Le flâneur est au touriste ce que le gourmet est au gourmand ; le premier hume, zyeute, s’attarde, peaufine ses sensations et s’en laisse investir, savoure le basculement magique du temps devenant espace ; le second engloutit kilos et kilomètres, et bâfreur, et pressé, le voilà frappé d’agueusie à force de vouloir tout goûter, de cécité pour avoir trop vu. On peut bouffer, bien et beaucoup, à Bruxelles, mais attention, on ne peut pas bouffer Bruxelles. Cette ville de tous les excès, qui suinte la gueuze au bord des verres, la graisse des volcans de stoemp et les remembrances d’une Senne enfouie, est aussi celle de tous les raffinements, à qui saura (oui, « saura » et pas « pourra », n’en déplaise aux fransquillons à deux balleke) les débusquer.Depuis plusieurs…
Tout commence par une guerre très semblable à celle qui nous hante encore : cet interminable conflit qui a traversé presque tout le 20e siècle, coupant l’Histoire en deux parties inégales, et qui continue à alimenter les idéologies totalitaires, les fantasmes et les remords. Mais cette guerre de 1914-1945 est abordée ici sous l’angle de l’épopée, où s’affrontent les belligérants à l’onomastique inconnue, et où les principaux compagnons d’armes du héros sont évoqués comme des personnages homériques, y compris dans leurs qualificatifs flamboyants.La modernité paradoxale du livre tient à son décalage. À travers cette utopie des XVII provinces, du Royaume de France à l’âge des armes lourdes et de l’Occupation du sol par les Teutons, dans un contexte qui…
Au début des années 70, Georges Simenon dictait à son magnétophone l’un des textes les plus bouleversants de sa vie d’écrivain, la Lettre à ma mère. Deux ans après le décès de Henriette Brüll, le créateur de Maigret se mettait à interroger le néant, sans doute parce que la formulation des questions à l’adresse de cette femme, ô combien déterminante dans sa destinée, lui importait davantage que les réponses qu’il attendit de sa part, en vain, de son vivant.Adresser de la sorte à l’un de ses parents une apostrophe post-mortem, n’est-ce qu’étalage de soi, aggravé par un funèbre esprit de l’escalier ? Et la littérature donne-t-elle le droit de houspiller les ombres, même celles des gens « pas bien » ; même celle d’un père que l’on n’a pas osé…
En une quinzaine d’années, à force de manier une plume de haut empennage, Christopher Gérard s’est imposé comme un écrivain atypique, rétif à tout conditionnement et étranger aux logiques du prêt-à-consommer littéraire. En témoignent les chroniques tirées au cordeau, les entretiens menés avec habileté et les portraits finement ciselés dont il nourrit les tablettes de son blog Archaion ; son incontournable Aux Armes de Bruxelles, état des lieux raffiné de ses déambulations dans une capitale qu’il arpente en insatiable esthète et dont il connaît par cœur la géographie de surface comme occulte ; ou encore ses romans, qui bien que situés dans une chronologie tout actuelle, se déroulent dans une temporalité parallèle, peuplée de vampires en fin de cycle, de druides…