La légende de La Jeune Belgique


RÉSUMÉ

À propos du livre (extrait de la préface)

Les quatre textes réunis dans cet ouvrage comptent parmi ceux qui ont fait le plus pour fonder la légende de La Jeune Belgique. Ils sont connus, mais depuis longtemps inaccessibles en dehors des grandes bibliothèques.

Les "Quinze années de littérature" d’Iwan Giklin parurent dans le quatorzième…


DOCUMENT(S) ASSOCIÉ(S)
Lire un extrait

Quinze années!… Qu'il est loin, ce beau jour de printemps, où, à demi couché dans le wagon qui me ramenait, étudiant ambulant que j'étais, de Louvain à Bruxelles, je feuilletais curieusement les premières livraisons d'une petite revue littéraire qui venait de naître. Mon ami Albert Giraud me les avait données, à la sortie du cours, en m'engageant à collaborer. Ils étaient là, éparpillés sur la banquette, dans un chaud rayon de soleil, les petits cahiers bleus, qui portaient ce titre sonore : La Jeune Belgique. Je lisais, je lisais fiévreusement. C'étaient des vers de mes amis Giraud, Rodenbach, Verhaeren, des articles de Max Waller; il y avait aussi foule de signatures inconnues, mais les écrivains étaient tous, m'avait-on dit, de tout jeunes hommes, des étudiants comme moi. Et ils faisaient des vers, de vrais vers!... Enfin! c'était la réalisation de mon rêve de collégien : trouver quelques jeunes gens doués du don d'écrire et faire aveux eux de la littérature, dans ce pays belge si rebelle aux lettres, et fonder ensemble une revue libre de toute attache avec les générations précédentes, trop affreusement philistines, afin de créer un mouvement littéraire original, jeune et indépendant. La revue était là, toute faite; il ne s'agissait plus que d'y écrire.

On écrivit. Avec quelle ardeur, avec quel enthousiasme, avec quel fanatisme, ceux qui prirent part aux débuts de La Jeune Belgique ne l'ont pas oublié et ne l'oublieront jamais. Dès l'abord, il fallut se faire, de haute lutte, une place au soleil. Ce n'était pas facile. On ne se représente plus très bien aujourd'hui, au seuil de l'an de grâce 1896, ce qu'il fallait d'audace et de ténacité pour «faire de la littérature» ici il y a quinze ans. Avant 1880 la Belgique, au point de vue littéraire, était un désert. Trois ou quatre artistes de la plume, Pirmez, De Coster, Lemonnier et Hannon, écrivaient pour eux-mêmes et pour une demi-douzaine d'amis, qui lisaient en se cachant, de peur de se faire montrer au doigt. La «littérature» professionnelle était exercée par des messieurs plus ou moins officiels, qui rédigeaient des choses quelconques : papiers d'archives, dans la semaine, cantates le dimanche. La Jeune Belgique a naguère cité quelques échantillons de la poésie de M. Ch. Potvin, un très estimable lettré qu'on eut le tort de prendre pour un poète.
(extrait de "Quinze années de littérature" d'Iwan Gilkin)
Table des matières

Introduction

Iwan Gilkin : Quinze années de littérature

Iwan Gilkin : Les origines estudiantines de La Jeune Belgique

Oscar Thiry : La miraculeuse aventure des Jeunes Belgiques

Valère Gille : La Jeune Belgique au hasard des souvenirs

À PROPOS DE L'AUTEUR
Raymond Trousson
Auteur de La légende de La Jeune Belgique


Né à Bruxelles le 11 juin 1936, Raymond Trousson, au terme de ses humanités à l'Athénée royal de Saint-Gilles, s'inscrit à l'Université libre de Bruxelles, tâte de la philologie classique, n'y trouve pas son compte et bifurque vers la philologie romane, assuré que là est sa place depuis le jour où il a assisté, dans l'émerveillement, à la leçon inaugurale d'un jeune chargé de cours dont il ne savait pas même le nom. C'était le 14 octobre 1955, et le professeur dont le savoir et la parole l'ont ébloui était Roland Mortier, appelé à guider ses premiers pas dans la carrière scientifique. Licencié en philologie romane en 1959, professeur pendant un an à l'Athénée Robert Catteau, où il se lie d'amitié avec Robert Frickx, il accède au Fonds national de la recherche scientifique (F.N.R.S-aspirant en 1960, chargé de recherches en 1963). Dès lors, tout se déroule au pas de charge, la cadence qui convient à sa puissance de travail et qui répond à son besoin d'une activité intense et ininterrompue.

