Suite mallarméenne

PRIX
  •   Prix quinquennal de l'essai, 1960-1965
À PROPOS DE L'AUTEUR
Émilie Noulet

Auteur de Suite mallarméenne

Émilie Elisa Régine Noulet naît à Auderghem le 2 mai 1892. Après des études à l'École moyenne de Schaerbeek, elle fréquente l'École normale moyenne de l'État à Bruxelles, où elle acquiert une formation d'institutrice, de régente littéraire et scientifique. Au lendemain de la première guerre mondiale, elle s'inscrit comme étudiante à l'Université libre de Bruxelles dans la toute jeune section de philologie romane fondée par Lucien-Paul Thomas et Gustave Charlier, dont elle sera la disciple. Première femme diplômée de la section (1924), elle consacre sa thèse de doctorat à Léon Dierx. Publié l'année suivante aux Presses universitaires de France, l'ouvrage marquera son entrée dans la brillante carrière de critique littéraire où elle ne cessera de s'illustrer jusqu'à la fin de sa vie. Devenue professeur au Lycée communal d'Ixelles, elle poursuit sa vocation d'exégète. Elle donne une conférence sur Paul Valéry qui la fait remarquer de Georges Marlow. Ce dernier lui propose d'envoyer le texte de sa communication au Mercure de France, qui la publiera dans son numéro du 15 juin 1927. Une longue amitié affectueuse la liera à l'auteur de Monsieur Teste qui dédicacera un exemplaire de Rhumbs «À Émilie Noulet dont je suis compris. Celle qui sait lire», comme il l'appellera encore dans une autre dédicace, a consacré à Paul Valéry de nombreux ouvrages, considérés aujourd'hui encore comme des sommes inégalables d'intelligence et de finesse. De 1930 à 1940, elle assume à l'université la charge d'assistante auprès de Gustave Charlier et prépare sa thèse d'agrégation de l'enseignement supérieur consacrée à L'œuvre poétique de Stéphane Mallarmé (1940). La seconde guerre mondiale interrompt momentanément sa carrière à l'Université de Bruxelles. Mariée depuis 1937 au poète catalan Josep Carner, que la victoire du franquisme a contraint à l'exil, elle part le rejoindre à Mexico. Elle y exerce successivement les charges de professeur à l'Institut national de l'enseignement secondaire de Mexico et d'inspecteur de l'enseignement normal. L'année 1944 est marquée par la publication des Études littéraires. Elle y aborde le problème de l'hermétisme en poésie, étudie l'influence d'Edgar Pœ sur Baudelaire, Valéry et Mallarmé, et donne une exégèse de trois sonnets de Mallarmé. Elle fonde avec Josep Carner la revue Orbe, qui paraîtra du 1er juillet 1945 au 1er mai 1946. Dans cette revue latine de culture générale, on trouvera des études sur Valéry, bien entendu, mais aussi sur Supervielle, Roger Caillois ou Alfonso Reyes. Elle revient en Belgique en août 1945 et retrouve l'université, où elle reprend ses fonctions au titre d'agrégée. À partir de 1946, elle y dispense un cours libre sur la poésie moderne française à partir du romantisme et, en 1948, après la mort de Lucien-Paul Thomas, elle est nommée chargée de cours à temps partiel. Elle devient professeur ordinaire en 1953. Grande spécialiste de la poésie moderne, Émilie Noulet enchante ses étudiants par ses analyses de Rimbaud, de Tristan Corbière, de Valéry, de Mallarmé… Adversaire de l'explication biographique ou psychologique, elle veut faire parler le texte, l'obliger à dévoiler ses intimes secrets. Quidquid latet apparebit, inscrira-t-elle en épigraphe de ses Études littéraires… C'est du texte seul que peut jaillir le sens des mots, c'est lui qui doit guider le philologue dans sa recherche du texte poétique. «Seul le texte est pur, lui seul confesse», écrivait Valéry. Émilie Noulet ne trahira pas le maître tant admiré et consacrera ses talents d'enseignante à inculquer à des générations d'étudiants ce principe de l'analyse poétique. En 1953, elle publie Le premier visage de Rimbaud, édité par l'Académie, puis, en 1964, un volume consacré à Jean Tardieu. Le 14 novembre 1953, elle est élue à l'Académie de langue et de littérature françaises, au siège de Servais Étienne. On se souviendra de ce merveilleux texte, lu à l'Académie, en 1956 à l'occasion d'un débat organisé au sein de celle-ci sous le titre : Définir la poésie? Dans le déploiement inattendu d'un long poème en prose, riche en métaphores subtiles, ce grand critique donnait, de la poésie, la seule approche définitive possible : celle de la poésie elle-même. En 1962, Émilie Noulet est nommée professeur émérite de l'Université libre de Bruxelles et, en 1963, docteur honoris causa de l'Université de Paris. L'Alphabet critique qui paraîtra, en quatre volumes, de 1964 à 1968, reprend toute une série d'articles parus de 1924 à 1964, et rassemblés par ses étudiants. Belle façon de rendre hommage à cette grande dame pour qui l'enseignement représentait le plus beau des métiers. La retraite ne lui fait pas abandonner ses recherches. Elle publie encore de nombreuses études, dont Le ton poétique en 1971. Elle collabore à une impressionnante quantité de revues, des plus prestigieuses aux plus modestes : La Nouvelle Revue française, le Mercure de France, la Revue belge de philologie et d'histoire, Beaux-Arts, Combat (où, avec d'autres intellectuels, elle manifeste son engagement contre le nazisme), Solstice, Les Lettres, Empreintes, Fontaine, La Table ronde, Les Cahiers du Nord, Les Cahiers du Sud, Synthèses… En Amérique latine, elle a écrit dans les revues Bélgica, Filosofia y letras, Ruecca, El Hijo prôdigo… Émilie Noulet est également connue comme traductrice de Mariano Brull, José Marti et bien sûr, de son époux Josep Carner. La polyvalence et le talent caractérisent sans aucun doute cette grande critique disparue le 7 août 1978, dont Roland Mortier disait avec émotion : « Sa vie, en effet, est la courbe, littéralement exemplaire, d'un admirable destin de femme »…

