Le Centre belge de la Bande dessinée sort une nouvelle revue trimestrielle Dessableur, qui ravira les passionné.e.s et les curieux.ses de bande dessinée populaire. Plongée dans le premier numéro de mars 2021.
Le Centre belge de la Bande dessinée sort une nouvelle revue trimestrielle Dessableur, qui ravira les passionné.e.s et les curieux.ses de bande dessinée populaire. Plongée dans le premier numéro de mars 2021.
Comme l’édito de ce premier numéro l’annonce, « le nom ‘Dessableur’…
Érotisme et neuvième art : cheminement d’un genre et parcours d’auteurs
En 2013, Apple contraint Izneo, plateforme française de vente de bandes dessinées en ligne, à supprimer 40 % de son catalogue destiné à sa version iPad. Le géant américain de l’informatique souhaite que soit retirés des albums le contenu qu’il considère comme « pornographique ». En l’occurrence, ce sont non seulement la nudité des personnages, mais aussi les rapports sexuels qui sont visés. Suite à ces pressions, de nombreux albums ont été retouchés, voire purement et simplement supprimés. C’est ainsi que Philippe Delaby, dessinateur de la série Murena, retraçant la vie sous la Rome antique, a dû recouvrir ses gladiateurs nus de pagnes pour éviter les foudres de la censure. D’autres séries de grande diffusion, telles que Largo Winch et XIII, ont également été concernées par cette décision. Les réactions ont fusé, compte tenu de l’absence d’une telle censure en ce qui concerne les scènes de violence. Si l’affaire pose la question de la liberté d’expression, elle met surtout en avant la place particulière que la bande dessinée franco-belge accorde à l’érotisme depuis plusieurs décennies maintenant. Dès lors qu’elle ne s’adresse pas au jeune public, la bande dessinée telle que nous la connaissons aujourd’hui confère en effet un rôle important à la sensualité et à la nudité. Outre les nombreux ouvrages à caractère exclusivement érotique et qui constituent une niche à part entière, de laquelle se détachent les albums sulfureux de l’italien Milo Manara, l’érotisme est aujourd’hui normalisé au sein de la bande dessinée. Loin d’être toujours transgressive, cette dimension fait désormais partie intégrante des albums ciblant un public d’adultes. Mais en a-t-il toujours été ainsi ? Sensualité et bande dessinée ont-elles toujours fait bon ménage ? En Belgique, l’érotisme a longtemps été strictement proscrit. Il s’agissait de ne pas effaroucher les jeunes têtes blondes auxquelles les albums étaient destinés en priorité. Aujourd’hui, la place que l’érotisme a acquise dans le monde de la bande dessinée témoigne d’une évolution, qui n’est pas seulement celle d’un médium ayant acquis ses lettres de noblesse, mais plus largement une évolution sociale. L’histoire de l’érotisme dans la bande dessinée en Belgique s’enracine dans certaine tradition de l’illustration. D’un art réservé aux enfants et soumis à de nombreux tabous, la bande dessinée en vient progressivement à s’adresser aux adultes et à faire une place à la sexualité. La carrière de nombreux auteurs belges suivra un parcours similaire, en passant de séries pour les enfants à des albums pour adultes, ou l’érotisme trouvera souvent une place de choix. Eros illustré La bande dessinée est l’héritière d’une culture de l’illustration qui s’est développée tout au long du XIXe siècle. Avec le développement de nouvelles techniques, telles que la lithographie, et l’augmentation de la place de l’imprimé dans les pratiques culturelles (presse, livres, vignettes), l’illustration participe de l’avènement d’une culture de masse, qui accorde une très large place à l’image. L’illustration au XIXe siècle inspirera par la suite nombre de dessinateurs de bande dessinée. Parmi eux, Paul Cuvelier s’est dit influencé, entre autre, par Gustave Doré. Il en va de même pour Yslaire qui a déclaré dans un entretien : « Mon style reste une icône graphique influencée par le dix-neuvième siècle » XX . Dans la presse, qui prend son essor à cette époque, de nombreux illustrateurs exercent leur talent sur le mode de la caricature et de la satire. Mais cette culture de masse a aussi son envers, et ces producteurs d’images s’adressent également à des publics plus avertis. Durant la deuxième moitié du XIXe siècle, il est de bon ton, dans la grande bourgeoisie européenne, de disposer dans sa bibliothèque d’un Enfer. Dessins et gravures érotiques sont des objets que les collectionneurs conservent précieusement et dont ils ne partagent la jouissance qu’en de rares occasions. Les œuvres d’auteurs tels que Charles Baudelaire ou, plus tardivement, Pierre Louÿs sont fréquemment illustrées de gravures osées. La Belgique en particulier est le lieu d’une tradition du livre libertin et de l’illustration érotique dont Félicien Rops demeure la figure la plus emblématique. Bande dessinée et bonnes mœurs La bande dessinée franco-belge s’est longtemps montrée des plus chastes. Réservée pendant des décennies aux seuls enfants, les albums proscrivaient systématiquement toute forme d’érotisme. Les deux principaux hebdomadaires francophones, Tintin et Spirou, occupaient à eux deux la presque intégralité du terrain. Pendant longtemps leurs pages ont écarté tout rapport à la sensualité ou à la nudité. Peu de femmes y ont été dessinées, à l’exception de