Le thème d'Antigone, sujet de son mémoire de licence, l'a orienté vers la thématologie littéraire. Ce domaine complexe, difficile à défricher et à déchiffrer, exigeant érudition, méthode et esprit de synthèse, est à sa mesure. Il en fournit la preuve éclatante avec sa thèse de doctorat sur Le mythe de Prométhée dans la littérature européenne, présentée en 1963, publiée l'année suivante, saluée sur-le-champ comme un ouvrage fondamental (réédition en 1976). Sur la base d'un dénombrement minutieux des œuvres, le jeune chercheur met en lumière les divers avatars du mythe depuis Hésiode, qui lui donna sa première forme littéraire, et Eschyle, qui en fit le symbole du génie humain. Chemin faisant, il écarte pas mal d'idées reçues. Par exemple, il est inexact que Prométhée ait disparu entre Eschyle et Goethe. Prétendre que l'histoire de Prométhée ne commence qu'après 1789 revient à centrer le mythe sur la révolte, à peu près absente de son symbolisme avant Goethe. Lorsque le voleur du feu devient le héros de la révolte, l'objet de sa contestation varie, au gré de la sensibilité des auteurs et des changements de l'optique collective. Le Titan romantique n'est pas le Titan goethéen…

Auteur d'un Prométhée magistral, Raymond Trousson a contribué à la réhabilitation de la thématologie ou «Stoffgeschichte», frappée d'un discrédit encore manifeste au début des années soixante. Passant de la pratique à la théorie, il entre dans le débat dès 1965 avec un livre qui fait sensation : Un problème de littérature comparée : les études de thèmes. Essai de méthodologie, dont il peaufinera l'argumentation en 1981 (Thèmes et mythes. Questions de méthode). Il importe de clarifier la thématologie par l'adoption de termes débarrassés de toute ambiguïté. L'appellation de mythe littéraire entretenant une confusion, on lui substituera les notions de motif et de thème. Le thème est l'individualisation du motif : par exemple, le motif du séducteur s'incarne dans le thème de Don juan, le motif des amours contrariées dans le thème de Tristan et Iseut ou celui de Roméo et Juliette. Le motif est abstrait et intemporel; le thème part nécessairement de l'œuvre littéraire initiale qui en a fixé les éléments constitutifs. Sur l'assise de ce distinguo capital, Raymond Trousson reconstruit la thématologie, délimite sa matière, caractérise sa méthode comparatiste, situe sa place entre l'histoire littéraire et l'histoire des idées.

En 1967, il entre dans le corps professoral de l'Université libre de Bruxelles. Son œuvre, déjà considérable à cette date, ne cessera de s'enrichir et de se diversifier.

Le XVIIIe siècle y occupe une place prépondérante. En souvenir peut-être de sa première vocation, Trousson s'intéresse à la survivance de la culture antique à l'époque des Lumières. De ses nombreux écrits relatifs à ce sujet, deux ouvrages émergent : Socrate devant Voltaire, Diderot et Rousseau (1967) et, publiée sous le titre Diderot helléniste (1969), la savante édition critique d'un manuscrit inédit de Diderot, la traduction de l'Apologie de Socrate, rédigée en 1749, au château de Vincennes. À partir de 1970, c'est à Jean-Jacques Rousseau qu'il consacre l'essentiel de son activité de dix-huitiémiste. Il l'approche de multiples façons : Jean-Jacques Rousseau dans la presse périodique allemande de 1750 à 1800 (1970), Rousseau et sa fortune littéraire (1971), Balzac disciple et juge de Jean Jacques Rousseau (1983), Le tison et le flambeau. Victor Hugo devant Voltaire et Rousseau (1985), Stendhal et Rousseau (1986), Jean-Jacques Rousseau. I. La marche à la gloire (1988). II. Le deuil éclatant du bonheur (1989), Jean-Jacques Rousseau. Bonheur et liberté (1992), Jean-Jacques Rousseau. Heurs et malheurs d'une conscience (1993), Romans libertins au XVIIIe siècle (1993), Défenseurs et adversaires de Rousseau (1995), édition des Confessions (1995). Enfin, il a étudié Jean-Jacques Rousseau jugé par ses contemporains (2000) et présenté un Rousseau raconté par ceux qui l'ont vu (2004). Ces dernières années, sa curiosité l'a également orienté vers le maître de l'Encyclopédie : Images de Diderot (1997) retrace les avatars de la réception critique du philosophe de 1778 à 1913, Diderot jour après jour (2006) est une rigoureuse chronologie de la vie et de l'œuvre, Diderot ou le vrai Prométhée (2005) est une biographie. Dans Visages de Voltaire (2001), il a présenté l'image du patriarche de Ferney dans la littérature et la pensée du XIXe siècle. En 2004 a paru Antoine-Vincent Arnault, histoire d'un homme de lettres entre classicisme et romantisme dont il avait déjà édité les Mémoires d'un sexagénaire (2003), en 2006 une volumineuse édition des mémoires et du journal de J.P.G. Viennet, poète et dramaturge.