AVIS D'UTILISATEURS

FIRST:xfirstword - "Suite mallarméenne"
stdClass Object ( [audiences] => [domains] => Array ( [0] => 9174 ) )

Ceci pourrait également vous intéresser...

Une revue catholique au tournant du siècle : Durendal 1894-1919

À propos du livre (texte de l'Introduction) Lorsqu'on parcourt une histoire de la littérature belge de langue française, le chapitre consacré à cette époque particulièrement florissante, qui va de 1880 à la première guerre mondiale, frappe par l'éclosion soudaine de revues littéraires qui suivirent l'exemple de la Jeune Belgique. Dans la liste de ces revues plus ou moins éphémères, l'attention est attirée par la longévité surprenante de l'une d'elles, Durendal, revue catholique d'art et de littérature . Ce mensuel catholique parut pendant vingt ans, de 1894 à 1914, alors que la Jeune Belgique ne sortit de presse que durant seize années et que la Wallonie disparut au bout de sept ans. Quelle recette a donc permis à Durendal de garder si long-temps ses lecteurs? Et une seconde question vient à l'esprit : à quoi pouvait bien s'intéresser une revue littéraire catholique à un moment où la littérature catholique semble inexistante? Qui a fondé Durendal ? Quels étaient ses objectifs? Autant de questions sur lesquelles bien peu de critiques ou d'historiens littéraires se sont penchés. En faut-il davantage pour désirer examiner avec un peu d'attention cette revue et la sortir de l'oubli, comme ce fut fait autrefois pour la Jeune Belgique et la Wallonie ? C'est ce que nous allons essayer de faire : rechercher les origines de la revue, découvrir son but, analyser la manière dont elle l'atteignit et les raisons qui la maintinrent en vie au-delà de la durée moyenne d'existence des revues littéraires belges. Ce travail ne se veut pas exhaustif: beaucoup d'aspects devront malheureusement rester ignorés, principalement certains problèmes plus particulièrement artistiques qui sortent de nos compétences par leur caractère trop technique. Nous ne proposerons pas non plus, dans chaque chapitre, un relevé détaillé de tous les articles parus dans Durendal et traitant du sujet mais seulement les extraits les plus significatifs. La présentation typographique de la revue, son illustration de plus en plus abondante et le sommaire de chaque numéro ne nous paraissent pas mériter de longs développements. Il suffit de savoir qu'en 1894 chaque numéro comptait vingt pages, tandis que ce nombre…

