années 1960, La gangue et le feu, Le pourpre, La geste, Le dernier testament, Elle signent l’avènement d’une parole qui noue indissolublement naissance à soi hors des rets du patriarcat, expérience mystique d’un verbe politique et poétique, subversion des piliers d’une civilisation qui a muselé les femmes. De se dire, les sans-voix montent à l’existence, gagnent un processus de subjectivation que Claire Lejeune place sous le signe de l’ouverture à l’autre…
Pour trouver la clé, il fallut perdre la mémoire des serrures : énigmatique, cette formule éclate rapidement et se déploie, limpide et forte, sous la plume de l’autrice belge Claire Lejeune (1926-2008) dans ce chatoyant recueil de textes inédits publié à L’arbre de Diane.
Porte d’entrée sur une production clairvoyante et polymorphe, ce recueil, aux îlots poétiques (jusque-là logés au creux d’un carnet conservé par une amie), relationnels (qu’une intense correspondance avec Maurice Blanchot ou René Char a longuement redessinés) ou essayistes côtoie de temps à autre de curieuses et hypnotiques photographies. Il forme un singulier archipel qui se fait continent dans la poursuite d’un même objectif : celui de déterrer différentes mémoires – organique,…