Jean-Jacques l'a-t-il amené à se pencher sur le phénomène de l'utopie? En 1975, il présente le fruit de ses investigations et de sa réflexion : Voyages aux pays de nulle part. Histoire littéraire de la pensée utopique (réédition augmentée en 1979). Comme son Prométhée, un livre-événement, fondé sur une définition rigoureuse qui exclut du genre étudié les rêveries de l'Âge d'or, de l'Arcadie et des robinsonnades. En marge de ce vaste panorama, il a réédité maints utopistes oubliés de nos jours, parmi lesquels Louis-Sébastien Mercier (1740-1814), l'auteur de L'An deux mille quatre cent quarante, la première utopie dans le temps. Ont suivi un essai sur l'utopie et les utopistes (1998), un autre sur les religions d'utopie (2001), un troisième sur la fonction des sciences et des techniques de l'utopie à l'anti-utopie (2003).

L'esprit des Lumières dont il est tout imprégné lui a inspiré, ces derniers temps, des ouvrages d'histoire des idées : Histoire de la libre pensée. Des origines à 1789 (1993), Voltaire et les droits de l'homme (1994) et une biographie d'Isabelle de Charrière (1994). Il est enfin un domaine qu'il n'a cessé d'observer. Remontant jusqu'au prince de Ligne, il a parcouru toutes les époques de la littérature belge de langue française par le biais d'études évoquant une quinzaine de nos écrivains, en particulier Charles De Coster dont il a édité Lettres à Élisa (1994) après avoir retracé d'une plume alerte sa biographie : Charles De Coster ou la Vie est un songe (1990). Il a donné depuis des biographies d'Iwan Gilkin () et de Charles Van Lerberghe (2002), publié les mémoires inédits du premier (2000) et la correspondance du second avec Fernand Severin (2002) et une histoire de l'Académie (1999) et de La Jeune Belgique (2000).

Titres et distinctions, en Belgique et à l'étranger, ont consacré la notoriété de Raymond Trousson. Depuis le 8 septembre 1979, il est membre de l'Académie, où il a succédé à Émilie Noulet.

Raymond Trousson est décédé le 25 juin 2013.


AVIS D'UTILISATEURS

FIRST:quinze années littérature - "La légende de La Jeune Belgique"
stdClass Object ( [audiences] => [domains] => Array ( [0] => 9174 ) )

Ceci pourrait également vous intéresser...

Histoire, forme et sens en littérature. La Belgique francophone Tome 3 – L’évitement (1945-1970)

