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Le 19 octobre 2019… Une date tout droit sortie du « monde d’avant », celui où il était encore loisible de se réunir devant une scène de concert ou un grand écran, à la tablée d’un restaurant ou, pourquoi pas, pour entendre parler de poésie. C’est ce qui se passait à Bruxelles, ce samedi-là, à l’occasion d’une des rencontres internationales organisées par le Journal des Poètes . Afin de « célébrer cette émotion appelée poésie », les participants y évoquaient tour à tour une figure, belge ou non, et par-delà des voix s’exprimant dans des registres très différents. L’émotion, c’est en effet ce qui relie des personnalités aussi diverses que Norge, Joseph Orban, Marcel Piqueray ou Salvatore Quasimodo. Le volume s’ouvre sur une évocation presque intime signée Jean-Marc Sourdillon , éditeur à la Pléiade des œuvres de Philippe Jaccottet. Les poèmes de Jaccottet y sont envisagés dans leur résonance interrogative la plus profonde, comme des questions dont la béance même garantit l’existence. « Une façon […] non pas d’expliquer ou d’analyser le réel, comme le font les sciences ou la philosophie, mais de l’aimer ou de le redouter ».De Joseph Orban, qu’elle connut très bien, Danielle Bajomée trace un portrait ajouré de failles touchantes, « entre ombre et indigo » : « Je l’ai presque toujours perçu comme un garçon triste, sombrement lumineux, peu aimable, toxique parfois, mais à l’esprit pur », écrit-elle. Sa réflexion se détache pourtant de son ancrage biographique pour accéder à une lecture très fine des proses brutes, jusqu’à la violence, d’Orban. Elle souligne aussi le paradoxe – qui chez le poète n’est souvent que dynamique de style – d’une écriture où l’ignoble s’exprime avec une jubilation métaphorique confinant à la préciosité. C’est que, jusqu’à ses derniers jours, Joseph Orban aura ouvert, sur le réel et les mots pour le dire, des yeux d’enfants éblouis qui conservaient intact leur sens du merveilleux. Judith Chavanne est poétesse et aussi essayiste, avec une étude sur Jaccottet justement. Dans le présent ensemble, elle a pourtant préféré savourer le silence qui émane des mots laissés par le poète Allemand Reiner Kunze (né en 1933). Alors qu’il est connu et reconnu en Allemagne, Kunze est moins familier pour le public francophone, qui peut cependant le découvrir à la faveur d’une traduction d’ Invitation à une tasse de thé au jasmin (Cheyne, 2013). Cette « anthologie », établie par Kunze personnellement, constitue l’entrée idéale dans son œuvre et sert de fil conducteur à l’exploration menée par Judith Chavanne, qui nous amène à découvrir une production où le problème éthique prend toute son importance : Kunze a commis l’erreur littéraire, partant morale, de se faire, pendant un temps, le chantre du régime communiste. Jusqu’à ce qu’il porte sur le monde qui l’entoure « un regard éclairé ». Un retour à l’élémentarité des choses le dessille et marque le début de sa dissidence intérieure. Le programme, périlleux à appliquer dans la RDA des années 60, vaut encore en 2021 : « S’en tenir / à la terre // Ne pas jeter d’ombre / sur d’autres // Être dans l’ombre des autres / une clarté. »Qu’il s’agisse encore des pages consacrées à André Schmitz, Salvatore Quasimodo, Franz Moreau, Norge ou Marcel Piqueray, les interventions rassemblées ici dépassent le niveau de la simple étude formelle pour accéder à celui de l’interpellation métaphysique. À chacun, il a été demandé, comme l’aurait fait Philippe Jaccottet, Que reste-t-il ?…
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Sommaire • Dans l’intimité de la bibliothèque de Joseph Ndwaniye…