Spa, ses eaux, ses jolités, ses promenades, ses complots et… ses crimes. C’est en 1893 qu’Anne Dudant, situe les aventures de Ferdinand Lenz, « le plus grand détective, sans doute, que la Belgique ait jamais compté ». Sans doute. Madame Dudant, chercheur indépendant en histoire et archéologie, ignorerait-elle l’existence d’Hercule Poirot et de sa génitrice Agatha Christie ? Ce serait étonnant car le roman qu’elle vient de publier s’apparente en de nombreux points à la manière de la romancière anglaise. Suspense, suspense, le petit monde en villégiature à Spa pourrait tout aussi bien se pavaner sur le Nil ou dans une station balnéaire à la mode. Ici, ce qui retient l’attention, c’est le cadre et les modes de vie de la fin du XIXe siècle à Spa : ils servent de base à l’intrigue nouée dans la ville d’eaux. Nous découvrons les mœurs des curistes en goguette au Waux-Hall, les gâteaux servis dans le salon bleu, les parties de chasse à courre des petits barons, les petites Anglaises, les comtesses allemandes, les dames de compagnie et les habitudes spadoises avec leurs règles immuables et tacites. La Promenade de Quatre-heures et celle de Sept-heures, aussi courue que celle du Prater ou des Tuileries… Plantée d’ormes et de tilleuls, bordée de haies et de charmilles, c’est le rendez-vous indispensable des élégantes et des bobelins, alias les étrangers venus en cure à Spa. Mais nous sommes mis au parfum grâce à Yvonne et Germaine Poireau (tiens, tiens…), les grand-tantes de Ferdinand Lenz qui font partie de la bonne société spadoise et nous content gentiment les us et coutumes du lieu. Nous découvrons au fil du livre les lieux mal famés, les personnalités habituées aux eaux et leurs secrets, les accessoires typiquement spadois, comme ces jolités de bois trempé puis peint et ces chalumeaux de verre qui épargnent au curiste délicat le contact direct de l’eau ferrugineuse. Comme dans toutes les enquêtes policières, nous commençons par avoir un cadavre inconnu sur les bras. Puis, au fil des rencontres, la personnalité du jeune homme tué à Bahychamps par le poignard de lord Peabody se dessine en ombres et en contours. Un deuxième meurtre complique l’enquête et dresse un portrait de ces politiciens d’envergure internationale qui se retrouvent à Spa officiellement pour soigner leur arthrite et qui, dans les coulisses, en profitent pour conspirer et mettre en place des coups d’état. Champs de course, excursion dans les Fagnes, réceptions dans les villas de Balmoral ou dans l’hôtel particulier de Sir Richardson, à déguster sablés à l’anis ou au gingembre, cakes et thé servis par des domestiques indiens vêtus de saris : l’enquête nous promène d’un univers à l’autre, à la recherche d’un coupable… Question enquête, Anne Dudant semble d’ailleurs accorder plus d’intérêt aux réflexions de la vieille Germaine qu’aux supputations du neveu « grand détective » : elle n’a pas l’air de l’aimer, ce jeune dandy amateur de chaussures vernies, qui fixe à la brillantine la raie bien nette de ses cheveux et semble souvent dépassé par les événements. Vous l’aurez compris, l’écriture d’Anne Dudant ne révolutionne pas la littérature. C’est un roman simple, qui prend appui sur les éléments historiques pour broder bien gentiment une histoire de suspens à l’ancienne. Une histoire très anglaise ! L’intrigue est certes loin d’être palpitante, mais, pour ceux que l’ambiance des villes d’eaux fin de XIXe siècle intéresse, c’est l’occasion de cerner un peu mieux le climat spadois à la glorieuse époque des bobelins de tous pays en villégiature chez nous.
Auteur de Une saison à spa
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