Le fantastique dans l’oeuvre en prose de Marcel Thiry

À propos du livre Il est toujours périlleux d'aborder l'oeuvre d'un grand écrivain en isolant un des aspects de sa personnalité et une des faces de son talent. À force d'examiner l'arbre à la loupe, l'analyste risque de perdre de vue la forêt qui l'entoure et le justifie. Je ne me dissimule nullement que le sujet de cette étude m'expose ainsi à un double danger : étudier l'oeuvre — et encore uniquement l'oeuvre en prose de fiction — d'un homme que la renommée range d'abord parmi les poètes et, dans cette oeuvre, tenter de mettre en lumière l'élément fantastique de préférence à tout autre, peut apparaître comme un propos qui ne rend pas à l'un de nos plus grands écrivains une justice suffisante. À l'issue de cette étude ces craintes se sont quelque peu effacées. La vérité est que, en prose aussi bien qu'en vers, Marcel Thiry ne cesse pas un instant d'être poète, et que le regard posé sur le monde par le romancier et le nouvelliste a la même acuité, les mêmes qualités d'invention que celui de l'auteur des poèmes. C'est presque simultanément que se sont amorcées, vers les années vingt, les voies multiples qu'allait emprunter l'oeuvre littéraire de M. Thiry pendant plus de cinquante années : la voie de la poésie avec, en 1919, Le Coeur et les Sens mais surtout avec Toi qui pâlis au nom de Vancouver en 1924; la voie très diverse de l'écriture en prose avec, en 1922, un roman intitulé Le Goût du Malheur , un récit autobiographique paru en 1919, Soldats belges à l'armée russe , ou encore, en 1921, un court essai politique, Voir Grand. Quelques idées sur l'alliance française . Cet opuscule relève de cette branche très féconde de son activité littéraire que je n'étudierai pas mais qui témoigne que M. Thiry a participé aux événements de son temps aussi bien sur le plan de l'écriture que sur celui de l'action. On verra que j'ai tenté, aussi fréquemment que je l'ai pu, de situer en concordance les vers et la prose qui, à travers toute l'oeuvre, s'interpellent et se répondent. Le dialogue devient parfois à ce point étroit qu'il tend à l'unisson comme dans les Attouchements des sonnets de Shakespeare où commentaires critiques, traductions, transpositions poétiques participent d'une même rêverie qui prend conscience d'elle-même tantôt en prose, tantôt en vers, ou encore comme dans Marchands qui propose une alternance de poèmes et de nouvelles qui, groupés par deux, sont comme le double signifiant d'un même signifié. Il n'est pas rare de trouver ainsi de véritables doublets qui révèlent une source d'inspiration identique. Outre l'exemple de Marchands , on pourrait encore évoquer la nouvelle Simul qui apparaît comme une certaine occurrence de cette vérité générale et abstraite dont le poème de Vie Poésie qui porte le même titre recèle tous les possibles. Citons aussi le roman Voie-Lactée dont le dénouement rappelle un événement réel qui a aussi inspiré à M. Thiry la Prose des cellules He La. Je n'ai donc eu que l'embarras du choix pour placer en épigraphe à chaque chapitre quelques vers qui exprimaient ou confirmaient ce que l'analyse des oeuvres tentait de dégager. Bien sûr, la forme n'est pas indifférente, et même s'il y a concordance entre les thèmes et identité entre les motifs d'inspiration, il n'y a jamais équivalence : le recours à l'écriture en prose est une nécessité que la chose à dire, à la recherche d'un langage propre, impose pour son accession à l'existence. C'est précisément aux «rapports qui peuvent être décelés entre ces deux aspects» de l'activité littéraire de Marcel Thiry que Robert Vivier a consacré son Introduction aux récits en prose d'un poète qui préface l'édition originale des Nouvelles du Grand Possible . Cette étude d'une dizaine de pages constitue sans doute ce que l'on a écrit de plus fin et de plus éclairant sur les caractères spécifiques de l'oeuvre en prose; elle en arrive à formuler la proposition suivante : «Aussi ne doit-on