Thomas Signorel

À PROPOS DE L'AUTEUR
Jean Evrard

Auteur de Thomas Signorel

Moi, Jean Evrard, né à Muno le 29 mai 1913, j'ai, à cause de la guerre, passé mon enfance dans ce village qui, avec Attert, matérialise la limite entre l'Ardenne et la Lorraine belge. Mon père, depuis 1910 garde-train au dépôt d'Arlon après une carrière de sous-officier avait rejoint son régiment de Carabiniers dès le 4 août 1914. Ma mère, poussant depuis Florenville la voiturette où je dormais sous l'écrasant soleil du plein été, était retournée chez ses parents. J'ai conté ces avatars de ma prime enfance dans un conte intitulé Le dernier Train et qui est le premier d'une longue série que je voudrais bien publier un jour sous le titre Contes de Noël, Contes d'aventures, Contes d'Amour. Souvent un souvenir me revient que je concrétise en un récit; il prend sa place à la suite des autres. Pour aujourd'hui, j'ai noté : Souvenirs et Regrets au sujet de Leuven. Avec l'âge, c'est fantastique comme la sarabande des aventures passées remonte et impose le texte qui perpétuera la leçon. Que tu te souviennes, vieux Jehan le Lorrain, qu'un matin de 1946 tu as peut-être sauvé l'hôtel de ville de la cité universitaire, où une canalisation électrique à haute tension s'était rompue, et s'éveillent tes regrets - ta rage aussi - que vous autres wallons l'on vous en ait chassés. Pour ceux de ta région, tu tiens compte exact des coups de pieds au cul. Après l'école gardienne à Muno chez Melle Germaine et les primaires à Arlon chez les maristes et à l'Institut des Frères des Ecoles chrétiennes de Bertrix, tu entras en 1926 à l'Ecole des Pupilles de l'Armée. Tu y trouvas pour professeur de français un autre Gaumais qui y faisait timidement ses débuts. Vous le surnommiez Minou et le chahutiez en miaulant, inconscients de la valeur de l'enseignements qu'il vous distillait. Maurice Grévisse te rejoignit plus tard à l'École des Cadets de Namur où s'élabora brillamment son Bon Usage, source de célébrité que la mort récente vient encore d'amplifier. Tu avais entre-temps passé un an au douzième de ligne à Liège. Petit caporal de seize ans, tu avais crevé dans le sable brûlant du camp de Beverloo et sur les routes interminables des marches forcées. Mais tu t'étais accroché à l'étude du flamand où se situait le seul échec de ta courte carrière. Après les trois années namuroises dont tu gardes un souvenir vivace en raison de tes exhibitions sur les terrains de football et de tes succès d'études, tu forças en 1933, la porte des armes spéciales (polytechnique) de l'École Militaire. Fort en mathématiques aussi bien qu'en littéraires, tu te classas treizième sur neuf cents candidats avec quelques cotes brillantes notamment en histoire et en français. Ton vieux maître Marneffe avait modelé votre esprit à coups d'exemples classiques, romantiques ou réalistes, adoucissant de poésie la rigidité syntaxique de Maurice Grévisse. Vous deveniez des as au moment où montaient les périls. Adressant ses adieux à ses derniers disciples, Monsieur Marneffe pleurait à chaudes larmes. Sur une pensée de Loti, il vous exhortait à faire votre devoir comme ceux de quatorze «en casoar et gants blancs». Pas un ne se rebiffait contre ces perspectives inhumaines. Terminé le lustre d'Écoles Militaires et d'Application, nous entrâmes sans transition dans la guerre. Pied de paix renforcé de l'invasion de la Tchécoslovaquie et des accords de Munich, alerte à la réunion de l'Autriche, mobilisation au forcement de la Pologne par les ogres associés, toutes troupes consignées lors de l'envahissement du Danemark et de la Norvège, ce n'est que le dix mai quarante que tu pus étaler tes qualités d'artificier et d'artilleur. De ton fort de Battice, tu arrosas la région de projectiles, obtenant le résultat escompté par cette interdiction : forcer l'ennemi à passer autre part ! Avec la mort, il passa où on ne l'attendait pas, bourrant ses panzerdivionen dans la percée de Sedan et fonçant vers la Manche pour vous boucler dans une énorme nasse. Sur ordre, tu fus prisonnier de guerre; durant cinq ans, tu cherchas la faille dans les réseaux de barbelés, tuant le temps en études et en méditation. «Une guerre n'est jamais finie pour celui qui l'a fait» prétendait Malaparte. Pour ne pas toujours devoir répéter ton histoire jusqu'à en devenir radoteur, tu couchas sur papier tes réminiscences de ces temps de violence... Jean Evrard est décédé le 18 août 1996.

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