Comment mieux plaider l’existence d’une littérature de Belgique francophone, comment la défendre quand elle a pendant trop longtemps été considérée comme périphérique, complexée et mineure, qu’en en saisissant l’ histoire , la forme et le sens  ? Ces trois maîtres mots président à la démarche de Marc Quaghebeur depuis le premier volume du grand récit qu’il en a entamé en 2015 . Le chantier est immense : il faut faire émerger les figures puis interroger le rapport organique qu’elles entretiennent avec leur œuvre respective ; il faut les inscrire dans des veines, des tendances, des lignes de force, interroger la nature des rencontres, tisser les dialogues et rendre compte aussi des percussions ; enfin, faire résonner le tout avec cette vaste chambre d’écho qu’est le siècle qui l’a pétrie. C’est en somme un travail davantage musical que scriptural, et l’impression de voir se développer une partition se confirme à la découverte de ce troisième volume (sur quatre annoncés) En homme de goût parfait, Quaghebeur a choisi d’illustrer la couverture avec un logogramme peu connu de Christian Dotremont, zébrant en rouge et noir Un grenier répandu, une fête pas assemblée . Et c’est bien ce que représentent ces vingt-cinq années de création romanesque, poétique ou théâtrale. Alors que, pendant les années de guerre, l’isolationnisme culturel imposé par les autorités d’occupation – et marqué notamment par l’interdiction de circulation des livres français sur le territoire – a pu donner aux écrivains francophones de Belgique l’illusion d’une existence autonome, au sortir du désastre, le recentrage sur la France et le tropisme parisien sont drastiques.Est-il encore possible de s’exclamer « Soyons nous » si l’impératif réel est d’« écrire comme eux », aussi bien et aussi correctement ? Le gommage de l’expression identitaire, à travers un lexique, une langue ou un style particulier, est total. Entre classicisme lundiste et enfièvrement ludique, franges paralittéraires et marges expressives, les écrivain.e.s cherchent autant d’échappatoires à leur condition profonde de « Belges ». Le sous-titre du volume n’est pas pour rien «  L’évitement  »… Puis de nouveaux apports entrent en jeu, qui rebattent définitivement l’équation un sol/une langue/un peuple, déjà si malmenée et complexe pour un pays bicommunautaire : l’arrivée d’ouvriers italiens et de leurs familles est le premier mouvement migratoire de masse qu’expérimente la population autochtone ; pendant quinze ans aussi, on voit les derniers feux de l’« Empire de Papa » avant que le Congo prenne son indépendance…Cette tranche chronologique – et c’est l’immense mérite de Quaghebeur que de le prouver – n’a donc rien d’une parenthèse creuse. Elle est au contraire riche d’œuvres qui, par leur mise en relation constante avec l’ histoire , ont forme et prennent sens . Non pas qu’elles proposent de dire frontalement le réel (il faudra attendre le quatrième volume pour voir comment des Conrad Detrez ou des Pierre Mertens liront et écriront l’histoire de Belgique), mais bien parce qu’elles tentent d’apporter une réponse originale au traumatisme majeur qui aurait pu la laisser groggy, après Hiroshima et Auschwitz. «  À leur manière, les choix néoclassiques font pendant, sur un plan idéal, aux objectifs de reconstruction nationale, non idéologisée, du pays ainsi qu’au dépassement des camps d’extermination. Ne frappaient-ils pas d’inanité l’exaltation des nations tout autant que la conviction du caractère téléologique de l’Histoire ?  »L’évitement n’est donc en rien lâcheté posturale, mais bien déport de la conscience et de la sensibilité vers le ressourcement dans le mythe (Bauchau), le réalisme magique (Willems), l’expression d’un espoir ontologique (Paul Nothomb), la poétisation analogique de soi (Lilar), le libre franchissement des limites expressives (Dotremont), l’iconoclasme pur (Mariën).Et parlant d’iconoclasme, Quaghebeur n’est pas en reste, quand il ose terminer son tour d’horizon avec le Grand Jacques. Provocation que de consacrer vingt-cinq pages à un chansonnier ? Interdiction formelle de les sauter pourtant, car le phénomène Brel incarne justement le point de charnière entre cette période morcelée et la suivante, qui sera soclée sur la « Belgitude ». Un mot dont la première occurrence, à en croire Olivier Todd, pourrait bien ne s’être pas trouvée dans le numéro des Nouvelles littéraires qui l’imposa mais dans la tête du chanteur dès le début des années 1970. Et, à coup sûr, dans la déchirante (et trop longtemps restée inédite) chanson Mai 40 … Brel aura enté dans le patrimoine de la chanson française nos tiraillements et écorchements, notre ulenspieghelitude et notre grandiose petitesse, notre carnavalesque délirant et nos confuses rêveries. Sa voix module ce que celles de tous les prédécesseurs rassemblés dans ce volume ont exprimé en sourdine sur la page blanche. Et tout cela,…

Le Voyage au bout de la nuit de Céline : roman de la subversion et subversion du roman

À propos du livre À travers les différents niveaux de sens que le texte romanesque du Voyage au bout de la nuit superpose, cet ouvrage serre de près le processus d'instauration du langage célinien, de la surface des mots à la totalité de la création. Transposant la rhétorique de l'argot en un formidable discours subversif, ce langage fonde l'identité symbolique de Bardamu, le héros-narrateur, mais aussi celle de Céline dans cette Nuit de l'écriture où, entre vécu et imaginaire, durée et Histoire, désir et néant, l'écrivain triomphe des discours sociaux de son temps par l'affirmation souveraine d'un style. Mythe romanesque du voyageur de la Nuit, hallucinant de vérité désespérée et de révolte ; mythe littéraire de l'écrivainargotier dont le propos embrasse dans sa revanche verbale toute la honte, toute la souffrance du Mal contemporain : deux niveaux de cette «écriture de la parole» qui entretiennent un subtil trompe-l'oeil entre le sens et la représentation. C'est dans ce travail que résident la modernité de Céline, son art réel d'écrivain comme sa compromission authentique de sujet face à la société et à l'Histoire. Cette étude est le fruit d'une technique magistrale et…