pas s'étonner que, tout en gardant le vers pour l'examen immédiat et comme privé des émotions, il se soit décidé à en confier l'examen différé et public à la prose, avec tous les développements persuasifs et les détours didactiques dont elle offre la possibilité. Et sa narration accueillera dans la clarté de l'aventure signifiante plus d'un thème et d'une obsession dont son lyrisme s'était sourdement nourri.» Car, sans pour autant adopter la position extrême que défend, par exemple, Tzvetan Todorov dans son Introduction à la littérature fantastique, et qui consiste à affirmer que la poésie ne renvoie pas à un monde extérieur à elle-même, n'est pas représentative du monde sensible (et d'en déduire — j'y reviendrai dans la quatrième partie — que poésie et fantastique sont, pour cette raison, incompatibles), on peut cependant accepter comme relativement sûr que la traduction en termes de réalité ne s'opère pas de la même façon lors de la lecture d'un texte en prose ou d'un poème. C'est donc tout naturellement qu'un écrivain recourra à la prose, dont l'effet de réel est plus assuré, dont le caractère de vraisemblance est plus certain, chaque fois qu'il s'agira pour lui, essentiellement, d'interroger la réalité pour en solliciter les failles, d'analyser la condition humaine pour en déceler les contraintes ou en tester les latitudes. Le développement dans la durée permet l'épanouissement d'une idée, la mise à l'épreuve d'une hypothèse que la poésie aurait tendance à suspendre hors du réel et à cristalliser en objet de langage, pour les porter, en quelque sorte, à un degré supérieur d'existence, celui de la non-contingence. Il n'est sans doute pas sans intérêt de rappeler que, dans un discours académique dont l'objet était de définir la fonction du poème, M. Thiry n'a pas craint de reprendre à son compte, avec ce mélange d'audace et d'ironie envers lui-même qui caractérise nombre de ses communications, cette proposition de G. Benn et de T. S. Eliot pour qui la poésie n'a pas à communiquer et qui ne reconnaissent comme fonction du poème que celle d'être. La projection dans une histoire, l'incarnation par des personnages, la mise en situation dans un décor comme l'utilisation de procédés propres à la narration permettent une mise à distance qui favorise l'analyse et la spéculation et qui appelle en même temps une participation du lecteur. Parallèlement, on peut sans doute comprendre pourquoi presque toute l'oeuvre de fiction est de nature fantastique ou, dans les cas moins flagrants, teintée de fantastique. Car la création d'histoires où l'étrange et l'insolite ont leur part est aussi une manière de manifester ce désir de remettre en cause les structures du réel ou tout au moins de les interroger. Pour l'auteur d' Échec au Temps , la tentation de l'impossible est une constante et l'événement fantastique est le dernier refuge de l'espérance. Son oeuvre se nourrit à la fois de révolte et de nostalgie. Révolte contre l'irréversibilité du temps humain dans Échec au Temps , révolte contre le caractère irréparable de la mort qui sépare ceux qui s'aiment dans Nondum Jam Non , dans Distances , révolte contre l'injustice des choix imposés à l'homme dans Simul , révolte contre les tyrannies médiocres du commerce dans Marchands … Nostalgie du temps passé, du temps perdu, du temps d'avant la faute, nostalgie de tous les possibles non réalisés, de la liberté défendue, de la pureté impossible. Nostalgie complémentaire de la révolte et qui traverse toute l'oeuvre de Marcel Thiry comme un leitmotiv douloureux. Comme l'écrit Robert Vivier, «le thème secret et constant de Thiry, c'est évidemment l'amour anxieux du bonheur de vivre ou plus exactement peut-être le désir, perpétuellement menacé par la lucidité, de trouver du bonheur à vivre». Où trouver, où retrouver un bonheur que la vie interdit sinon dans la grande surprise du hasard qui suspendrait les lois du monde? La première maîtresse de ce hasard est justement la…