personnages tels que Seccotine ou la Castafiore, sempiternels seconds rôles, voire purement et simplement potiches ou faire-valoir du héros. En outre, les personnages féminins trop dévêtus étaient retouchés avant publication. Pas d’histoires d’amour pour les héros des enfants, dont la vie sentimentale était à peu près inexistante, contrastant avec la richesse des aventures trépidantes dans lesquelles ils étaient plongés. L’après-guerre, en particulier, est une période soucieuse en matière de contenu des publications. Ainsi la loi de juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse et sa commission de surveillance se sont-elles longtemps assuré que le contenu de la moindre case ne contrevienne pas aux bonnes mœurs. À l’origine du refus d'importation de plusieurs albums belges, cette loi française régira également la production de bande dessinée en Belgique. Alors que son lectorat est similaire de chaque côté de la frontière, la bande dessinée belge s’accommode de ces contraintes. Les directeurs des principales maisons d’édition veillent dès lors, en bons pères de famille, à ce que la teneur des albums qui sortaient de leurs presses ne puisse heurter la sensibilité de leur jeune lectorat. En grandissant, les jeunes lecteurs s’intéressent à d’autres choses, et les aventures des héros qui ont nourri leur imaginaire de jeunesse ne leur suffisent plus. Ils sont durant les années 60 devenus des adultes. Élevés dans le giron du neuvième art, ils en attendent davantage, et les auteurs vont les satisfaire. Ce n’est qu’à partir de la fin des années 60 que la bande dessinée franco-belge devient adulte et ose traiter de sujets jusqu’alors proscrits comme la drogue, la politique et la sexualité. Cette période est, comme on sait, caractérisée par une libération des mœurs sans précédent. La contestation et la remise en question des tabous vont faire évoluer la production artistique en général. Les États-Unis ont en la matière de l’avance sur l’Europe qui va désormais connaître l’influence des strips et comics, ainsi que celle de la bande dessinée underground américaine. Ces modèles vont changer la donne. De l’autre côté de l’Atlantique, la bande dessinée n’a pas connu la même évolution que son équivalent franco-belge, surtout en matière de traitement des mœurs. Tijunana bibles, pin-up et strips érotiques C’est en effet dans les strips et comics venus des États-Unis que les auteurs européens découvrent pour la première fois des planches empreintes d’érotisme. En Amérique du Nord, cette veine se développe dès les années 20, d’abord clandestinement. Les Tijuana Bibles ou eight-pagers, de courtes bandes dessinées pornographiques, se vendent sous le manteau. Ces pastiches bon marché parodient des célébrités ou des classiques de la bande dessinée américaine. Mickey Mouse et Donald Duck y vivent des aventures bien différentes de celles auxquelles les petits Américains ont été habitués. Les pin-up sont à la base d’un certain type de représentation des femmes dans la bande dessinée.…
Une revue catholique au tournant du siècle : Durendal 1894-1919
À propos du livre (texte de l'Introduction) Lorsqu'on parcourt une histoire de la littérature belge de langue française, le chapitre consacré à cette époque particulièrement florissante, qui va de 1880 à la première guerre mondiale, frappe par l'éclosion soudaine de revues littéraires qui suivirent l'exemple de la Jeune Belgique. Dans la liste de ces revues plus ou moins éphémères, l'attention est attirée par la longévité surprenante de l'une d'elles, Durendal, revue catholique d'art et de littérature . Ce mensuel catholique parut pendant vingt ans, de 1894 à 1914, alors que la Jeune Belgique ne sortit de presse que durant seize années et que la Wallonie disparut au bout de sept ans. Quelle recette a donc permis à Durendal de garder si long-temps ses lecteurs? Et une seconde question vient à l'esprit : à quoi pouvait bien s'intéresser une revue littéraire catholique à un moment où la littérature catholique semble inexistante? Qui a fondé Durendal ? Quels étaient ses objectifs? Autant de questions sur lesquelles bien peu de critiques ou d'historiens littéraires se sont penchés. En faut-il davantage pour désirer examiner avec un peu d'attention cette revue et la sortir de l'oubli, comme ce fut fait autrefois pour la Jeune Belgique et la Wallonie ? C'est ce que nous allons essayer de faire : rechercher les origines de la revue, découvrir son but, analyser la manière dont elle l'atteignit et les raisons qui la maintinrent en vie au-delà de la durée moyenne d'existence des revues littéraires belges. Ce travail ne se veut pas exhaustif: beaucoup d'aspects devront malheureusement rester ignorés, principalement certains problèmes plus particulièrement artistiques qui sortent de nos compétences par leur caractère trop technique. Nous ne proposerons pas non plus, dans chaque chapitre, un relevé détaillé de tous les articles parus dans Durendal et traitant du sujet mais seulement les extraits les plus significatifs. La présentation typographique de la revue, son illustration de plus en plus abondante et le sommaire de chaque numéro ne nous paraissent pas mériter de longs développements. Il suffit de savoir qu'en 1894 chaque numéro comptait vingt pages, tandis que ce nombre…